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08/04/2025 | FRANCE | N°23VE00767

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 08 avril 2025, 23VE00767


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile de construction-vente (SCCV) Vigneux Concorde a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 21 décembre 2019 par laquelle le maire de Vigneux-sur-Seine a rejeté sa demande indemnitaire préalable présentée le 23 octobre 2019 et de condamner cette commune à lui verser la somme de 4 893 531,97 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive du permis de construire qu'elle a obtenu le 25 juillet 2018 et d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction-vente (SCCV) Vigneux Concorde a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 21 décembre 2019 par laquelle le maire de Vigneux-sur-Seine a rejeté sa demande indemnitaire préalable présentée le 23 octobre 2019 et de condamner cette commune à lui verser la somme de 4 893 531,97 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive du permis de construire qu'elle a obtenu le 25 juillet 2018 et de l'illégalité fautive du refus de permis de construire qui lui a été opposé le 2 août 2019, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 2001343 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Vigneux-sur-Seine à verser à la SCCV Vigneux Concorde la somme de 1 033 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2019 et de la capitalisation des intérêts à compter du 23 octobre 2020, a mis à la charge de la commune le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 13 avril 2023, 10 juin, 17 juillet, 29 novembre et 13 décembre 2024, la SCCV Vigneux Concorde, représentée par Me Lamorlette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité le montant de son indemnité à la somme de 1 033 euros ;

2°) de condamner la commune de Vigneux-sur-Seine à lui verser, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité fautive du permis de construire qu'elle a obtenu le 25 juillet 2018 ainsi que de l'illégalité fautive du refus de permis de construire qui lui a été opposé le 2 août 2019, à titre principal, la somme de 2 952 811,57 euros hors taxes (HT) ou, à titre subsidiaire, la somme de 2 811 950,29 euros HT, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vigneux-sur-Seine la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'illégalité, tant sur la détermination de la période de référence qu'en excluant l'indemnisation des frais d'acquisition du foncier, des frais de commercialisation, du manque à gagner, ainsi que des frais annexes et financiers sur les préjudices dont l'indemnisation a été retenue ;

- la SCCV Vigneux Concorde a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité tenant, d'une part, au permis illégalement délivré le 25 juillet 2018 et, d'autre part, au refus de permis illégal du 2 août 2019 ;

- le préjudice tenant au coût des études de faisabilité du projet doit être indemnisé à hauteur de 52 032 euros HT ;

- le préjudice tenant au coût des acquisitions foncières doit être indemnisé à hauteur de 434 158,23 euros HT ;

- le préjudice tenant au coût de conception du projet doit être indemnisé à hauteur de 816 644,98 euros HT ;

- le préjudice tenant au coût de commercialisation du projet doit être indemnisé à hauteur de 151 568,55 euros HT ou, à titre subsidiaire, de 130 481,38 euros HT ;

- le préjudice tenant au manque à gagner doit être indemnisé à hauteur de 1 349 202,70 euros HT ;

- le préjudice tenant aux frais financiers et frais divers exposés doit être indemnisé à hauteur de 149 205,29 euros HT ou, à titre subsidiaire, de 29 431 euros HT.

Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 1er décembre 2023 et 4 juillet 2024, la commune de Vigneux-sur-Seine, représentée par Me Thirion, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCCV Vigneux Concorde la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas commis de faute en délivrant le permis de construire du 25 juillet 2018 dès lors qu'en application de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, le service instructeur n'avait pas à vérifier si la SCCV Vigneux Concorde était réellement propriétaire des parcelles d'assiette du projet ;

- la SCCV Vigneux Concorde était informée avant la première ordonnance de référé du risque de ne pas se voir céder la propriété de la parcelle AR 543 ; l'imprudence dont elle a fait preuve est de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité ;

- la SCCV Vigneux Concorde ne justifie pas du règlement effectif des factures qu'elle a produites en l'absence de document certifié comptablement ;

- les facturations produites sont en tout état de cause incohérentes.

Par courriers du 10 décembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la SCCV Vigneux Concorde tendant à se voir indemnisée des préjudices découlant de l'arrêté du 2 août 2019 lui refusant illégalement un permis de construire, dès lors que cette faute n'était pas invoquée dans sa demande indemnitaire du 23 octobre 2018.

Des observations en réponse ont été présentées pour la SCCV Vigneux Concorde le 13 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lamorlette, pour la SCCV Vigneux Concorde, et de MeThirion, pour la commune de Vigneux-sur-Seine.

