Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 12 décembre 2024.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968,
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Lucas, représentant la commune de Montgeron.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée par la commune de Montgeron en qualité d'agent non titulaire, pour exercer à temps non complet les fonctions de surveillante des interclasses et d'agent d'entretien, par plusieurs contrats à durée déterminée, entre le 18 septembre 2000 et le 31 août 2017, ces recrutements ayant parfois été interrompus au cours des périodes de vacances scolaires. Elle a été nommée fonctionnaire stagiaire dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux à compter du 1er septembre 2017, à temps complet. Placée en congé de longue maladie du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2020, puis en disponibilité d'office à compter du 1er octobre 2020, elle n'a pas pu effectuer son stage, ayant été déclarée inapte à toutes fonctions de manière totale et définitive par un avis du comité médical du 19 novembre 2020. Par un arrêté du maire de Montgeron du 31 décembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude physique et radiée des cadres. Par deux courriers des 18 et 19 mars 2021, Mme B... a demandé à la commune de Montgeron de lui verser une pension d'invalidité à compter de la date de sa radiation des cadres et l'octroi, le cas échéant, de l'allocation supplémentaire d'invalidité. Elle a également demandé la réparation des préjudices subis, à hauteur de 35 000 euros, du fait du renouvellement abusif de contrats à durée déterminée entre 2000 et 2017 et de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée. Par un courrier du 20 mai 2021, le maire de Montgeron a informé Mme B... que son dossier de pension d'invalidité était en cours d'instruction, et il a rejeté sa demande indemnitaire préalable. La requérante demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Versailles du 22 septembre 2023 en tant qu'il a limité son indemnisation par la commune de Montgeron à la somme de 5 000 euros.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Montgeron :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 : " A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi. (...) ". Et aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi du 12 mars 2012 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, de leur participation à des activités dans le cadre de l'une des réserves mentionnées à l'article 74, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. / Ces collectivités et établissements peuvent, en outre, recruter des agents non titulaires pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois et conclure pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une seule fois à titre exceptionnel, des contrats pour faire face à un besoin occasionnel. / Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que tous les agents non titulaires recrutés sur le fondement de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi du 12 mars 2012, peuvent bénéficier du dispositif prévu par l'article 21 de cette dernière loi s'ils ont atteint une durée de services publics effectifs au moins égale à six années au cours des huit années précédant le 13 mars 2012. Par suite, la circonstance qu'un agent n'a pas été recruté sur le fondement des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 ne fait pas obstacle à ce qu'il se prévale de l'article 21 de la loi 12 mars 2012.
4. Il résulte de l'instruction, notamment des termes des contrats de recrutement conclus entre Mme B... et la commune de Montgeron, que l'intéressée a été recrutée au sein du service " Enfance - Éducation ", sur le fondement de l'article 3 précité de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi du 12 mars 2012, pour exercer des fonctions de surveillante des interclasses, d'agent polyvalent et d'agent d'entretien, qui correspondaient à des besoins permanents de la collectivité. Eu égard au principe rappelé au point qui précède, la circonstance, invoquée en défense par la commune, que Mme B... n'aurait pas été recrutée sur le fondement des quatrième et cinquième alinéa dudit article 3, est sans incidence. Par ailleurs, il résulte des mentions des mêmes contrats de recrutements que l'intéressée remplit la condition posée à l'article 21 de la loi du 12 mars 2012, tenant à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité, au moins égale à six années au cours des huit années précédant le 13 mars 2012. Par suite, en ne lui proposant pas la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, en application des dispositions précitées, le maire de Montgeron a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune pour la période de recrutement allant de cette dernière date au 31 août 2017.
5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction applicable aux contrats concernés, que les collectivités territoriales peuvent recruter par contrat à durée déterminée des agents non titulaires, d'une part, au titre des premier et deuxième alinéas de cet article, en vue d'assurer des remplacements momentanés ou d'effectuer des tâches à caractère temporaire ou saisonnier définies à ces alinéas et, d'autre part, au titre des quatrième, cinquième et sixième alinéas du même article, lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer certaines fonctions, lorsque, pour des emplois de catégorie A, la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient et, dans les communes de moins de 1 000 habitants, lorsque la durée de travail de certains emplois n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet. Si ces dispositions offrent ainsi la possibilité à ces collectivités territoriales de recourir, le cas échéant, à une succession de contrats à durée déterminée, elles ne font cependant pas obstacle à ce qu'en cas de renouvellement abusif de tels contrats, l'agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Dans cette hypothèse, il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.
