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29/04/2025 | FRANCE | N°22VE02630

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 29 avril 2025, 22VE02630


Vu la procédure suivante :



Par arrêt n° 22VE02630 en date du 18 décembre 2024, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 1900989 du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, condamné la commune de Nanterre à verser les sommes de 272 142,69 euros à la société Blond et A... architectes, de 17 168 euros à la société Altia, de 71 122 euros à la société Bureau Michel Forgues et de 264 euros à la société MD Conseil, a rejeté les conclusions aux fins d'annulation et de résiliation du marché public de maîtris

e d'œuvre conclu le 21 novembre 2018 entre la commune de Nanterre et le groupement ...

Vu la procédure suivante :

Par arrêt n° 22VE02630 en date du 18 décembre 2024, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 1900989 du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, condamné la commune de Nanterre à verser les sommes de 272 142,69 euros à la société Blond et A... architectes, de 17 168 euros à la société Altia, de 71 122 euros à la société Bureau Michel Forgues et de 264 euros à la société MD Conseil, a rejeté les conclusions aux fins d'annulation et de résiliation du marché public de maîtrise d'œuvre conclu le 21 novembre 2018 entre la commune de Nanterre et le groupement composé des sociétés Snøhetta Oslo AS, SRA Architectes, Kanju, Studio DAP, Egis Concept, Egis Bâtiments, Khephren Ingénierie et Sletec Ingénierie pour la réhabilitation et la transformation du centre dramatique national Nanterre-Amandiers et a ordonné, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de la SAS Espace Temps, un supplément d'instruction tendant à la production par cette société d'une attestation comptable déterminant son taux de marge nette sur les cinq exercices précédents tout en réservant les droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas expressément statué par cet arrêt.

Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2025, la SARL Blond et A... architectes, la SAS Altia, la SAS Bureau Michel Forgue, la SAS Espace Temps et la SAS MD Conseil, représentées par Me Maras, demandent à la cour :

1°) de condamner la commune de Nanterre à verser à la société Espace Temps une somme de 83 999 euros au titre de son manque à gagner ;

2°) d'assortir les condamnations prononcées à l'encontre de la commune de Nanterre des intérêts moratoires au taux légal à compter du 25 janvier 2019, ainsi que de la capitalisation des intérêts à compter du 25 janvier 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la commune Nanterre la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la société Espace Temps maintient ses conclusions indemnitaires initiales ramenées à la somme de 83 999 euros dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance ;

- les sociétés composant le groupement Blond et A... ont droit aux intérêts au taux légal courant à compter de la date de réception de la demande indemnitaire par l'administration, soit le 25 janvier 2019, ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts à compter du 25 janvier 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2025, la commune de Nanterre, représentée par Me Gauch, conclut au rejet de ces conclusions.

Elle soutient que :

- la demande portant sur le bénéfice net manqué ne peut excéder 77 279 euros, dès lors que les frais exposés pour l'établissement de l'offre du groupement sont au nombre de ceux qu'il lui incombait normalement d'engager pour obtenir l'attribution du marché et devaient trouver leur contrepartie dans la rémunération afférente à la réalisation de ce marché ;

- les intérêts légaux ne pourront courir qu'à compter du prononcé de l'arrêt par la cour administrative de céans.

Par lettre du 12 novembre 2024, Me Maras a désigné la SARL Blond et A... architectes, représentée par M. B... A..., en sa qualité de mandataire, pour être destinataire de l'arrêt à intervenir, en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Maras pour les sociétés Blond et A... architectes, Altia, Bureau Michel Forgue, Espace Temps et MD Conseil, et de Me Larmet substituant Me Gauch pour la commune de Nanterre.

Une note en délibéré, présentée pour les sociétés requérantes, a été enregistrée le 7 avril 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis publié le 2 août 2017 au bulletin officiel des annonces de marchés publics, la commune de Nanterre a décidé d'engager une procédure de dialogue compétitif en vue de l'attribution d'un marché public de mission de maîtrise d'œuvre pour la réhabilitation et la transformation du centre dramatique national Nanterre-Amandiers. Les sociétés Blond et A... architectes, Architecture et technique, Altia, VP Green Engineering, Espace Temps, Bureau Michel Forgue, Eléments ingénierie, MD Conseil et Agence TER, réunies sous forme de groupement conjoint dont la SARL Blond et A... Architectes était mandataire (ci-après, le groupement Blond et A... architectes), ont déposé leur candidature, qui a été retenue pour participer à la première phase de dialogue compétitif avec cinq autres groupements. Par courrier du 29 mai 2018, le groupement Blond et A... architectes a été informé de la sélection de son offre pour participer à la seconde phase du dialogue compétitif avec deux autres groupements. Au terme de l'analyse des offres, le groupement composé des sociétés Snøhetta Oslo AS, SRA Architectes, Kanju, Studio DAP, Egis Concept, Egis Bâtiments, Khephren Ingénierie et Sletec Ingénierie (ci-après, le groupement Snøhetta) a été déclaré attributaire avec 79 points sur 100 et le groupement Blond et A... architectes a été classé en seconde position avec une note totale de 75 points sur 100. Par délibération du 16 octobre 2018, le conseil municipal de la ville de Nanterre a approuvé la signature du marché de maîtrise d'œuvre avec l'équipe représentée par l'agence d'architecture Snøhetta. Les sociétés composant le groupement Blond et A... architectes, considérant que leur offre avait été irrégulièrement écartée, ont présenté une demande indemnitaire le 25 janvier 2019, qui a été rejetée par la commune de Nanterre. Les sociétés Blond et A... architectes, Altia, Bureau Michel Forgue, Espace Temps et MD Conseil ont alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation ou, à défaut, à la résiliation du marché public de maîtrise d'œuvre conclu le 21 novembre 2018 entre la commune de Nanterre et le groupement Snøhetta et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Nanterre à leur verser la somme de 671 890,69 euros en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis. Par le jugement n° 1900989 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande. Par arrêt n° 22VE02630 en date du 18 décembre 2024, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement, a condamné la commune de Nanterre à verser les sommes de 272 142,69 euros à la société Blond et A... architectes, de 17 168 euros à la société Altia, de 71 122 euros à la société Bureau Michel Forgues et de 264 euros à la société MD Conseil, a rejeté les conclusions aux fins d'annulation et de résiliation du marché présentées par les sociétés constituant le groupement Blond et A... et a ordonné, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de la SAS Espace Temps, un supplément d'instruction tendant à la production par cette société d'une attestation comptable déterminant son taux de marge nette sur les cinq exercices précédents tout en réservant les droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas expressément statué par cet arrêt.

