Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite de rejet née le 23 février 2020 du silence gardé par le directeur régional de Pôle emploi Île-de-France sur sa demande tendant au remboursement de ses frais de déplacements professionnels temporaires au titre des années 2018 et 2019 sur la base de la distance entre son domicile et le lieu du déplacement et de condamner Pôle emploi à lui verser, d'une part, une somme de 2 913,24 euros correspondant au montant de ces frais et, d'autre part, une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi.
Par un jugement n° 2002531 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions de Pôle Emploi présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 août 2022, le 2 juillet 2023 et les 10 et 17 février 2025, M. B..., représenté par Me Chouki demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'annuler le rejet implicite du 23 février 2020 du directeur régional de Pôle Emploi sur sa demande de remboursement de ses frais de déplacements, sur la base de la distance entre son domicile et le lieu de déplacement, pour 2018 et 2019 et de condamner Pôle Emploi au paiement de ces sommes pour un montant de 2 913,24 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner Pôle Emploi au paiement de ses frais de déplacements pour 2018 et 2019, sur la base de la distance entre son agence de rattachement et le lieu de déplacement, pour 1 736 euros ;
4°) de condamner Pôle Emploi au paiement d'une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
5°) de rejeter l'ensemble des demandes de Pôle Emploi ;
6°) de mettre à la charge de Pôle Emploi le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il est bien fondé à demander l'annulation du rejet implicite du 23 février 2020 dès lors que sa requête présente un caractère mixte ;
- en 2018 et 2019, il a été amené à effectuer des déplacements pour des formations ou en lien avec ses activités syndicales ; ces frais de déplacements ne lui ont jamais été remboursés ;
- en refusant de lui payer ses frais de déplacements, son employeur a entravé le principe du libre exercice du mandat syndical, protégé par la Constitution ;
- à titre principal, ses frais de déplacements doivent être calculés sur la distance entre son domicile et le lieu de son déplacement ; en vertu de l'article 6 du décret du 11 février 2016 encadrant le télétravail, il doit bénéficier des mêmes droits que les agents exerçant sur leur lieu d'affectation ; or, en pratique, son lieu de travail effectif, où il accomplit la majeure partie de son temps de travail, est son domicile à Marly-le-Roi, ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 3 de son acte individuel d'autorisation d'exercice des fonctions en télétravail du 1er juin 2017 ; ces frais s'élèvent à 2 913,24 euros ;
- à titre subsidiaire, ses frais doivent être calculés sur la distance entre son agence d'affectation à Plaisir et les lieux de ses déplacements et s'élèvent à 1 736 euros ;
- les refus de remboursement dont il a fait l'objet ont eu des conséquences sur sa santé alors, en plus, qu'il est reconnu travailleur handicapé ; son préjudice doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 12 janvier 2023 et le 24 janvier 2025, France travail, représenté par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable, en l'absence de conclusions dirigées contre le jugement du 23 juin 2022 ;
- les conclusions indemnitaires relatives au préjudice moral sont irrecevables en l'absence de demande indemnitaire préalable de M. B... sur ce chef de préjudice ;
- les moyens soulevés à l'encontre du rejet implicite de sa demande sont inopérants dès lors que la demande de M. B... a un caractère de recours de plein contentieux indemnitaire ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ;
- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Liogier,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., agent contractuel de droit public de Pôle emploi affecté à l'agence de Plaisir, a été autorisé, par une décision du 1er juin 2017 du directeur régional de Pôle emploi Île-de-France, à exercer partiellement ses fonctions de conseiller en télétravail à son domicile. Par un courrier du 18 décembre 2019, reçu le 23 décembre 2019, il a demandé au directeur régional de Pôle emploi Île-de-France que le remboursement de ses frais de déplacements qu'il a exposés au titre des années 2018 et 2019 soit calculé sur la base de la distance entre son domicile et le lieu du déplacement, et non entre son site de rattachement et le lieu du déplacement. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 23 juin 2022 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation du rejet implicite de sa demande du 18 décembre 2019, au paiement de ses frais de déplacements des années 2018 et 2019 et à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation :
2. La décision implicite de rejet née le 23 février 2020 du silence gardé par le directeur régional de Pôle emploi Île-de-France sur la demande de M. B... tendant au remboursement de ses frais de déplacements professionnels temporaires au titre des années 2018 et 2019 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande du requérant qui, en formulant des conclusions indemnitaires, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les conclusions dirigées contre cette décision ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 du décret 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État : " Lorsque l'agent se déplace pour les besoins du service à l'occasion d'une mission, d'une tournée ou d'un intérim, il peut prétendre, sous réserve de pouvoir justifier du paiement auprès du seul ordonnateur :/ - à la prise en charge de ses frais de transport ; /-à des indemnités de mission qui ouvrent droit, cumulativement ou séparément, selon les cas, au remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de repas, au remboursement forfaitaire des frais et taxes d'hébergement (...) ". Aux termes de l'article 10 du même décret : " Les agents peuvent utiliser leur véhicule terrestre à moteur, sur autorisation de leur chef de service, quand l'intérêt du service le justifie. / En métropole et outre-mer, l'agent autorisé à utiliser son véhicule terrestre à moteur pour les besoins du service est indemnisé de ses frais de transport soit sur la base du tarif de transport public de voyageurs le moins onéreux, soit sur la base d'indemnités kilométriques, dont les taux sont fixés par un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'outre-mer. (...) ".
