Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Start Open a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :
- sous le n° 2000568, d'annuler la décision du 18 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 600 euros et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros, de la décharger de ces sommes et, à titre subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions le montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire mises à sa charge ;
- sous le n° 2003975, d'annuler la décision du 28 janvier 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne a rejeté sa demande du 17 janvier 2020 tendant à la suspension du recouvrement des sommes mises à sa charge, d'annuler les titres de perception émis le 24 décembre 2019 à son encontre, en vue de recouvrer la somme de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire, et de prononcer la décharge des sommes mises à sa charge.
Par un jugement n°s 2000568-2003975 du 21 avril 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2023, la SARL Start Open, représentée par Me Indjeyan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de l'OFII du 18 novembre 2019, les titres de perception émis le 24 décembre 2019 et la décision du directeur départemental des finances publiques de l'Essonne du 28 janvier 2020 ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions le montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire mises à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII une somme de 4 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué porte atteinte à l'autorité de la chose jugée et au droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que, par un jugement n° 1704741 du 8 octobre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé une première décision de l'OFII, datée du 29 mars 2017, mettant à sa charge les mêmes contributions, au motif que les droits de la défense avaient été méconnus ;
- en tout état de cause, la décision du 18 novembre 2019 a été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable, dès lors qu'elle n'a jamais été destinataire du procès-verbal relatif aux opérations de contrôle et que l'OFII ne l'a pas informée, avant le prononcé de la sanction, de la possibilité pour elle de demander la communication des pièces sur lesquelles l'administration s'est fondée ;
- la décision du 28 janvier 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne a refusé de suspendre le recouvrement des sommes mises à sa charge doit être annulée, dès lors qu'elle méconnaît les dispositions de l'article 117 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- les titres de perception ont été émis par un ordonnateur n'ayant pas compétence, dès lors que seul le directeur de l'OFII est compétent, en application de l'article 11 du même décret ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- le montant des contributions mises à sa charge est excessif et doit être ramené à de plus justes proportions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Start Open la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 28 novembre 2024, la direction départementale des finances publiques de l'Essonne demande à la cour sa mise hors de cause, en faisant valoir que le litige oppose uniquement la société requérante au ministre de l'intérieur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ablard,
- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les services de police du Val-d'Oise ont procédé le 11 octobre 2016 à Survilliers (95) au contrôle d'un chantier de construction de pavillons sur lequel intervenait la SARL Start Open. A été constatée à cette occasion la présence de M. B... A..., ressortissant égyptien en situation irrégulière de travail et de séjour, lequel a déclaré travailler pour la SARL Start Open. Par une décision du 29 mars 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a appliqué à la SARL Start Open la contribution spéciale pour un montant de 17 600 euros au titre de l'emploi d'un salarié démuni de titre autorisant le travail et dépourvu de titre autorisant le séjour, et la contribution forfaitaire pour un montant de 2 124 euros. Par un jugement n° 1704741 du 8 octobre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision au motif que les droits de la défense avaient été méconnus, le procès-verbal d'infraction du 11 octobre 2016 n'ayant pas été communiqué à la SARL Start Open malgré sa demande. Par un courrier recommandé daté du 14 octobre 2019, le directeur général de l'OFII a informé la SARL Start Open de la mise en œuvre, à son encontre, des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce courrier, qui indiquait par ailleurs que l'intéressée disposait d'un délai de quinze jours pour formuler des observations, a été présenté le 15 octobre 2019 et a été retourné avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Par une décision du 18 novembre 2019, l'OFII a de nouveau appliqué à la SARL Start Open la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 600 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 124 euros. Des titres de perception ont été émis le 24 décembre 2019 afin de recouvrer ces sommes. Par une décision du 28 janvier 2020, le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne a rejeté la demande présentée le 17 janvier 2020 par l'intéressée tendant à la suspension du recouvrement des sommes mises à sa charge. La SARL Start Open relève appel du jugement du 21 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 18 novembre 2019, de la décision du 28 janvier 2020, des titres de perception émis le 24 décembre 2019 et, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 17 600 euros et 2 124 euros.
Sur les conclusions à fin d'annulation et de décharge :
2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-8 de ce code : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ". L'article L. 8253-1 du même code, dans sa version alors en vigueur, dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention. L'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. Le comptable public compétent assure le recouvrement de cette contribution comme en matière de créances étrangères à l'impôt et aux domaines ". Aux termes de l'article R. 8253-2 de ce code, dans sa version alors en vigueur : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. A cet effet, il peut avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. L'Etat est ordonnateur de la contribution forfaitaire. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise de la décision du 29 mars 2017, mentionnée au point 1 du présent arrêt, l'OFII a adressé à la requérante un courrier recommandé daté du 14 octobre 2019 l'informant de la mise en œuvre, à son encontre, des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'OFII soutient que ce courrier était accompagné du procès-verbal d'infraction du 11 octobre 2016, elle ne l'établit pas. Dans ces conditions, la SARL Start Open n'a pas été informée, avec une précision suffisante, des griefs formulés à son encontre et n'a pas eu accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus à son encontre. En outre, et en tout état de cause, il ressort de ce courrier du 14 octobre 2019 que la SARL Start Open n'a pas été informée de la possibilité de demander la communication de ces pièces. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que les contributions contestées ont été mises à sa charge en méconnaissance du principe du contradictoire et que cette méconnaissance, qui l'a effectivement privée d'une garantie, a entaché la procédure suivie d'irrégularité.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Start Open est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes. Il y a lieu, ainsi, d'annuler la décision de l'OFII du 18 novembre 2019, les titres de perception émis le 24 décembre 2019 et la décision du directeur départemental des finances publiques de l'Essonne du 28 janvier 2020. La SARL Start Open doit, par voie de conséquence, obtenir la décharge de l'obligation de payer les sommes qui lui sont réclamées.
Sur les dépens :
5. Aucuns dépens n'ayant été exposés dans la présente instance, les conclusions de la SARL Start Open tendant au remboursement des dépens sont sans objet et doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais d'instance :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit ni aux conclusions de la SARL Start Open présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ni à celles de l'Office français de l'immigration et de l'intégration présentées sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n°s 2000568-2003975 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 21 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La décision de l'OFII du 18 novembre 2019, les titres de perception émis le 24 décembre 2019 et la décision du directeur départemental des finances publiques de l'Essonne du 28 janvier 2020 sont annulés.
Article 3 : Il est accordé à la SARL Start Open la décharge de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Start Open et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
Le rapporteur,
T. Ablard
Le président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE01055