Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Sous le n° 2003547, la commune de Lèves a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement M. B..., la société TP Compact et leurs assureurs à lui verser la somme totale de 130 064,17 euros dont 105 166,76 euros au titre des travaux nécessaires à la réparation des désordres affectant le parvis de la mairie et 24 897,41 euros au titre des dépens.
Sous le n° 2003809, la société TP Compact a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la société Anjou Granit Import à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la commune de Lèves dans l'instance n° 2003547.
Par un jugement nos 2003547, 2003809 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a :
- condamné solidairement M. B... et la société TP Compact à verser à la commune de Lèves la somme de 105 166,76 euros TTC en réparation des désordres précités et a mis à leur charge solidaire les dépens à hauteur de 18 634,48 euros,
- condamné M. B... à garantir la société TP Compact à hauteur de 85 % des condamnations prononcées à son encontre et la société TP Compact à garantir M. B... à hauteur de 15 % des condamnations prononcées contre lui,
- mis à la charge de M. B... et de la société TP Compact la somme de 1 000 euros chacun à verser à la commune de Lèves sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 novembre 2022 et 30 décembre 2024, M. A... B..., représenté par Me Malarde, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamné, d'une part, solidairement avec la société TP Compact, à verser à la commune de Lèves la somme de 105 166,76 euros TTC au titre des frais de réparation des désordres affectant le parvis de la mairie et, d'autre part, à garantir la société TP Compact à hauteur de 85 % des condamnations prononcées contre elle ;
2°) à titre principal, de prononcer sa mise hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener sa part de responsabilité, qui ne saurait excéder 10 %, à de plus justes proportions et de limiter le montant des condamnations éventuellement mises à sa charge au strict coût des travaux et investigations retenus par l'expert, soit à la somme de 71 796,80 euros HT outre les frais de maîtrise d'œuvre ;
4°) en tout état de cause, de condamner la société TP Compact à le garantir de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre.
Il soutient que :
- il n'a commis aucune faute :
* il avait prescrit, au point 2.7.1. du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), l'utilisation d'une pierre à usage extérieur et résistante au gel, de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir prévu des pierres inadaptées aux travaux réalisés ;
* il résulte de l'article 2.7.5. du CCTP, qui prescrivait la pose de dalles de Chine de chez Anjou Granit Import " ou équivalent ", qu'il n'a pas imposé le recours aux pierres chinoises litigieuses mais que celles-ci ont été choisies par l'entreprise ;
* il n'est pas établi que la société TP Compact lui aurait proposé en alternative des pierres de Dordogne qu'il aurait refusées ;
- il n'existe aucun lien de causalité entre une éventuelle faute de sa part et la survenance des désordres :
* les désordres sont dus à la présence excessive d'argile au sein des pierres fournies ; ce défaut n'a été mis en évidence qu'après de nombreuses investigations réalisées en laboratoire, de sorte qu'il n'aurait jamais pu, même en disposant des fiches techniques qui ne lui ont jamais été fournies, le déceler lui-même ; en tout état de cause, il n'est tenu qu'à une obligation de moyens ;
* la société TP Compact a commis une faute, en ce qu'elle aurait dû s'interroger sur les caractéristiques intrinsèques des matériaux qu'elle a utilisés ; une partie des désordres, à savoir le devers de la première marche, lui est imputable ;
- le montant des condamnations éventuellement mises à sa charge devra se limiter au strict chiffrage de l'expert ;
- en raison des fautes qu'elle a commises, la société TP Compact doit être condamnée à le garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2023, la commune de Lèves, représentée par Me Blanchard, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B... était chargé d'une mission de maîtrise d'œuvre complète en vertu de laquelle il était tenu de vérifier la qualité des matériaux fournis ou, a minima, de contrôler leurs notices techniques ; en ne procédant pas à un tel contrôle, le maître d'œuvre a commis une faute contractuelle ;
- il résulte des dispositions des articles 21 et 24 du CCAG - Travaux applicable au marché de travaux confié à la société TP Compact que cette dernière était tenue, sous l'étroit contrôle du maître d'œuvre, de procéder à la vérification de la qualité des matériaux employés ; dès lors, en procédant à la pose de pierres inadaptées à leur destination, elle a commis une faute contractuelle ;
- ces fautes sont directement à l'origine des désordres affectant le parvis de la mairie ;
- le préjudice subi s'élève à la somme totale de 130 064,17 euros.
Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2023, la société TP Compact, représentée par Me Rivière-Dupuy, avocate, conclut :
1°) à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. B... à la garantir à hauteur de 85 % des condamnations prononcées et l'a elle-même condamnée à garantir M. B... à hauteur de 15 % de ces condamnations ;
2°) à l'infirmation de ce jugement quant au montant de la condamnation prononcée et à ce que celle-ci soit arrêtée à la somme de 97 248,66 euros TTC ;
3°) à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative outre les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le CCTP établi par M. B... imposait que les pierres soient fournies par la société Anjou Granit ; si ce CCTP prévoyait la possibilité de poser des pierres équivalentes à celles de ce fournisseur, l'architecte a néanmoins refusé la proposition formulée en ce sens par la société exposante ; elle n'a donc eu aucune liberté quant au choix des dalles ;
- M. B... était tenu, en application de la loi du 12 juillet 1985 et du décret du 29 novembre 1993, de contrôler l'adéquation des matériaux à l'usage attendu ; en ne procédant pas à un tel contrôle, il a commis une faute au caractère exclusif dans la survenance du sinistre ; sa part de responsabilité étant prépondérante en l'espèce, la condamnation par le tribunal de l'architecte à la garantir à hauteur de 85 % n'a pas à être infirmée ;
- la société exposante n'a commis aucune faute dès lors qu'elle avait proposé à l'architecte une autre pierre qu'il a refusée, que le contrôle de la qualité des matériaux ne lui incombait pas et que le désordre du " nez de marche " n'est pas de nature décennale ; il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir M. B... à hauteur de 15 % du montant de la condamnation prononcée ;
- le préjudice global subi par la commune s'élève, non à la somme de 105 166,76 euros TTC, mais à celle de 97 248,66 euros TTC.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bahaj,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Buzon, substituant Me Blanchard, pour la commune de Lèves.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 23 avril 2007, la commune de Lèves a confié à M. B..., architecte DPLG, la maîtrise d'œuvre du projet d'aménagement de la mairie consistant en la création d'un parvis avec accessibilité aux personnes handicapées. Le marché public de travaux a été attribué, par un acte d'engagement signé le 13 novembre 2007, à la société TP Compact. La réception sans réserve des travaux a été prononcée le 7 octobre 2008. Par un courrier du 24 février 2010, le maire de Lèves a indiqué à M. B... que plusieurs dalles du parvis étaient détériorées, s'effritaient et que deux marches en pleine pierre étaient fendues. Le 27 avril 2011, une visite des lieux a été organisée en présence de M. B..., de représentants de la commune, de la société TP Compact et de la société Anjou Granit Import, qui avait fourni les pierres pour la réalisation du parvis. Face aux désordres constatés, la société Anjou Granit Import a fourni de nouvelles pierres pour remplacer celles qui s'étaient abîmées et la société TP Compact a réalisé des travaux de reprise sur une zone d'environ 18 mètres carrés. Cependant, par des courriers du 3 juin 2013, le maire a une nouvelle fois signalé au maître d'œuvre et à la société TP Compact que des blocs de pierre du parvis s'effritaient. Après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert, dont le rapport a été déposé le 30 janvier 2020, la commune de Lèves a notamment demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement M. B... et la société TP Compact à lui verser la somme totale de 130 064,17 euros, dont 105 166,76 euros au titre des travaux nécessaires à la réparation des désordres et 24 897,41 euros au titre des dépens exposés. M. B... relève appel du jugement rendu par ce tribunal le 18 octobre 2022 en tant que celui-ci l'a condamné, d'une part, solidairement avec la société TP Compact à verser à la commune la somme de 105 166,76 euros TTC en réparation des désordres affectant le parvis de la mairie et, d'autre part, à garantir cette société à hauteur de 85 % des condamnations prononcées contre elle. La société TP Compact conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel provoqué, que l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à la commune de Lèves soit ramenée à la somme de 97 248,66 euros TTC.