4. Selon l'instruction du 16 janvier 2017 relative à la politique de déplacement de Pôle emploi et aux modalités de remboursement des frais en vue de la prise en charge des frais de déplacements professionnels temporaires des agents de Pôle emploi, " le lieu de départ et de retour du déplacement est par principe le lieu de travail habituel / site de rattachement ". Par exception, " en cas de départ du domicile et/ou retour au domicile pour se rendre sur le lieu du déplacement et après accord préalable du responsable hiérarchique ", deux cas sont distingués. Dans le premier cas, lorsque l'agent utilise habituellement son véhicule personnel pour se rendre sur son lieu de travail et que la distance entre son domicile et le lieu du déplacement est plus importante que celle entre son domicile et le lieu de travail habituel, la distance retenue pour le déplacement correspond à l'accroissement par rapport au trajet habituel domicile-travail. Dans le second cas, lorsque l'agent utilise habituellement les transports en commun et bénéficie, ainsi, de la prise en charge partielle du titre de transport public qu'il utilise pour se rendre de son domicile à son lieu de travail, la distance retenue correspond à celle entre le domicile et le lieu du déplacement.
5. D'autre part, aux termes de l'article 6 du décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature, qui s'applique aux agents publics non fonctionnaires régis par la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus en vertu de son article 1er : " Les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient des mêmes droits et obligations que les agents exerçant sur leur lieu d'affectation. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient du même droit au paiement des frais de déplacements que s'ils exerçaient leurs fonctions sur leur lieu d'affectation.
7. Il résulte de l'instruction que, par la décision du 1er juin 2017 mentionnée au point 1, M. B... a été autorisé à exercer ses fonctions en télétravail à son domicile du lundi au jeudi, et le vendredi les semaines paires. Lorsqu'il est amené à effectuer des déplacements professionnels temporaires, notamment pour des motifs syndicaux, y compris les jours où il devrait exercer ses fonctions en télétravail, M. B... doit être regardé, au sens des dispositions précitées, comme se déplaçant depuis son site de rattachement à Plaisir, son domicile ne pouvant pas constituer son lieu de travail habituel, tant au regard du décret précité du 11 février 2016 que de l'instruction mentionnée au point 4. Il a ainsi droit au remboursement de ses frais de déplacements dans les conditions de l'instruction précitée applicable à tous les agents de Pôle Emploi, sans distinction selon qu'ils exercent leurs fonctions en télétravail ou sur leur site d'affectation. En outre, à défaut de justifier qu'il entrait dans les exceptions prévues par l'instruction permettant, dans certaines circonstances, le remboursement de ces frais à partir du domicile de l'agent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le directeur régional de Pôle Emploi Île-de-France a méconnu les dispositions de l'article 6 du décret précité, en ne lui remboursant pas ses frais de déplacements sur la base de la distance entre son domicile et le lieu de ses déplacements.
8. A titre subsidiaire, M. B... demande le remboursement de ses frais de déplacements sur la base de la distance entre son site de rattachement et le lieu de ses déplacements pour motifs syndicaux, qui correspond à l'analyse de Pôle Emploi sur sa situation. Toutefois, le peu de courriels produits au dossier, pour justifier des réunions syndicales, ne correspondent pas aux dates mentionnées dans la note de frais qu'il produit et ces documents ne sauraient, en tout état de cause, suffire à justifier de l'intégralité des frais de véhicule, de repas et de parking que M. B... allègue avoir engagés à cette occasion. Par suite, sa demande ne peut qu'être rejetée.
9. En deuxième lieu, contrairement à ce que le requérant soutient, en lui refusant le remboursement de ses frais de déplacements en fonction de la distance entre son domicile et le lieu de déplacement, au motif que le droit à un tel remboursement de ses frais ne peut être admis qu'à partir de son agence de rattachement, à l'instar des frais octroyés aux autres agents de Pôle Emploi pour tout déplacement professionnel temporaire, le directeur régional de Pôle emploi Île-de-France n'a pas entravé sa liberté syndicale garantie par l'alinéa 6 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet alinéa ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en refusant de lui rembourser ses frais de déplacements, tels que réclamés par M. B..., le directeur régional de Pôle emploi Île-de-France n'a pas entaché sa décision d'illégalité. Il n'a donc pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et susceptible d'ouvrir droit à indemnisation d'un préjudice moral. Les conclusions de M. B... présentées en ce sens doivent donc être rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir opposées par le défendeur, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetées, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Pôle Emploi présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Pôle Emploi présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à France travail.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente,
M. de Miguel, premier conseiller,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
La rapporteure,
C. LiogierLa présidente,
L. Besson-Ledey
La greffière,
T. Tollim
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02093 2