Sur l'estimation du préjudice subi par la société Espace Temps :

2. Les sociétés requérantes ont produit une attestation de l'expert-comptable de la société Espace Temps comprenant un tableau de calcul de la marge nette dont aurait dû bénéficier cette société sur le projet de rénovation du centre dramatique national Nanterre-Amandiers. Ce tableau déduit des honoraires du contrat (révisions incluses) les salaires chargés, les autres charges variables, et une part de charges fixes. Toutefois, ce tableau fait état, pour ce marché, d'un taux de marge nette représentant près de 32 % des honoraires du marché, alors que la même attestation comptable indique que, sur les années 2019 à 2023, la moyenne du ratio entre le résultat d'exploitation et le chiffre d'affaires est de 3,7 %. Eu égard à ces éléments contradictoires qui remettent en cause la pertinence de ce calcul, et en l'absence d'explication des sociétés requérantes sur ce point, il convient, pour estimer le préjudice de la société Espace Temps, de se référer à la moyenne du résultat net de l'entreprise sur les dernières années.

3. Il convient de calculer le manque à gagner de la société Espace Temps à partir de la moyenne de ses résultats nets, en neutralisant toutefois les années 2020 et 2021, dès lors que les résultats nets sont, au titre de ces années, marqués par un fort recul en raison de la pandémie Covid-19.

4. Il y a donc lieu, pour calculer le manque à gagner de la société Espace Temps, d'appliquer le taux de 5,5 % au montant des honoraires perçus par cette société selon les termes du contrat, qui est de 309 116 euros, et de condamner la commune de Nanterre à verser à cette société la somme de 17 001,38 euros au titre de son préjudice.

Sur les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts demandés par les sociétés requérantes :

5. Les sociétés requérantes sollicitent que les sommes allouées soient assorties des intérêts moratoires courant à compter de la date de réception de leur demande indemnitaire, soit le 25 janvier 2019, ainsi que de la capitalisation des intérêts à compter du 25 janvier 2020.

6. D'une part, la créance détenue sur l'administration existe, en principe, à la date à laquelle se produit le fait qui en est la cause, sans qu'il soit besoin que le juge se livre au préalable à une appréciation des faits de l'espèce et en liquide le montant. Saisie d'une demande tendant au paiement de cette créance, l'administration est tenue d'y faire droit dès lors que celle-ci est fondée. En conséquence, contrairement à ce que soutient la commune de Nanterre, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration. En tout état de cause, il est constant que les sociétés requérantes ont réclamé les intérêts moratoires dans leur demande de première instance enregistrée le 25 janvier 2019. Il y a donc lieu de faire courir les intérêts moratoires à compter de cette date.

7. D'autre part, aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts des sociétés requérantes à compter du 25 janvier 2020.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés composant le groupement Blond et A..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Nanterre demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Nanterre une somme globale de 2 500 euros à verser aux sociétés Blond et A... architectes, Altia, Bureau Michel Forgue, Espace Temps et MD Conseil sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La commune de Nanterre est condamnée à verser à la société Espace Temps la somme de 17 001,38 euros.

Article 2 : Les sommes allouées aux sociétés requérantes sont assorties des intérêts moratoires courant à compter du 25 janvier 2019 et de la capitalisation des intérêts courant à compter du 25 janvier 2020.

Article 3 : La commune de Nanterre versera aux sociétés Blond et A... architectes, Altia, Bureau Michel Forgue, Espace Temps et MD Conseil une somme globale de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Nanterre tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Blond et A... architectes, représentée par M. B... A..., mandataire, en qualité de représentant unique des requérantes, à la commune de Nanterre et au groupement Snøhetta.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pilven, président,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

La rapporteure,

C. Pham

Le président,

J-E. Pilven

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE02630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02630
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés. - Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SELARL MARAS BILLARD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;22ve02630 ?
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