Sur l'appel principal de M. B... :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la commune de Lèves :
Quant à la responsabilité de M. B... :
2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
3. Il résulte de l'instruction que la majeure partie des désordres affectant le parvis de la mairie de Lèves consistent en des phénomènes de délitage, desquamation, fissuration et fracturation des dalles qui y sont posées et qu'ils ont vocation à s'aggraver sous les effets de la chaleur, du gel et de la circulation des piétons. Pour réfuter le principe de sa responsabilité, M. B..., qui ne conteste pas la nature décennale des désordres précités, se borne à soutenir qu'il n'aurait commis aucune faute et, qu'en tout état de cause, celle-ci ne serait pas à l'origine des désordres litigieux. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 2, que la circonstance que M. B... n'ait commis aucune faute est sans incidence sur l'engagement de sa responsabilité décennale en tant que constructeur. Par suite, alors qu'il résulte de l'instruction que les désordres précités sont dus à l'emploi d'un matériau inadapté à un usage extérieur, prévu et validé par M. B..., ce dernier, qui n'invoque au demeurant aucuns cas de force majeure ou faute du maitre d'ouvrage, n'est pas fondé à solliciter sa mise hors de cause.
Quant au montant des travaux de réparation des désordres :
4. Il résulte de l'instruction que, si le montant des travaux de reprise du parvis de la mairie de Lèves a été chiffré par la société TP Compact, dans un devis du 31 octobre 2019, à la somme totale de 80 873,60 euros HT, l'expert judiciaire a toutefois estimé, dans son rapport remis le 30 janvier 2020, que ce devis était excessif sur plusieurs points. Ainsi, l'expert a proposé de retenir un prix unitaire des marches de 216 et non pas 250 euros HT, soit un différentiel unitaire de 34 euros HT appliqué à 105,20 marches pour un total de 3 576,80 euros HT. L'expert a également considéré que le poste 5 " Dépose et repose divers mains courantes et garde-corps " chiffré à 4 800 euros HT, le poste 6 " Divers : installation de chantier, mise en place des protections, balisages et passage provisoire pour accessibilité à la mairie " chiffré à 4 200 euros HT et le poste 7 " Remise en état des abords après réalisation de l'ensemble des travaux " chiffré à 4 500 euros HT, étaient excessifs et devaient être ramenés aux sommes respectives de 2 500, 3 000 et 2 500 euros HT. La commune de Lèves, qui se borne à reprendre ses écritures de première instance sur ce point, ne conteste pas utilement le montant des travaux de reprise ainsi évalué par l'expert à la somme de 71 796,8 euros HT, soit 86 156,16 euros TTC, qu'il y a lieu, par suite, de retenir.
5. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les travaux de reprise précités doivent être réalisés sous le contrôle d'un maître d'œuvre dont les prestations ont été évaluées par la commune à la somme de 5 500 euros HT au titre de la phase 1 et à la somme de 5 743,75 euros HT au titre de la phase 2, cette dernière étant calculée sur la base de 8 % du montant des travaux. Toutefois, ainsi que l'a relevé l'expert dans son rapport, la somme de 5 500 euros HT apparaît excessive compte tenu de la simplicité du projet à superviser. En l'absence de contestation de la commune sur ce point, celle-ci se bornant à reprendre le chiffrage présenté en première instance, il y a lieu retenir à ce titre la somme de 3 500 euros HT, soit 4 200 euros TTC. De plus, la rémunération du maître d'œuvre au titre de la phase 2 du projet doit être recalculée sur la base de 8 % du montant des travaux retenu au point précédent soit 5 743,744 euros HT et 6 892,49 euros TTC.
6. Enfin, si la commune évalue le montant des travaux provisoires urgents qu'elle a dû réaliser à la somme de 1 518,44 euros TTC en faisant valoir qu'ils auraient nécessité la mobilisation, durant deux journées complètes, d'un agent, du directeur des services techniques et de l'urbanisme et du directeur général des services, il n'y a toutefois lieu de retenir à ce titre que la somme de 280,70 euros TTC, correspondant au coût d'emploi d'un agent durant deux jours, dès lors que, comme le relève l'expert judiciaire, le temps de travail consacré à ces travaux par les deux personnels de direction précités paraît excessif.
7. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 4 à 6 que M. B... est seulement fondé à demander que la somme qu'il a été condamné à verser à la commune de Lèves soit ramenée au montant de 97 529,35 euros TTC.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la société TP Compact :
8. Il résulte de l'instruction que la plus grande partie des désordres affectant le parvis de la mairie de Lèves consiste en des phénomènes de délitage, desquamation, fissuration et fracturation des dalles posées, alors qu'un second désordre localisé est constitué par le déversement de la dernière marche sur une grande partie de sa longueur.
Quant au déversement de la dernière marche du parvis :
9. Il résulte notamment du rapport d'expertise du 30 janvier 2020 que le déversement précité est dû à une défaillance dans les opérations de pose pratiquées par l'entreprise de travaux. En effet alors que l'article 2.7.3. du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché de travaux prescrivait la réalisation de dalles en grave-ciment, il résulte de l'instruction que les marches de l'escalier ont été posées par l'entreprise sur du sable, ce qui est à l'origine du déversement litigieux. En procédant ainsi, la société TP Compact a commis une faute dans la réalisation des travaux qui lui avaient été confiés par la commune de Lèves.
Quant à la détérioration des pierres du parvis :
10. Il résulte des analyses réalisées en laboratoire à la demande de l'expert judiciaire et du rapport rédigé par ce dernier que le désordre le plus étendu, constitué par la détérioration des pierres du parvis, a pour cause l'emploi d'un matériau inadapté à un usage extérieur, en raison notamment de la présence d'argile, matière sensible aux phénomènes d'hydratation, de retrait-gonflement et de gel.
S'agissant des fautes commises par le maître d'œuvre :
11. Il résulte de l'article 1.5 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du contrat de maitrise d'œuvre attribué à M. B... que la mission qui lui était confiée par la commune de Lèves portait notamment sur la direction de l'exécution des travaux. Cette mission implique en particulier, conformément à l'article 9 du décret du 29 novembre 1993, auquel renvoie l'article 1.4 de ce CCAP, que le maître d'œuvre s'assure que l'exécution des travaux est conforme aux stipulations du marché.
12. Selon l'article 2.7.5. du cahier des clauses techniques particulières du marché de travaux, la société TP Compact devait fournir et poser des " dalles calcaires jaune/beige de Chine de 30, 40 et 50 x 60 x 6ht cm dessus bouchardé, autres faces sciées de chez Anjou Granit Import ou équivalent ".
13. Aux termes de l'article 24 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par décret du 21 janvier 1976 et auquel renvoie l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché attribué à la société TP Compact : " 24.1. Les matériaux (...) de construction sont soumis, pour leur vérification qualitative, à des essais et épreuves, conformément aux stipulations du marché et aux prescriptions des normes françaises homologuées (...) / A défaut d'indication, dans le marché ou dans les normes, des modes opératoires à utiliser, ceux-ci font l'objet de propositions de l'entrepreneur soumises à l'acceptation du maître d'œuvre. (...) // 24.3. Les vérifications sont faites, suivant les indications du C.C.A.P. ou, à défaut, suivant les décisions du maître d'œuvre, soit sur le chantier, soit dans les usines, magasins ou carrières de l'entrepreneur et des sous-traitants ou fournisseurs. Elles sont exécutées par le maître d'œuvre ou, si le C.C.A.P. le prévoit, par un laboratoire ou organisme de contrôle. / Dans le cas où le maître d'œuvre ou son préposé effectue personnellement les essais, l'entrepreneur met à sa disposition le matériel nécessaire, mais il n'a la charge d'aucune rémunération du maître d'œuvre ou de son préposé. / Les vérifications effectuées par un laboratoire ou organisme de contrôle sont faites à la diligence et à la charge de l'entrepreneur. Ce dernier adresse au maître d'œuvre les certificats constatant les résultats des vérifications faites. Au vu de ces certificats, le maître d'œuvre décide si les matériaux, produits ou composants de construction peuvent ou non être utilisés. (...) ".
14. Il résulte de l'instruction que les dalles calcaires de Chine référencées à l'article 2.7.5. du CCTP du marché de travaux ont été commandées par la société TP Compact auprès du fournisseur Anjou Granit Import après accord exprès de M. B... obtenu par courrier électronique du 24 avril 2008 et que ce dernier n'a jamais pris connaissance des fiches techniques relatives aux pierres de Chine employées, ce qui aurait pu lui permettre de s'assurer de leur adéquation à l'usage auquel elles étaient destinées. Ainsi, en prévoyant au CCTP l'emploi d'un matériau inadapté, en validant la commande et en s'abstenant de vérifier, au moyen de la fiche technique ou de tout autre procédé approprié conformément aux dispositions de l'article 24 du CCAG - Travaux précité, son adéquation à l'usage projeté, le maître d'œuvre a commis une faute dans l'exécution de la mission que lui avait confiée la commune de Lèves.
