Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Assistance service voiturage (ASV) et la société Parisian Cab ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler le titre exécutoire n° 8-1 du 10 août 2022 par lequel la maison départementale d'autonomie d'Eure-et-Loir (MDA) a mis à la charge de la société ASV, mandataire du groupement, le versement d'une somme de 2 286 950 euros hors taxes à titre de pénalités dans le cadre de l'exécution de l'accord-cadre de transport scolaire des élèves et étudiants handicapés ou relevant de l'enseignement adapté, d'autre part, de prononcer, à titre principal, la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante, à titre subsidiaire, la réduction des pénalités dont elle pourrait être redevable à la somme de 20 000 euros.
Par un jugement n° 2203912 du 10 décembre 2024, le tribunal administratif d'Orléans a ramené à la somme de 1 000 000 euros le montant des pénalités mises à la charge de la société ASV et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 et 28 février 2025, la société Assistance service voiturage (ASV) et la société Parisian Cab, représentées par Me Le Port, demandent à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à l'exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de la MDA d'Eure-et-Loir le versement d'une somme de 3 000 euros à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'exécution du jugement du 10 décembre 2024 risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables dès lors que, malgré la réduction des pénalités prononcée par les juges de première instance, elle conduit les exposantes à se trouver en état de cessation de paiement ; le tribunal des activités économiques a accepté d'ouvrir une procédure de conciliation pour une durée de deux mois mais il n'existe aucune certitude quant au succès de la démarche et les sociétés exposantes se trouvent toujours confrontées à la perspective d'une liquidation judiciaire ; outre que les représentants syndicaux n'excluent pas des mouvements sociaux d'envergure, l'exécution du jugement conduirait également à la résiliation ou, en tout cas, à l'impossibilité pour la société ASV d'exécuter les marchés publics de transports qui lui ont été attribués pour 2025 par cinq départements, correspondant à 1 108 élèves transportés ; l'espoir d'une poursuite d'activité en cas de liquidation jusqu'à la fin de l'année scolaire est manifestement infondée en l'absence d'échéancier ; or, à ce jour, si la procédure de conciliation est en cours, aucun échéancier n'a pour le moment été acté ; les discussions qui existent par ailleurs sur la possibilité d'un échéancier ne pourront aboutir que si des parties tierces à la présente instance y consentent, à savoir la direction départementale des finances d'Eure-et-Loir, seule en charge de recouvrer la créance et la société AFR Groupe, actionnaire de la société ASV ; même en présence d'un échéancier, une augmentation de capital d'un montant d'environ 1,2 M€ devrait être effectuée par incorporation des créances de l'actionnaire, qui consentirait également un apport en compte courant de 900 k€ aux seules fins de payer les échéances de l'éventuel échéancier qui serait accordé à ASV puisque l'activité de cette dernière ne dégagerait pas suffisamment de trésorerie pour que la société puisse y faire face seule ; ce ne serait ainsi qu'artificiellement et uniquement grâce aux effort de son actionnaire que serait assurée la survie de l'entreprise, et non pas grâce à ses produits d'exploitation ; dès lors, même avec des efforts très importants de ses dirigeants, il existe un risque très sérieux de dégradation de la santé financière et économique de la société ASV, déjà très détériorée ; enfin même si, finalement, la cour décidait d'annuler ou de réformer le jugement attaqué, il reste que l'on ne pourrait revenir sur la recapitalisation qui aurait été faite par l'actionnaire et les dirigeants de la société ASV ; en d'autres termes, dès lors que cette recapitalisation et, également, l'apport en compte courant ont mobilisé des sommes très importantes qui n'ont pas pu être utilisées à d'autres fins (notamment pour ses autres filiales opérationnelles) ou pour d'autres projets, il ne sera pas possible de réparer les conséquences importantes qui ont résulté de l'exécution du jugement attaqué ;
- le jugement est irrégulier à défaut pour le tribunal administratif d'avoir répondu au moyen opérant selon lequel les pénalités de retard appliquées auraient dû l'être sur les factures émises le mois suivant la constatation des retards, conformément aux stipulations de l'article 13 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;
- le titre de recettes attaqué est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, même en tenant compte de ses annexes, dès lors que les éléments portés à leur connaissance ne permettaient pas de connaître, et de discuter utilement, les bases de liquidation ;
- ce titre méconnaît les stipulations du contrat régissant les paiements partiels définitifs et le prononcé des pénalités de retard, plus précisément les articles R. 2191-26 du code de la commande publique, l'article 11.8 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services (CCAG-FCS) ainsi que les articles 9.1 et 13 du CCAP ; en réglant les factures présentées sur la base des justificatifs transmis, la MDA a nécessairement constaté le service fait ; au demeurant, via l'application de paiement Chorus, il ne peut, en pratique, y avoir paiement par le comptable public sans que l'ordonnateur ait certifié le service fait ;
- les retards pénalisés sont en réalité imputables à la MDA ; dès notification de l'accord-cadre à bons de commande, le groupement exposant s'est trouvé confronté à des difficultés résultant des carences de la MDA dans la préparation du marché et la gestion du service de transport adapté, l'empêchant d'exécuter ses prestations dans les conditions contractuellement prévues ; il s'est ainsi trouvé dans l'obligation de reprendre les salariés du précédent titulaire du marché alors qu'il avait été stipulé dans le règlement de la consultation qu'aucune reprise de personnel ne s'imposait ; il s'est par ailleurs trouvé dans l'impossibilité de disposer, dans un délai lui permettant d'organiser ses circuits et itinéraires, d'une liste complète et exacte des enfants à transporter ; il lui a fallu plusieurs semaines pour arriver à une situation normalisée ;
