Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le maire de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Khor Immo un permis de construire un ensemble immobilier de dix-huit logements répartis en dix bâtiments d'habitation et la décision implicite née le 8 juillet 2022 par laquelle son recours gracieux formé contre cet arrêté a été rejeté.
Par un jugement n° 2208274 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 octobre 2023 et le 8 juillet 2024, M. B... C..., représenté par Me Caron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 et la décision implicite du 8 juillet 2022 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation ; les premiers juges n'ont pas justifié, s'agissant de la propriété du mur situé en fond de parcelle, de l'absence de difficulté sérieuse relevant de la compétence de la juridiction judiciaire ;
- sa demande n'était pas tardive ; il justifie d'un intérêt à agir ; il justifie de sa qualité de propriétaire ;
- le projet autorisé est incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation " La Motte ", en particulier avec l'objectif de maintien de l'intimité des secteurs résidentiels existants ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'illégalité en raison de la fraude commise par le pétitionnaire concernant la propriété d'un mur séparatif de parcelles, situé sur la limite ouest du terrain objet de l'autorisation en litige ;
- le mur précité est un mur de soutènement, intégré à tort dans l'assiette du terrain objet du permis litigieux ; de ce fait, le calcul des distances entre les limites séparatives et les constructions envisagées est entaché d'erreur de fait, entraînant par voie de conséquence le non-respect des règles de retrait fixées à l'article 1AU7 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés le 11 avril 2024 et le 22 juillet 2024, la commune de Boissy-sous-Saint-Yon, représentée par Me Ferrant, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation des vices entachant l'arrêté du 17 mai 2022 ;
3°) et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- la demande est irrecevable, en raison de sa tardiveté, le recours gracieux formé par la compagnie d'assurance Matmut n'ayant pu proroger les délais de recours contentieux ouverts à M. C... ; elle est également irrecevable faute d'avoir été notifiée dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dès lors que le recours gracieux formé par M. C... n'a pas été adressé à la société Khor Immo ; en outre, M. C... ne justifie pas d'un intérêt à agir ; enfin, M. C... ne justifie pas être propriétaire de la parcelle cadastrée section AE n°40, en méconnaissance des exigences de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;
- les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 28 juin 2024 et le 22 juillet 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Khor Immo, représentée par Me Ferrant, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation des vices entachant l'arrêté du 17 mai 2022 ;
3°) et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- la demande est irrecevable, en raison de sa tardiveté, le recours gracieux formé par la compagnie d'assurance Matmut n'ayant pu proroger les délais de recours contentieux ouverts à M. C... ; elle est également irrecevable faute d'avoir été notifiée dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dès lors que le recours gracieux formé par M. C... ne lui a pas été adressé ; en outre, M. C... ne justifie pas d'un intérêt à agir ;
- les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une ordonnance du 14 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu le jour même, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
À la suite d'une invitation à produire des éléments en vue de compléter l'instruction, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, des pièces ont été reçues le 24 décembre 2024, les 6, 14 et 15 janvier 2025 et ont été communiquées. Un mémoire et des pièces ont été reçues les 17, 20 et 21 janvier 2025, et n'ont pas été communiqués.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Dumont pour M. C....
Une note en délibéré présentée pour M. C... a été enregistrée le 3 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 17 mai 2022, le maire de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon a accordé à la société par actions simplifiée (SAS) Khor Immo un permis de construire pour la réalisation d'un programme immobilier de dix-huit logements répartis en dix bâtiments d'habitation, sur un terrain sis route d'Avrainville, à Boissy-sous-Saint-Yon, dans le département de l'Essonne. Par l'intermédiaire de son assureur " protection juridique ", M. C... a formé un recours gracieux contre cet arrêté, par une lettre du 8 juillet 2022, qui a été implicitement rejeté. Par un jugement n° 2208274 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2022 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. M. C... demande à la cour d'annuler ce jugement, l'arrêté du 17 mai 2022 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement contesté :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. M. C... a soutenu en première instance que le muret séparant sa propriété du terrain d'emprise du projet immobilier en cause était présumé lui appartenir, dès lors qu'il constituerait un mur de soutènement au bénéfice de son fonds et qu'en conséquence, le calcul de la distance de retrait de six mètres, fixée à l'article 1AU7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon, aurait dû exclure l'épaisseur de ce muret. Alors que M. C... n'a présenté dans ses écritures de première instance aucune demande expresse de transmission au juge judiciaire d'une question préjudicielle, ni ne s'est prévalu des dispositions de l'article R. 771-2 du code de justice administrative, le tribunal a exposé au point 11 du jugement en litige l'ensemble des motifs de fait sur lesquels les premiers juges se sont fondés pour estimer que le mur séparant la propriété de M. C... du terrain d'emprise du projet immobilier en cause ne constituait pas un mur de soutènement. En conclusion des éléments ainsi explicités, les premiers juges ont indiqué que M. C... ne soulevait pas " une question sérieuse quant à la propriété de ce mur " et ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1AU7 du règlement du plan local d'urbanisme. Au regard de ces motifs, le jugement en litige a suffisamment justifié de l'absence de question soulevant une difficulté sérieuse relevant de la compétence du juge judiciaire.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : (...) 3° Des orientations d'aménagement et de programmation (...) ". L'article L. 152-1 du même code prévoit que : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu'elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation d'un plan local d'urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs.
