Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2307360 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2024, M. B..., représenté par Me Ménage, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier 2024 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 31 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer un récépissé de renouvellement de titre de séjour, avec autorisation de travail, sans délai, et sous la même astreinte ;
5°) dans tous les cas, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour sur sa situation personnelle ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ainsi qu'une dénaturation des pièces du dossier ;
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée, notamment en fait, dès lors que la description de sa situation personnelle est très partielle ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il doit être regardé comme ayant fourni une demande d'autorisation de travail, tant par voie postale avec accusé de réception que par voie électronique ;
- l'arrêté contesté n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, faute pour le préfet de lui avoir notifié les courriers du 28 juin et 29 août 2022 ;
- c'est à tort que le préfet a refusé d'examiner sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- c'est à tort que le préfet n'a pas, soit transmis la demande d'autorisation de travail au service de la main-d'œuvre étrangère, soit instruit directement cette demande ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, au vu de sa qualité de jeune majeur qui n'a plus d'attaches avec son pays d'origine ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa vie privée et familiale est désormais en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa vie privée et familiale se situe désormais en France ;
- la décision fixant le pays à destination duquel il serait éloigné et cas d'exécution d'office de la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, car fondée sur une décision illégale.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2024, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués par le requérant sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tar,
- et les observations de Me Ménage, pour M. B....
Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 15 janvier 2025.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant malien né le 31 décembre 2000, affirme être entré sur le territoire français le 12 août 2016. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du 23 février 2017 au 31 décembre 2018, puis a obtenu une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant, valable du 13 mars 2019 au 12 mars 2020, puis une carte de séjour pluriannuelle en qualité d'étudiant, valable du 17 novembre 2020 au 16 novembre 2022. Il a sollicité un changement de statut, d'étudiant à salarié, le 28 juin 2022, sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 11 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution d'office.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... soutient que le jugement attaqué serait irrégulier, faute pour le tribunal administratif d'avoir répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur sa situation personnelle. Il ressort en effet du mémoire introductif d'instance succinct enregistré par le greffe du tribunal administratif de Versailles, le 8 septembre 2023, que M. B... soulève, parmi les " moyens d'annulation pour l'ensemble des quatre décisions précitées " une " erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation personnelle du requérant ". Toutefois, il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. En l'espèce, ce moyen n'était, ni dans le mémoire introductif d'instance, ni dans le mémoire ampliatif enregistré le 25 septembre 2023, assorti de la moindre précision. Dans ces conditions, en estimant ne pas être tenu de répondre à ce moyen, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
3. M. B... soutient que la décision lui refusant le séjour serait insuffisamment motivée. Il ressort de l'arrêté contesté que celui-ci cite les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte l'énoncé des motifs de refus, à savoir l'absence d'une autorisation de travail lors du dépôt de son dossier, il précise que seul l'ancien modèle Cerfa de demande d'autorisation de travail, non tamponné par la DIRECCTE, a été présenté et que, selon la plateforme de la main d'œuvre étrangère des Hauts-de-Seine, aucune demande d'autorisation de travail n'a été déposée par l'employeur de M. B.... L'arrêté attaqué comporte donc l'énoncé des principes de droit et des circonstances de fait qui fondent la décision de refus de séjour contestée. Cette décision est suffisamment motivée, alors que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté n'aurait pas été précédé de l'examen de la situation particulière de M. B....
4. M. B... soutient également que la décision portant refus de séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes. Par suite, la procédure prévue à l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable à ces demandes. Le moyen doit être écarté comme inopérant.
5. M. B... soutient également que cette décision serait entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il a produit une demande d'autorisation de travail. Toutefois, le motif opposé par le préfet n'est pas l'absence de demande d'autorisation de travail mais l'absence d'autorisation de travail. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait.
6. M. B... soutient également que cette décision serait entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet ne pouvait lui opposer l'absence d'autorisation de travail sans avoir au préalable recueilli la position des services compétents en matière d'autorisation de travail. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de l'Essonne a opposé à la demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " la circonstance que l'intéressé n'a pas justifié d'un contrat de travail visé par l'administration du travail. Contrairement à ce que soutient M. B..., la circonstance qu'il a présenté un formulaire Cerfa de demande d'autorisation de travail non visé n'était pas de nature à le dispenser de la production d'une autorisation de travail ou d'un contrat de travail visé. Le moyen doit être écarté.
7. M. B... soutient également que cette décision aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels devant conduire à son admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, les circonstances qu'il soit arrivé en France alors qu'il était mineur, qu'il ait fait l'objet d'une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité puis qu'il ait obtenu plusieurs titres de séjour en qualité d'étudiant n'ont, en elles-mêmes, aucun caractère exceptionnel. De même, la circonstance qu'il n'a plus de contact avec sa mère ne constitue pas une considération humanitaire susceptible de justifier une admission exceptionnelle au séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celui, à le supposer soulevé, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions, doivent être écartés.
8. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ". Toutefois, comme l'a à juste titre relevé le tribunal administratif, ces dispositions ne s'appliquent qu'à l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans, ce qui n'est pas le cas de M. B....
9. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Toutefois, comme l'a à juste titre relevé le tribunal administratif, le refus de titre de séjour opposé à M. B... n'est pas intervenu dans l'année qui a suivi son dix-huitième anniversaire, mais plus de quatre années après cet anniversaire. M. B... ne peut donc se prévaloir de ces dispositions.
10. M. B... soutient que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Celui-ci soutient qu'il a tissé un réseau amical fort en France, à l'école, au foyer, ainsi qu'au travail, qu'il n'a pas de frère et sœur et que son père est décédé. Toutefois, il est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère, même s'il soutient ne plus avoir de lien avec elle. Au regard des attaches familiales et personnelles dont il justifie en France et dans son pays d'origine, l'atteinte portée par la décision contestée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... n'est pas disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Pour les mêmes motifs que ceux cités aux points 9 et 10 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. B... doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
12. Il ne ressort pas de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour serait illégale. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant été prise sur le fondement d'une décision illégale. Le moyen correspondant doit être écarté.
13. L'arrêté attaqué énonce que la décision portant obligation de quitter le territoire français se fonde sur les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce que la demande de titre de séjour de M. B... est refusée. Il comporte donc l'énoncé des principes de droit et des circonstances de fait qui fondent la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée. Cette décision est suffisamment motivée.
14. Pour les mêmes raisons que celles citées au points 9 et 10 ci-dessus, les moyens tirés de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de M. B... doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays à destination duquel M. B... pourrait être éloigné :
15. Il ne ressort pas de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, la décision fixant le pays à destination duquel M. B... serait éloigné en cas d'exécution d'office ne peut être regardée comme ayant été prise sur le fondement d'une décision illégale. Le moyen correspondant doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté. Ses conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté doivent donc être rejetées, ainsi que celles aux fins d'injonction et celles aux fins d'applications des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme A..., présidente- assesseure,
M. Tar, premier conseille.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
G. TarLa présidente,
F. VersolLa greffière,
A. Gauthier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24VE00413