6. Il résulte de l'instruction que Mme B... a été recrutée de façon quasi continue par la commune de Montgeron, entre le 18 septembre 2000 et le 31 août 2017, par de multiples contrats à durée déterminée, pour des motifs parfois non précisés ou pour assurer les fonctions d'agent polyvalent, d'agent d'entretien, d'agent de surveillance des interclasses, ou, de manière plus vague, des fonctions correspondant au cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, et qu'elle relevait de manière constante du service " Enfance - Éducation ". Alors en outre que pour la période postérieure au 13 mars 2012, elle devait obligatoirement se voir proposer la transformation de son contrat en cours en contrat à durée indéterminée, comme il a été dit au point 4, il résulte de l'instruction qu'eu égard à la nature des fonctions occupées par Mme B... et à la durée de ses contrats, la commune de Montgeron a fait un recours abusif au renouvellement de contrats à durée déterminée. Elle a par suite commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :
7. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ".
8. Comme l'ont relevé les premiers juges, le délai dont disposait Mme B... pour faire valoir sa créance liée aux préjudices subis du fait du renouvellement abusif de contrats à durée déterminée a commencé à courir à la date à laquelle a pris fin cette situation abusive, le 31 août 2017, date d'échéance de son dernier contrat. Par ailleurs, la faute de la commune de Montgeron, exposée au point 4 du présent arrêt, liée à l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée à compter du 13 mars 2012, s'est perpétuée jusqu'à la même date du 31 août 2017. La créance dont se prévaut Mme B... n'était donc pas prescrite lorsqu'elle a présenté, le 19 mars 2021, sa demande indemnitaire préalable auprès de la commune de Mongeron. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à opposer, sur le fondement des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, la prescription de la créance de l'intéressée.
9. D'une part, Mme B... sollicite la réparation du préjudice financier, de carrière et de retraite qu'elle estime avoir subi en demandant la condamnation de la commune de Montgeron à lui verser à ce titre la somme de 25 000 euros, évaluée par elle en référence aux modalités de calcul d'une indemnité de licenciement. Toutefois, il résulte de l'instruction que la relation d'emploi entre cette dernière et la collectivité n'a pas été interrompue au terme du dernier contrat à durée déterminée de l'intéressée, celle-ci ayant été nommée fonctionnaire stagiaire dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux à compter du 1er septembre 2017. Mme B... a ensuite été radiée des cadres à compter du 31 décembre 2020, en raison de son invalidité totale et définitive à toutes fonctions. Par suite, et comme il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, le lien de causalité entre les fautes commises par la commune de Montgeron et le préjudice financier invoqué n'est pas établi. La demande présentée à ce titre doit donc être rejetée.
10. D'autre part, si Mme B... demande à être indemnisée en raison de garanties statutaires et sociales dont elle aurait été privée du fait des fautes de la commune de Montgeron, les garanties qu'elle invoque, en matière de congés et de réparation des accidents du travail notamment, sont liées non au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée, mais à la qualité de fonctionnaire, dont elle a au demeurant bénéficié à compter du 1er septembre 2017. Cette demande est donc dépourvue de lien avec les fautes commises et doit donc être rejetée.
11. Enfin, en évaluant à 5 000 euros le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence de Mme B... du fait des fautes imputables à la commune de Montgeron, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ces préjudices.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Montgeron à lui verser la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 et de leur capitalisation à compter du 23 mars 2022, et a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Montgeron, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 000 euros à la commune de Montgeron sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera la somme de 1 000 euros à la commune de Montgeron en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Montgeron.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Even, premier vice-président, président de chambre,
- Mme Mornet, présidente assesseure,
- M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025.
La rapporteure,
G. MornetLe président,
B. Even
La greffière,
S. de Sousa
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE02549