Une note en délibéré présentée pour la SCCV Vigneux Concorde a été enregistrée le 26 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 25 juillet 2018, la commune de Vigneux-sur-Seine a délivré à la société civile de construction-vente (SCCV) Vigneux Concorde un permis de construire un ensemble immobilier mixte de 176 logements, commerces et artisanat sur les parcelles cadastrées AR n° 240, 241 et 543 situées aux 32, avenue de la Concorde et 151, avenue Henri Barbusse, sur le territoire de la commune. Les parcelles AR n° 240 et 543 étaient la propriété de la commune, tandis que la parcelle AR n° 241 appartenait à la caisse primaire d'assurance maladie. La parcelle AR n° 240 avait été cédée par la commune à la SCCV Vigneux Concorde au contraire de la parcelle AR n° 543 et cette société avait conclu avec la caisse primaire d'assurance maladie une promesse de vente concernant la parcelle AR n° 241, sous réserve de l'obtention d'un permis de construire. Suite à un déféré préfectoral formé par le préfet de l'Essonne et par un jugement avant dire droit du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a constaté que le permis de construire du 25 juillet 2018 était illégal en l'absence de délibération du conseil municipal de Vigneux-sur-Seine décidant du déclassement de la parcelle n° AR 543, mais a laissé un délai de six mois à la commune pour régulariser cette situation. La commune n'ayant pas pris cette délibération, l'arrêté du 25 juillet 2018 a été annulé par le jugement n° 1903032 du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Versailles, devenu définitif. La SCCV Vigneux Concorde a déposé, le 7 février 2019, une nouvelle demande de permis de construire sur les parcelles cadastrées AR n° 240 et 241, qui a fait l'objet d'un arrêté de refus de permis de construire du 2 août 2019. Par un jugement n° 1906702 du 16 avril 2021 devenu définitif, le tribunal administratif de Versailles a annulé ce dernier arrêté. Par courrier en date du 23 octobre 2019, la SCCV Vigneux Concorde a présenté une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis. Par courrier du 21 décembre 2019, la commune de Vigneux-sur-Seine a rejeté cette demande. La SCCV Vigneux Concorde a alors saisi le tribunal administratif de Versailles d'une requête tendant à la condamnation de cette commune à lui verser une indemnité de 4 672 983 euros. Par un jugement n° 2001343 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Vigneux-sur-Seine à verser à la SCCV Vigneux Concorde la somme de 1 033 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2019 et de la capitalisation des intérêts à compter du 23 octobre 2020 (article 1er), a mis à la charge de la commune le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande ainsi que les conclusions de la commune (article 3). La SCCV Vigneux Concorde relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de son indemnité à 1 033 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La SCCV Vigneux Concorde soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement " d'illégalité ", tant sur la détermination de la période de référence qu'en excluant l'indemnisation des frais d'acquisition du foncier, des frais de commercialisation, du manque à gagner, des frais annexes et financiers sur les préjudices dont l'indemnisation a été retenue. Toutefois, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du jugement attaqué, sont sans incidence sur sa régularité et ne peuvent donc qu'être écartés comme inopérants. Dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, ces moyens doivent être regardés comme dirigés contre le bien-fondé du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité de la commune de Vigneux-sur-Seine :

3. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait, qui lui est imputé, lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question.

4. En premier lieu, la SCCV Vigneux Concorde invoque la faute constituée par le comportement général de la commune de Vigneux-sur-Seine, qui s'était initialement concertée avec elle pour monter un projet portant sur les seules parcelles AR n° 240 et 241, puis avait sollicité une extension de ce projet incluant la parcelle AR n° 543 tout en l'assurant de son intention de lui vendre cette dernière parcelle et a finalement refusé de déclasser la parcelle AR n° 543 pour régulariser le permis de construire du 25 juillet 2018.

