Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 25 janvier 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale des Hauts-de-Seine de la DRIEETS d'Île-de-France a autorisé la société La Limpide à prononcer son licenciement pour inaptitude.
Par un jugement n° 1907720 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, M. A..., représenté par Me Ngeleka, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'inspection du travail de réexaminer sa demande sous astreinte de 120 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de lui allouer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'inspectrice du travail aurait dû apprécier les efforts de reclassement de la société La Limpide avant d'autoriser son licenciement ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 5 de la directive 2000/78/CE du Conseil de l'Europe du 27 novembre 2000 et celles de l'article 27 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article R. 4624-42 du code du travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2023, la société La Limpide, représentée par Me Daoudi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est tardive ;
- la requête est irrecevable faute de présenter des moyens d'appel ;
- le recours de M. A... du 21 mai 2019 formé contre la décision de l'inspection du travail du 25 janvier 2019 est irrecevable car tardif ;
- M. A... n'a pas formé de recours à l'encontre de l'avis d'inaptitude du médecin du travail selon les formes et délais légaux et ne peut dès lors contester utilement cet avis ;
- depuis la loi n° 2016-1008 du 8 août 2016, l'employeur peut être dispensé de son obligation de proposer un quelconque reclassement au salarié inapte, dès lors que le médecin du travail mentionne expressément dans son avis d'inaptitude soit que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, soit que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
La procédure a été transmise à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et à la DRIEETS d'Île-de-France, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées ;
- la directive 2000/78/CE du Conseil de l'Europe du 27 novembre 2000 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham,
- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... a été embauché par la société La Limpide, spécialisée dans le nettoyage, en qualité d'agent très qualifié dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu le 1er juillet 2012. Il était titulaire du mandat de délégué du personnel. Le 20 novembre 2018, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude de M. A... à l'exercice de son emploi physique. Le 3 décembre 2018, la société a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude physique. Par la décision du 25 janvier 2019 attaquée, l'inspectrice du travail a autorisé la société La Limpide à prononcer son licenciement. Par un jugement n° 1907720 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de M. A... :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités (...). / Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. (...) ". Aux termes de l'article L. 1226-2-1 du même code : " Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. / L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. (...) ".
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-2-1 du code du travail que l'employeur est dispensé de procéder à une recherche de reclassement du salarié déclaré inapte dans le cas où l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, fait expressément état de ce que le maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude d'un salarié protégé doit tenir compte de cet avis. En l'espèce, l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 20 novembre 2018 indiquait que l' " état de santé " de M. A... faisait " obstacle à tout reclassement dans un emploi ". Par suite, il ne peut être reproché à son employeur de ne pas avoir recherché un poste de reclassement pour le requérant, ni à l'inspectrice du travail de ne pas avoir apprécié les efforts de reclassement de l'employeur dans sa décision.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de la directive 2000/78/CE du Conseil de l'Europe du 27 novembre 2000 : " Afin de garantir le respect du principe de l'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l'employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée. Cette charge n'est pas disproportionnée lorsqu'elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l'État membre concerné en faveur des personnes handicapées ". M. A... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la directive n° 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lesquelles ont été transposées en droit interne par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 27 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées : " Travail et emploi : / 1. Les États Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l'égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l'inclusion et accessibles aux personnes handicapées. Ils garantissent et favorisent l'exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en cours d'emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour notamment (...) i) Faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés aux lieux de travail en faveur des personnes handicapées (...) ". Ces stipulations, qui requièrent l'intervention d'actes complémentaires pour produire des effets à l'égard des particuliers, ont pour objet exclusif de régir les relations entre Etats. Par suite, M. A... ne saurait utilement s'en prévaloir.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 4624-7 du code du travail : " I. - Le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l'employeur, n'est pas partie au litige. ". L'article R. 4624-42 de ce même code dispose : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que : / 1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ; / 2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ; / 3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ; / 4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur. / Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser. / S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date ".
7. M. A... fait valoir que le médecin du travail n'a pas formulé correctement l'avis d'inaptitude en tenant compte de ses capacités résiduelles, qu'il n'a pas décrété son inaptitude à tous les postes existant dans la société La Limpide et dans le groupe auquel elle appartient, qu'il ne pouvait dispenser son employeur d'aménager son poste de travail, ni d'envoyer son salarié inapte en formation ou de solliciter l'aide auprès du Sameth afin de trouver des solutions d'aménagement de son poste de travail. Toutefois, en application des dispositions précitées de l'article L. 4624-7 du code du travail, la contestation de l'avis d'inaptitude du médecin du travail pouvait seulement faire l'objet d'une saisine du conseil des prud'hommes. Ainsi l'irrégularité susceptible d'entacher l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail n'a d'incidence que sur le litige né, devant la juridiction judiciaire, de la rupture du contrat de travail entre le salarié et son employeur. En revanche, son invocation est dépourvue d'effet utile sur l'autorisation de licenciement dont l'objet est de protéger le salarié investi d'un mandat, alors qu'à ce titre l'autorité administrative doit se borner à vérifier la validité du motif médical d'inaptitude. Par suite, quand bien même cet avis aurait été contesté devant le conseil des prud'hommes, le moyen tiré de ce que l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est irrégulier au regard de l'article R. 4624-42 doit être écarté comme inopérant dans le présent litige dirigé contre la décision d'autorisation de licenciement.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par la société La Limpide, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société La Limpide, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme que la société La Limpide demande sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... ainsi que les conclusions de la société La Limpide présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société La Limpide, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et à la DRIEETS Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
La rapporteure,
C. Pham Le président,
F. EtienvreLa greffière,
S. DiabougaLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE01078