- l'application de la pénalité relative aux itinéraires méconnaît l'article 13 du CCAP en l'absence d'ordre de service fixant la liste des élèves à transporter ;
- le montant des pénalités appliqué présente un caractère manifestement excessif dès lors qu'il correspond à près de 140% du chiffre d'affaires du marché facturé à la MDA alors que la méconnaissance des obligations que ces pénalités sanctionnent n'a eu aucun impact sur l'exécution du marché s'agissant de retards dans la transmission de documents pour lesquels la MDA n'a jamais mis en demeure le groupement exposant ; le montant alloué par le tribunal administratif, qui représente toujours 45% du chiffre d'affaires du marché, demeure par ailleurs manifestement excessif au regard de l'absence de répercussion de ces retards sur le transport des élèves.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2025, la maison départementale d'autonomie d'Eure-et-Loir (MDA), représentée par Me Landot et Me Kramitrou, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la condition tenant aux conséquences difficilement réparables n'est pas remplie dès lors que la liquidation judiciaire n'est pas une conséquence nécessaire de l'exécution du jugement mais une simple perspective dont le risque de réalisation apparaît réduit, voire inexistant ; en effet, une procédure de conciliation a été ouverte pour une durée de deux mois afin de permettre la conclusion d'accords amiables en vue d'échelonner ou d'annuler les dettes des requérantes ; durant cette procédure, qui peut être prolongée, les sociétés sont donc protégées ; par ailleurs, l'exposante est favorable à la mise en place d'un échéancier de paiement de la dette, sur cinq ans, qui permettrait aux sociétés d'éviter la liquidation judiciaire ; les sociétés sont en mesure de rembourser sous deux ans leur dette car la société ASV en particulier dispose d'un chiffre d'affaires de 9 millions par an ; le licenciement de salariés apparaît ainsi peu probable, alors qu'en tout état de cause, ceux-ci seraient très probablement repris par des entreprises concurrentes compte tenu des besoins en la matière ; la liquidation pourrait par ailleurs être assortie d'une poursuite d'activité temporaire permettant aux sociétés de transporter les élèves jusqu'à la fin de l'année scolaire et laissant le temps aux départements de conclure de nouveaux marchés ;
- la requête ne comporte pas de moyens qui paraissent sérieux en l'état de l'instruction.
Les parties ont été informées, par un courrier en date du 24 mars 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la demande de sursis à exécution dirigée contre un jugement de première instance rejetant la demande en décharge d'un titre exécutoire dès lors qu'un tel jugement n'entraîne, en tant que tel, aucune mesure d'exécution susceptible de faire l'objet du sursis prévu à l'article R. 811-17 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 28 mars 2025, la société ASV a présenté ses observations en réponse au moyen relevé d'office qui lui avait été communiqué.
Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2025, la MDA a également présenté ses observations en réponse au moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- les observations de Me Le Port pour le groupement requérant et celles de Me Gouchon pour la MDA.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 15 mars 2021, la maison départementale d'autonomie d'Eure-et-Loir (MDA) a conclu un accord-cadre avec le groupement solidaire composé de la société Assistance service voiturage (ASV), mandataire, et de la société Parisian Cab, pour des prestations de transport scolaire des élèves et étudiants handicapés ou relevant de l'enseignement adapté pour une durée d'un an. Le 10 août 2022, la MDA a émis un titre exécutoire pour un montant de 2 286 950 euros hors taxes correspondant aux pénalités de retard prévues au contrat faisant suite à la transmission tardive de l'ensemble des éléments relatifs aux itinéraires, des documents relatifs aux véhicules, de la liste nominative des personnels affectés à l'exécution des prestations et des attestations de formation des conducteurs aux gestes de premiers secours. Par la présente requête, le groupement ASV-Parisian Cab demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du 10 décembre 2024 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, après avoir ramené à 1 000 000 euros le montant des pénalités mises à la charge de la société AVS, en sa qualité de mandataire du groupement, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 10 août 2022 et à la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante.
2. Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " (...) le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. "
3. Le jugement par lequel un tribunal administratif rejette en tout ou partie l'opposition à un titre exécutoire et la demande de décharge de l'obligation de payer correspondante n'entraîne, en tant que tel, aucune mesure d'exécution susceptible de faire l'objet du sursis prévu à l'article R. 811-17 du code de justice administrative. Il suit de là que la demande de sursis à exécution présentée par le groupement ASV-Parisian Cab est irrecevable et doit, pour ce motif, être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la MDA d'Eure-et-Loir.
D É C I D E :
Article 1er : La requête des sociétés Assistance service voiturage et Parisian Cab est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la MDA d'Eure-et-Loir au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Assistance service voiturage et Parisian Cab et à la maison départementale d'autonomie d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.
La rapporteure,
J. FlorentLa présidente,
C. Signerin-IcreLa greffière,
C. Richard
La République mande et ordonne au préfet d'Eure-et-Loir en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 25VE00331