5. Pour démontrer l'implication de la commune de Vigneux-sur-Seine, la société requérante a seulement produit un courrier 19 juin 2018, par lequel son maire lui a indiqué qu'une extension du projet avait été décidée et a confirmé l'intention de la commune de procéder à la cession des terrains relevant de son domaine public et nécessaires à cette extension. Toutefois, ce courrier émanant du maire ne pouvait suffire à engager la commune, dès lors que la cession de la parcelle AR n° 543 nécessitait une décision de déclassement prise par délibération du conseil municipal. Si la SCCV Vigneux Concorde fait valoir que le projet initial, qui comportait des équipements publics, avait nécessairement été élaboré en concertation avec la commune, elle ne produit pour autant aucun document de travail, courrier ou échange autre que le courrier du 19 juin 2018. Par suite, elle ne peut solliciter l'engagement de la responsabilité de la commune en raison de la faute alléguée qui serait constituée par le comportement général de cette dernière.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Toutefois, lorsque l'autorité saisie de la demande vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de cette attestation ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser pour ce motif le permis sollicité.

7. En l'espèce, le permis de construire du 25 juillet 2018 a été annulé au motif qu'en l'absence de délibération décidant le déclassement de la parcelle AR n° 543, la SCCV Vigneux Concorde n'avait pas justifié de sa qualité pour déposer la demande de permis de construire. Or, à la date de la délivrance du permis de construire, la commune de Vigneux-sur-Seine, qui est propriétaire de la parcelle AR n° 543, disposait d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de l'attestation de pétitionnaire versée au dossier de demande de permis de construire. Par suite, elle ne peut faire valoir qu'il ne lui incombait pas de vérifier l'exactitude de cette attestation. La commune a, dans ces conditions, commis une faute en délivrant le permis de construire illégal du 25 juillet 2018.

8. Toutefois, la SCCV Vigneux Concorde est, en sa qualité de société civile immobilière de construction-vente créée 2017, une professionnelle du droit de la construction et était informée par le courrier du 19 juin 2018 que la parcelle AR n° 543 appartenait au domaine public de la commune. Elle a ainsi commis une imprudence en déposant une demande de permis de construire pour un projet assis sur cette parcelle et en engageant des coûts importants d'études de faisabilité, de conception et de commercialisation du projet avant même qu'une délibération ne soit prise concernant le déclassement de cette parcelle. Cette imprudence est de nature à exonérer partiellement la commune de sa responsabilité, à hauteur de 70 %.

9. En troisième lieu, la SCCV Vigneux Concorde fait également valoir que la commune de Vigneux-sur-Seine a commis une faute engageant sa responsabilité en lui opposant, par arrêté du 2 août 2019, un refus à sa nouvelle demande de permis de construire. Cette faute était mentionnée dans sa réclamation préalable du 23 octobre 2019 en même temps que celle constituée par la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018, et la commune a répondu sur ces deux fondements, ce qui a lié le contentieux. L'arrêté du 2 août 2019, qui a été annulé par le jugement du 16 avril 2021 du tribunal administratif de Versailles, est entaché d'illégalité et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Vigneux-sur-Seine.

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :

10. Par suite, la commune a commis deux fautes de nature à engager sa responsabilité, l'une constituée par la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018, le taux de responsabilité à la charge de la commune étant de 30 %, et l'autre consistant à avoir refusé illégalement le permis de construire par arrêté du 2 août 2019.

11. Pour obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle invoque, il appartient à la société requérante, d'une part, d'établir le caractère certain de ces préjudices et, d'autre part, de justifier d'un lien de causalité direct entre ces préjudices et la faute commise par la commune.

S'agissant de la faute constituée par la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018 :

Quant aux factures afférentes au coût des études de faisabilité, de conception et de commercialisation du projet, ainsi que des frais d'assurance du bureau de vente :

12. D'une part, la faute constituée par la délivrance illégale du permis de construire du 25 juillet 2018 ne saurait ouvrir droit à indemnisation pour les dépenses engagées avant cette date, notamment les factures afférentes au dépôt du dossier de demande de permis de construire.

13. D'autre part, par courrier du 23 mai 2019, le nouveau maire de Vigneux-sur-Seine, nommé en octobre 2018, a fait part à la SCCV Vigneux Concorde de son intention de retirer le permis de construire du 25 juillet 2018 en lui indiquant que la commune n'a pas eu et n'aura pas l'intention de procéder à la vente de la parcelle AR n° 543. La SCCV Vigneux Concorde ne pouvant plus espérer aucune régularisation à compter de cette date, le lien de causalité entre la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018 et les factures postérieures au 23 mai 2019 ne peut être considéré comme établi. Par suite, il y a lieu de rejeter la demande d'indemnisation des factures présentant une date postérieure au 23 mai 2019.