S'agissant des fautes commises par l'entrepreneur :
15. Aux termes de l'article 21 du CCAG - Travaux précité : " Provenance des matériaux et produits. / 21.1. Sauf stipulations différentes du marché, l'entrepreneur a le choix de la provenance des matériaux, produits ou composants de construction, sous réserve de pouvoir justifier que ceux-ci satisfont aux conditions fixées par le marché. / 21.2. Lorsque la provenance de matériaux, produits ou composants de construction est fixée dans le marché, l'entrepreneur ne peut la modifier que si le maître d'œuvre l'y autorise par écrit. (...) ".
16. Il appartenait également à la société TP Compact, en sa qualité de titulaire du marché de travaux, d'accomplir sa tâche dans les règles de l'art et, en particulier, de vérifier la qualité et la conformité des produits qu'elle utilisait pour exécuter ce marché. Si l'entreprise fait valoir qu'elle aurait proposé au maître d'œuvre, en alternative, des pierres de Dordogne qu'il aurait refusées, cette affirmation, contredite par M. B..., n'est établie par aucune pièce du dossier.
Quant au partage des responsabilités :
17. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des parts de responsabilité de chacun dans la survenance de l'ensemble des désordres affectant le parvis de la mairie, il y a lieu de condamner M. B... à garantir la société TP Compact à hauteur de 65 % du montant de la condamnation fixée au point 7 et la société TP Compact à garantir M. B... à hauteur de 35 % de ce montant.
18. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la société TP Compact à le garantir à hauteur de 15 % seulement de la condamnation solidaire et à demander que cette société soit condamnée à le garantir à hauteur de 35 %.
Sur l'appel provoqué de la société TP Compact :
19. La situation de la société TP Compact se trouvant ainsi aggravée par l'appel principal de M. B..., ses conclusions d'appel provoqué sont recevables.
20. En premier lieu, pour contester le caractère décennal du désordre résultant du déversement de la dernière marche du parvis de la mairie de Lèves, la société TP Compact se borne à faire valoir qu'il ne compromettrait pas sa solidité et ne le rendrait pas impropre à sa destination. Il résulte toutefois de l'instruction que l'affaissement de la dernière marche de l'escalier en litige est de nature, par le risque de chute qu'il entraîne pour les usagers souhaitant accéder à ce bâtiment public, à rendre cet ouvrage impropre à sa destination. Par suite, la société exposante n'est pas fondée à soutenir que les travaux de réparation destinés à remédier à ce désordre ne peuvent être mis à sa charge.
21. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 4 à 7, la société TP Compact est seulement fondée à demander à ce que la condamnation prononcée à son encontre par l'article 2 du jugement attaqué soit ramenée à la somme de 97 529,35 euros TTC.
22. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 8 à 18, la société TP Compact n'est pas fondée à demander à ce que M. B... soit condamné à la garantir à hauteur de 85 % de la condamnation prononcée à son encontre et à ce qu'elle ne soit elle-même condamnée à garantir le maître d'œuvre qu'à hauteur de 15 % de cette même condamnation.
Sur les frais d'instance :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes demandées par la commune de Lèves et la société TP Compact au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 105 166,76 euros TTC fixée par l'article 2 du jugement nos 2003547, 2003809 du tribunal administratif d'Orléans du 18 octobre 2022 est ramenée à la somme de 97 529,35 euros.
Article 2 : La société TP Compact garantira M. B... à hauteur de 35 % de la condamnation prononcée à l'article 1er du présent arrêt et M. B... garantira la société TP Compact à hauteur de 65 % de cette condamnation.
Article 3 : Le jugement nos 2003547, 2003809 du tribunal administratif d'Orléans du 18 octobre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à la commune de Lèves et à la société TP Compact.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Bahaj, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
La rapporteure,
C. BAHAJ
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au préfet d'Eure-et-Loir en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02679 2