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13/05/2025 | FRANCE | N°24VE00213

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 13 mai 2025, 24VE00213


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2023 par lequel le préfet du Cher lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 22 novembre 2023 l'assignant à résidence.



Par un jugement

n°2304659,2305157 du 28 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2023 par lequel le préfet du Cher lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 22 novembre 2023 l'assignant à résidence.

Par un jugement n°2304659,2305157 du 28 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision portant retrait de son titre de séjour, a annulé les décisions du 13 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français, ainsi que l'arrêté du 22 novembre 2023 portant assignation à résidence et enjoint au préfet du Cher de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2024, le préfet du Cher demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2023 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif d'Orléans.

Il soutient que :

- c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a estimé qu'il avait commis une erreur d'appréciation en estimant que la présence de M. A... en France constituait une menace pour l'ordre public justifiant le retrait de son titre de séjour ;

- les autres moyens invoqués en première instance par l'intéressé sont infondés.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant chinois né le 3 mars 1997, est entré en France le 6 février 2021 avec un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valable du 12 octobre 2020 au 12 octobre 2021, afin de poursuivre ses études au sein de l'école nationale supérieure d'art de Bourges, puis s'est vu délivrer deux cartes de séjour temporaires en qualité d'étudiant, dont la dernière expirait le 13 novembre 2023. Il a été informé, le 15 septembre 2023, que sa demande de renouvellement de son titre de séjour avait donné lieu à une décision favorable et que le document, valable pour la période du 14 novembre 2023 au 13 novembre 2024, était en cours de fabrication. Par un arrêté du 13 novembre 2023, le préfet du Cher a néanmoins retiré le titre de séjour ainsi accordé à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Par un arrêté du 22 novembre 2023, le préfet l'a assigné à résidence. Par un jugement du 28 décembre 2023, dont le préfet du Cher demande l'annulation, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision portant retrait de son titre de séjour, a annulé les décisions du 13 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français, ainsi que l'arrêté du 22 novembre 2023 portant assignation à résidence et a enjoint au préfet du Cher de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

2. Aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire (...) peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "

3. Pour retirer le titre de séjour portant la mention " étudiant " délivré à M. A..., le préfet du Cher s'est fondé sur la circonstance qu'il était l'auteur de graffitis antisémites et racistes réalisés à Bourges, dans la nuit du 17 au 18 octobre 2023, que ceux-ci constituaient, dans le contexte particulier de la dégradation de la situation au Proche-Orient, des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine et à la violence contre la communauté juive et que sa présence en France représentait ainsi une menace pour l'ordre public.

4. Il n'est pas contesté que M. A... a réalisé à Bourges, dans la nuit du 17 au 18 octobre 2023, sur une douzaine de palissades de chantier, des graffitis critiquant les bombardements effectués par l'armée israélienne en territoire palestinien, comportant notamment les inscriptions " Arrêtez le génocide contre les Palestiniens " et " A bas le zionisme " ainsi que des représentations de l'étoile de David en face d'une croix gammée, les deux symboles étant assimilés par un signe égal. Le préfet du Cher fait valoir que ces graffitis ont été réalisés dans un contexte où, du fait de la résurgence du conflit israélo-palestinien consécutive aux attaques du 7 octobre 2023, le niveau de la menace terroriste en France était élevé et les actes à caractère antisémite se multipliaient sur le territoire national et qu'ils pouvaient être regardés comme un appel à la haine, à la discrimination et à la violence envers les citoyens de confession juive. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les graffitis dont M. A... est l'auteur ne contiennent aucune approbation d'actes terroristes ni aucun appel à commettre des actes violents, haineux ou antisémites et ont pour objet principal de dénoncer les actions de l'armée israélienne, en soutien au peuple palestinien. Si l'assimilation, par la représentation d'une croix gammée, de la religion juive à l'idéologie nazie pouvait légitimement heurter la communauté juive résidant à Bourges, il ne ressort ni des pièces du dossier que les graffitis aient pu être vus par un nombre significatif de personnes, dès lors qu'ils ont été effacés dès le 18 octobre 2023 au matin, ni qu'ils auraient été diffusés par d'autres moyens. Ainsi, le comportement de M. A..., qui n'a jamais été signalé pour d'autres faits depuis son arrivée en France deux ans et demi plus tôt, ne représente pas, du seul fait de ces graffitis, une menace pour l'ordre public justifiant le retrait de sa carte de séjour temporaire en application des dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Cher n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé les décisions du 13 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français ainsi que l'arrêté du 22 novembre 2023 portant assignation à résidence.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Cher est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet du Cher.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2025.

La rapporteure,

E. TroalenLa présidente,

F. VersolLa greffière,

C. Drouot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24VE00213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00213
Date de la décision : 13/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-13;24ve00213 ?
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