14. En premier lieu, les frais engagés pour le dépôt de la première demande de permis de construire ne peuvent être considérés comme présentant un lien de causalité direct avec la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018 et ne peuvent donc être indemnisés au titre de cette illégalité. Ainsi, ne peuvent être prises en compte, pour le calcul du préjudice de la SCCV Vigneux Concorde, les factures dont les termes ou les dates révèlent que les travaux afférents se rapportent au dépôt du la première demande de permis de construire, soit les trois factures de contrôle technique du 1er août 2018 pour un " avis de conception " d'un montant cumulé de 7 500 euros HT, la facture de la société Conpas coordination du 31 décembre 2018 d'un montant de 360 euros HT, les factures de la société Axyz du 7 mai 2018 pour un montant de 2 450 euros HT et du 30 juillet 2018 pour 1 575 euros HT, la facture de la société Graphic Procédé pour l'impression du dossier de permis de construire d'un montant de 664,30 euros HT, ainsi que les frais d'architecte pour dépôt de permis de construire d'un montant de 93 750 euros HT et obtention de permis de construire d'un montant de 62 500 euros HT figurant sur la note d'honoraires n° 18-1609-02.

15. En deuxième lieu, concernant les honoraires d'architecte, les honoraires inscrits aux lignes " remise PDV ", " remise du DCE pièces graphiques " et " remise du DCE pièces écrites ", d'un montant global de 215 625 euros TTC, peuvent ouvrir droit à indemnisation, la SCCV Vigneux Concorde en ayant justifié le paiement.

16. En troisième lieu, en ce qui concerne les factures du bureau d'études fluides AT3E, celles du 17 avril 2018, qui sont antérieures à la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018 ne peuvent présenter un lien de causalité avec la faute commise et ne peuvent donner lieu à indemnisation. En revanche, peuvent ouvrir droit à indemnisation les quatre factures de la société AT3E des 31 août, 30 novembre et 21 décembre 2018 et 27 mars 2019 d'un montant global de 14 160 euros HT pour des études de faisabilité en matière thermique, dès lors que ces factures font référence à l'opération de construction litigieuse et que la société requérante a justifié de leur règlement. Pour les mêmes motifs, il y a lieu d'exclure l'indemnisation des deux factures en date du 6 avril 2018 de la société Geolia, de montants de 6 707 euros HT et 7 385 euros HT, et de retenir seulement l'indemnisation de la facture Geolia du 31 juillet 2018, de 4 330 euros HT.

17. En quatrième lieu, si la société requérante a produit trois factures de la société Atelier d'écologie urbaine, seule la facture de 31 août 2018, d'un montant de 4 810 euros HT, comporte des mentions permettant de rattacher les dépenses exposées à l'opération immobilière litigieuse. Il y a donc lieu de retenir cette seule facture de cette société, dont le paiement a été justifié, pour calculer le préjudice de la SCCV Vigneux Concorde.

18. En cinquième lieu, leur paiement et leur rattachement à l'opération immobilière litigieuse étant justifiés, peuvent ouvrir droit à indemnisation les deux factures du bureau d'étude acoustique Gamba des 3 et 25 janvier 2019, d'un montant global de 11 800 euros HT, la facture de la société Axyz du 5 octobre 2018, portant sur la construction d'une maquette du projet, d'un montant de 5 150 euros HT, deux factures de la société Botte Sondages du 23 août 2018, d'un montant global de 23 400 euros HT et la facture du 5 octobre 2018 de la société Sares Marketing pour une étude de marché en accession en appartement de 2 100 euros HT.

19. En sixième lieu, la société requérante a produit des factures de publicité de la société Widerkher concernant la location et l'entretien d'un bureau de vente à Vigneux-sur-Seine. Il y a lieu, au titre de la faute tirée de la délivrance illégale du permis de construire du 25 juillet 2018, de prendre en compte, pour le calcul du préjudice, la facture du 16 octobre 2018 concernant la fourniture de ce bureau de vente avec ses meubles, six mois de location à compter d'avril 2018 ainsi que sa dépose en fin de contrat. En revanche, ne peuvent être retenus les frais de déplacement du bureau de vente sur le même site d'un montant de 3 750 euros HT, pour lesquels la société requérante n'a pas fourni de justification, ce qui aboutit à un montant rectifié de 36 754,50 euros HT pour cette facture. La facture du 30 novembre 2018, qui concerne une impression rectificative, d'un montant de 250 euros HT, doit également être prise en compte, ainsi que les factures de nettoyage de ce bureau du 31 décembre 2018 et des 30 janvier, 28 février, 31 mars, 29 avril 2019 et 31 mai 2019 pour les mois de décembre 2018 à mai 2019, soit un montant global de 2 292 euros HT. Par ailleurs, la société requérante a également fourni une facture, en date du 29 avril 2019, de location du bureau de vente pour la période courant d'avril à octobre 2019 d'un montant de 5 580 euros HT. Etant donné que la période d'indemnisation au titre de la faute constituée par la délivrance illégale du permis de construire du 25 juillet 2018 ne s'étend pas après le 23 mai 2019, il n'y a lieu d'indemniser, au titre de cette faute, que 2/6èmes de cette somme soit 1 860 euros HT. Au titre des factures Widerkher, la somme retenue doit donc être de 41 156,50 euros.

20. En septième lieu, la société requérante sollicite l'indemnisation des frais d'établissement d'un document d'arpentage en vue de la création d'une parcelle après déclassement du domaine public. Toutefois, à la date du devis, soit le 27 septembre 2019, la société n'avait aucune assurance du déclassement de cette parcelle et il ne résulte pas de l'instruction que l'établissement de ce document résulterait d'une demande de la commune. Par suite, cette demande d'indemnisation doit être rejetée.

21. En huitième lieu, les factures de la société Prestimmo ne portent pas de mention permettant de les rattacher à l'opération immobilière litigieuse. Il en est de même de la facture de la société Prévention Informatique, correspondant à la livraison et l'installation d'un iPad, de la facture de la société Le Petit Vigneusien, qui mentionne une insertion publicitaire en novembre 2018 sans en préciser le contenu, et des factures de la société Sopic, correspondant à la refacturation des frais engagés par la société Sopic Paris pour le compte de la SNC Vigneux Concorde. Pour ce qui est des factures de la société Oswald, elles portent des références de dossier différentes, à savoir " 19615-Vigneux sur Seine ", " 19846 Vigneux-sur-Seine - Les Terrasses Concorde - Lignages ", ou " autres dossiers ", ce qui ne permet pas d'établir le rattachement de ces dépenses à l'opération litigieuse. Par ailleurs, une de ces factures concerne les frais de gestion du compte Facebook de la SCCV Vigneux Concorde. En l'absence de rattachement de ces dépenses à l'opération immobilière litigieuse, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l'indemnisation des frais correspondant à ces factures.

22. En neuvième lieu, la SCCV Vigneux Concorde a produit plusieurs factures d'huissier dont elle a justifié le paiement. Il y a lieu d'indemniser les factures des 3 août, 5 septembre et 3 octobre 2018 d'un montant global de 810,27 euros TTC, indiquant un premier, deuxième et troisième passage pour l'affichage du permis de construire et mentionnant comme référence " Affichage PC Vigneux-sur-Seine ". En revanche, il n'y a pas lieu d'indemniser la société requérante de la dépense afférente à la facture du 27 novembre 2018 concernant un premier passage pour affichage du permis de construire et mentionnant comme référence " Affichage PC et PD Vigneux-sur-Seine ", dont les termes laissent à penser que le constat d'huissier dressé ne concerne pas l'opération immobilière litigieuse.

23. En dixième et dernier lieu, il convient de retenir l'indemnisation correspondant à la facture d'assurance de la société Gras Savoye Grand Sud-Ouest de 503 euros, qui est afférente au bureau de vente situé 151, avenue Henri Barbusse et à la période du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019. En revanche, la facture d'assurance afférente à la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020, postérieure au 23 mai 2019, ne peut donner lieu à indemnisation.

Quant à la taxe locale sur la publicité extérieure :

24. La SCCV Vigneux Concorde sollicite le remboursement des frais de taxe locale sur la publicité extérieure exposés par elle au titre des années d'imposition 2019 et 2020. Toutefois, une telle taxe est calculée selon le nombre de supports de publicité et leur surface. La société requérante n'alléguant pas que l'opération litigieuse serait la seule à son actif, ne démontrant pas avoir exposé des frais de publicité extérieure au titre de cette opération et ne précisant pas la quote-part de taxe qu'elle juge imputable à cette opération, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice.

Quant aux frais financiers :

25. La SCCV Vigneux Concorde sollicite le remboursement de certains frais financiers qu'elle a engagés.

26. Si elle produit un courrier du 18 octobre 2018 détaillant les modalités de participation de sa banque à l'opération immobilière litigieuse, ce document précise expressément qu'il " ne constitue en aucun cas une offre de crédit " et qu'il s'agit d'une simple proposition restant soumise à l'établissement d'un contrat de crédit. Or, la société requérante ne produit pas de contrat de crédit, mais seulement des relevés de son compte bancaire indiquant le paiement de sommes à sa banque, et un extrait de ses écritures comptables indiquant des sommes payées à son établissement bancaire. En l'absence de production de contrat de prêt, ces éléments sont insuffisants pour établir que les sommes exposées se rattachent à l'opération immobilière litigieuse.

Quant aux honoraires d'avocat :

27. La société SCCV Vigneux Concorde réclame le remboursement des honoraires d'avocat qu'elle aurait engagés pour l'assistance et la représentation dans le cadre des recours relatifs aux arrêtés des 25 juillet 2018 et 2 août 2019 à hauteur de 86 073,45 euros HT. Elle produit des factures de son avocat, au demeurant postérieurement à la clôture d'instruction, mais aucun document permettant d'établir leur règlement. Par suite, sa demande d'indemnisation au titre de ce chef de préjudice doit être rejetée.

Quant à la taxe foncière, à la prime d'assurance responsabilité, ainsi qu'aux sommes versées en application de deux protocoles d'accord passés avec deux réservataires :

28. La SCCV Vigneux Concorde sollicite le remboursement des taxes foncières qu'elle a payées au titre des années 2019 et 2020, de sa prime d'assurance responsabilité civile pour l'année 2018 ainsi que de la somme de 529,56 euros versée en application de deux protocoles d'accord passés avec deux réservataires. Toutefois, le paiement des taxes foncières résulte de sa qualité de propriétaire de la parcelle AR n° 240 et ne présente pas de lien de causalité directe avec la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018. Il en est de même pour la prime d'assurance responsabilité civile pour l'année 2018, qui est due en raison de l'activité de promoteur de la société requérante, et non de l'opération de construction litigieuse, ainsi que des sommes versées aux réservataires, qui découlent du refus de permis de construire du 2 août 2019.

Quant au coût des acquisitions foncières :

29. La SCCV Vigneux Concorde sollicite la réparation des préjudices constitués par l'acompte de 400 000 euros versé pour l'achat de la parcelle AR n° 240, les frais relatifs aux promesses de vente et actes de vente des parcelles AR n° 240 et 241, et le paiement des droits et intérêts de retard qui lui ont été réclamés compte tenu de l'impossibilité de satisfaire à l'engagement de construire pris dans l'acte d'acquisition de la parcelle de la commune. La société requérante fait également valoir qu'elle a perdu le bénéfice de la promesse unilatérale de vente qu'elle avait conclue avec la caisse primaire d'assurance maladie sur la parcelle AR n° 241, la condition suspensive de détention d'un permis de construire définitif n'ayant pas pu être remplie. Toutefois, ces préjudices ne sont pas causés par la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018 et ne peuvent donc être indemnisés.

Quant au manque à gagner :

30. La SCCV Vigneux Concorde se prévaut d'un préjudice constitué par le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser l'opération immobilière prévue. Toutefois, cette impossibilité ne présente pas de lien de causalité direct avec la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018.

31. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, au titre de la faute résultant de la délivrance du permis de construire illégal du 25 juillet 2018, d'indemniser la SCCV Vigneux Concorde de 30 % de la somme de 323 844,77 euros, soit 97 153 euros.

S'agissant de la faute constituée par le refus de permis de construire du 2 août 2019 :

Quant aux factures afférentes au coût des études de faisabilité, de conception et de commercialisation du projet, ainsi que des frais d'assurance du bureau de vente :

32. La SCCV Vigneux Concorde n'indique pas dans quelle mesure les frais de conception afférents à la première demande de permis de construire auraient été utiles pour le dépôt de la deuxième demande de permis de construire. En l'absence d'explication sur ce point, et alors qu'en tout état de cause, ces frais avaient déjà été exposés pour le dépôt de la première demande de permis de construire, il y a lieu, pour calculer le préjudice découlant de la faute constituée par le refus de permis de construire du 2 août 2019, de ne retenir que les frais exposés entre le 23 mai 2019, date à laquelle la société requérante était certaine du refus de la commune de procéder au déclassement de la parcelle AR n° 543, et le 2 août 2019.

33. A ce titre, doivent être pris en compte 3/6èmes du montant de la facture du 29 avril 2019 de la société Widerkher afférent à la location du bureau de vente pour la période courant d'avril à octobre 2019, soit un montant de 2 790 euros HT, ainsi que les frais de nettoyage de ce bureau de vente pour trois mois, soit 1 146 euros HT.

34. En ce qui concerne les autres factures, elles ne peuvent être prises en compte au titre de la faute constituée par le refus illégal de permis de construire du 2 août 2019 soit parce qu'elles ne se rapportent pas à la période courant du 23 mai au 2 août 2019, soit pour les motifs exposés aux points 11 à 22 du présent arrêt.

Quant à la taxe locale sur la publicité extérieure, aux frais financiers et aux honoraires d'avocat :

35. Les demandes d'indemnisation au titre de ces chefs de préjudice doivent être rejetées pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 24 à 27 du présent arrêt.

Quant à la taxe foncière, à la prime d'assurance responsabilité, ainsi qu'aux sommes versées en application de deux protocoles d'accord passés avec deux réservataires :

36. En premier lieu, si la SCCV Vigneux Concorde sollicite le remboursement des taxes foncières qu'elle a payées au titre des années 2019 et 2020, le paiement de ces impositions résulte de sa qualité de propriétaire de la parcelle AR n° 240 et ne présente pas de lien de causalité direct avec la faute de la commune.

37. En deuxième lieu, la société requérante n'est pas fondée à demander le remboursement de sa prime d'assurance responsabilité civile promoteur pour l'année 2018, dès lors que le paiement de cette prime ne présente pas de lien de causalité direct avec la faute de la commune commise le 2 août 2019, et qu'en outre, le paiement de cette prime découle de son activité de promoteur sans être lié à l'opération de construction litigieuse.

38. En troisième lieu, il est établi que la SCCV Vigneux Concorde a versé à deux réservataires la somme de 529,56 euros afin de les indemniser de la caducité de leur contrat de réservation en application de deux protocoles d'accord signés le 27 mai 2020. Ce préjudice présentant un lien direct avec le refus illégal de la commune d'accorder le permis de construire sollicité, il y a lieu d'indemniser la SCCV Vigneux Concorde de ce chef de préjudice.

Quant au coût des acquisitions foncières :

39. La SCCV Vigneux Concorde sollicite la réparation des préjudices constitués par l'acompte de 400 000 euros versé pour l'achat de la parcelle AR n° 240, les frais relatifs aux promesses de vente et actes de vente des parcelles AR n° 240 et 241, et le paiement des droits et intérêts de retard qui lui ont été réclamés compte tenu de l'impossibilité de satisfaire à l'engagement de construire pris dans l'acte d'acquisition de la parcelle de la commune. La société requérante fait également valoir qu'elle a perdu le bénéfice de la promesse unilatérale de vente qu'elle avait conclue avec la caisse primaire d'assurance maladie sur la parcelle AR n° 241, la condition suspensive de détention d'un permis de construire définitif n'ayant pas pu être remplie.

40. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par jugement du 27 septembre 2024, le tribunal judiciaire d'Evry a prononcé la résolution judiciaire aux torts exclusifs de la SCCV Vigneux Concorde de l'acte de vente du 12 mars 2018 de la parcelle AR n° 240 et a dit que la somme de 400 000 euros versée par la SCCV Vigneux Concorde à titre d'acompte est acquise à la commune de Vigneux-sur-Seine au motif que l'acte de vente prévoyait expressément que le solde du prix de la vente devait être versé au jour de la délivrance du permis de construire, soit le 25 juillet 2018, peu important que ce permis fasse l'objet de recours. Cet acte de vente indiquait expressément que l'acquéreur était " parfaitement conscient des conséquences pouvant résulter de (tels recours), notamment des difficultés, retards voire impossibilités qu'il pourrait rencontrer pour la réalisation de son projet et malgré ces mises en garde, l'acquéreur requiert le notaire soussigné de régulariser le présent acte ". Ainsi, la perte de l'acompte de 400 000 euros résultait de l'acquiescement de la SCCV Vigneux Concorde à la demande de résolution judiciaire formée par la commune de Vigneux-sur-Seine et des termes du contrat de vente souscrit le 12 mars 2018. Par suite, ni la perte des frais afférents aux promesse et acte de vente de la parcelle AR n° 240, ni la perte de l'acompte de 400 000 euros ne présentent un lien de causalité direct avec la faute alléguée.

41. En deuxième lieu, la SCCV Vigneux Concorde a droit au remboursement des frais relatifs à la promesse de vente de la parcelle AR n° 241, à hauteur de 425 euros HT, la vente ayant été rendue caduque du fait du refus illégal de permis de construire du 2 août 2019.

42. En troisième lieu, la SCCV Vigneux Concorde sollicite le remboursement des droits et intérêts de retard qu'elle a dû payer en application de l'acte de vente de la parcelle AR n° 240, qui prévoyait le versement de ces sommes dans l'hypothèse où la SCCV Vigneux Concorde ne respecterait pas l'engagement de construire dans les quatre années suivant la vente. Toutefois, la société requérante, qui a annoncé dans ses derniers mémoires qu'elle tiendrait la juridiction informée de la mise en œuvre de cette majoration, n'a transmis à ce jour aucun élément sur ce point permettant d'établir le paiement de ces sommes. Par suite, sa demande au titre de ce chef de préjudice doit être rejetée.

43. En quatrième lieu, la société requérante fait valoir qu'elle a perdu le bénéfice de la promesse unilatérale de vente qu'elle avait conclue avec la caisse primaire d'assurance maladie sur la parcelle AR n° 241, la condition suspensive de détention d'un permis de construire définitif n'ayant pas pu être remplie. Toutefois, elle n'établit pas que cette circonstance aurait entraîné un préjudice distinct des frais de promesse de vente de la parcelle AR n° 241 et du manque à gagner, dont elle sollicite également l'indemnisation.

S'agissant du manque à gagner :

44. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.

45. Si la SCCV Vigneux Concorde produit un contrat de réservation avec CDC Habitat pour un montant de 4 819 694 euros HT, ce contrat vise le projet tel qu'il prenait place sur la parcelle AR 543 incluse dans le domaine public et était conclu sous la condition suspensive que la SCCV Vigneux Concorde devienne propriétaire de la parcelle AR 543. Par suite, le manque à gagner résulte de l'imprudence de la SCCV Vigneux Concorde, qui n'avait aucune garantie concernant la vente de cette parcelle, et non de la faute de la commune.

46. La SCCV Vigneux Concorde verse également aux débats une attestation de son notaire indiquant qu'elle avait conclu 24 contrats de réservation sous diverses conditions suspensives avec des particuliers pour un prix de vente total de 3 666 161 euros HT. La clause suspensive tenant au déclassement de la parcelle AR 543 figurait vraisemblablement dans ces contrats, dès lors que la grande majorité d'entre eux étaient signés avant février 2019, date de dépôt de la seconde demande de permis de construire. Il en résulte que si la SCCV Vigneux Concorde peut se prévaloir de l'avancement de certaines négociations, les contrats signés étaient voués à devenir caducs en raison de cette clause suspensive. Par suite, le lien de causalité entre le préjudice allégué et le refus de permis de construire du 2 août 2019 n'est pas établi. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice.

47. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, au titre de la faute résultant du refus de permis de construire du 2 août 2019, d'indemniser la SCCV Vigneux Concorde de la somme de 4 890,56 euros.

48. Il résulte de tout ce qui précède que la somme allouée à la SCCV Vigneux Concorde doit être portée à 102 043,56 euros arrondie à 102 044 euros. Cette somme sera assortie des intérêts moratoires courant à compter du 23 octobre 2019 et de la capitalisation des intérêts à compter du 21 février 2020, date à laquelle elle a demandé pour la première fois la capitalisation de ces intérêts.

Sur les frais liés au litige :

49. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCCV Vigneux Concorde, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Vigneux-sur-Seine demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Vigneux-sur-Seine une somme de 2 000 euros à verser à la SCCV Vigneux Concorde sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité que la commune de Vigneux-sur-Seine est condamnée à verser à la SCCV Vigneux Concorde est portée à la somme de 102 043,56 euros arrondie à 102 044 euros. Cette somme sera assortie des intérêts moratoires courant à compter du 23 octobre 2019 et de la capitalisation des intérêts à compter du 21 février 2020.

Article 2 : Le jugement n° 2001343 du tribunal administratif de Versailles du 17 février 2023 est réformé en ce sens.

Article 3 : La commune de Vigneux-sur-Seine versera à la SCCV Vigneux Concorde une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCCV Vigneux Concorde et à la commune de Vigneux-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

La rapporteure,

C. Pham

Le président,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne à la préfète de l'Essonne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00767


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