5. M. C... soutient que le projet en cause méconnaît les orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon concernant le secteur " La Motte ", qui énoncent en particulier que " L'intimité des secteurs résidentiels existants aux abords du secteur OAP sera à maintenir et à renforcer en aménageant une interface composée de jardins privatifs. Une ceinture paysagère dite " zone de tranquillité résidentielle " sera préservée de toute construction ". Il fait valoir notamment que le programme de constructions autorisé par le permis de construire en litige va porter atteinte à l'intimité dont il jouit actuellement, du fait de la création de vues depuis l'étage des habitations projetées, sur son jardin, son salon et même la chambre de son habitation.
6. Toutefois, le maintien " d'ambiances d'intimité " des secteurs résidentiels existants, notamment au niveau de la propriété de M. C..., doit être compris et apprécié au regard du programme de constructions prévu par les orientations du secteur de " La Motte ", indiquant que la destination du secteur est à dominante résidentielle et que le programme de logements " comprendra +/- 25-30 unités logements ", afin de " proposer une offre en logements qui répond aux besoins de la population locale et contribue au renforcement de la capacité d'accueil de Boissy-sous-Saint-Yon " et de " consommer " moins d'" espaces agricoles, naturels et boisés ".
7. Les termes employés dans les orientations d'aménagement et de programmation de " La Motte " expriment ainsi une ambition de conciliation entre, d'une part, l'objectif de concentration de l'habitat par la création de nouveaux logements dans ce secteur et, d'autre part, l'objectif de préservation de l'intimité des secteurs résidentiels déjà existants. Si l'équilibre ainsi souhaité implique de rechercher l'atténuation des effets de voisinage, en l'espèce grâce à une couverture végétale séparant le nouveau programme des espaces résidentiels existants, il n'impose pas l'absence totale de toute visibilité.
8. Il ressort des pièces du dossier que le programme de dix-huit logements, autorisé par le permis de construire en litige, prévoit l'instauration d'une " zone de tranquillité végétalisée " le long du muret séparant la parcelle d'implantation du projet des différentes parcelles résidentielles existantes situées à l'ouest, ainsi que la réalisation de jardins privatifs entre les nouveaux bâtiments d'habitation et ledit muret, d'une longueur d'au moins six mètres, au sein desquels de nouveaux arbres seront plantés et les arbres déjà existants seront conservés. Ces espaces, et cette couverture végétale, expressément prévus par les orientations d'aménagement et de programmation du secteur de la Motte, ont pour objet d'assurer la préservation d'" ambiances d'intimité ", en limitant les vues sur chacun des terrains et des habitations en cause. Il en résulte que le projet autorisé par le permis de construire en litige est compatible avec les orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1AU7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " Les constructions, excepté les abris de jardin, doivent être implantées soit sur une limite séparative, soit avec un retrait minimum de : / - 6 mètres si le côté intéressé comporte des ouvertures en façade ou en toiture, autre qu'une porte d'entrée ou des ouvertures à verres translucides ; / - 4 mètres par rapport aux limites séparatives dans les autres cas (...) ". Aux termes de l'article A 424-8 du code de l'urbanisme : " Le permis est délivré sous réserve du droit des tiers : il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme. Il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. (...) ".
10. M. C... soutient que le projet en cause méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 1AU7 du plan local d'urbanisme dès lors que le retrait de six mètres a été mesuré en prenant en compte toute l'épaisseur du muret longeant l'ensemble du terrain d'assiette du projet. Le requérant fait valoir que ce muret, pour ce qui concerne sa partie située au droit de sa propriété, est présumé lui appartenir dès lors qu'il s'agit d'un mur de soutènement et qu'en conséquence, le retrait des constructions projetées devait être mesuré à partir de l'extérieur du muret, sans comprendre son épaisseur. Il soutient que, de ce fait, la règle de retrait de six mètres n'a pas été respectée.
11. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les plans joints au dossier de demande de permis de construire intègrent dans le terrain d'assiette du projet le muret implanté tout le long de celui-ci, qui sépare ce dernier des neuf propriétés situées à l'ouest, dont celle de M. C..., et qu'à partir dudit muret, un retrait minimum de six mètres est respecté par rapport aux limites séparatives, conformément aux exigences de l'article 1AU7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon. Alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le service instructeur aurait été destinataire d'éléments de nature à mettre en doute la propriété de ce mur, il ne lui appartenait pas, en tout état de cause, d'effectuer une telle vérification. Dès lors, la circonstance que ledit muret appartiendrait en réalité à M. C... est sans incidence sur la légalité du permis de construire en litige. Au surplus, le titre de propriété de M. C..., que ce dernier verse au dossier, ne fait aucune mention du muret situé en fond de parcelle, ni ne comporte le moindre plan qui l'intègrerait graphiquement à sa propriété. Il ressort au contraire du plan de bornage du terrain d'assiette du projet en cause, établi par un géomètre-expert en 2019, que le muret longeant dans sa partie ouest neuf propriétés riveraines, dont celle de M. C..., est intégré à la propriété des consorts A..., dans la totalité de sa longueur. En outre, en se bornant à faire état de la différence de hauteur entre les parcelles situées à l'est à l'ouest du muret, et de la faible déclivité des terrains, M. C... n'établit pas que ledit muret serait constitutif d'un mur de soutènement. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 1AU7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon doit être écarté.
12. En dernier lieu, il résulte des motifs retenus au point précédent que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucun élément intentionnel ni matériel n'est en l'espèce caractérisé, de nature à établir le caractère frauduleux de la déclaration du pétitionnaire quant à la propriété du muret situé en limite séparative de sa parcelle. Ainsi, le moyen selon lequel le permis de construire délivré par le maire de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon serait entaché d'illégalité, du fait de déclarations frauduleuses du pétitionnaire, doit être écarté.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Boissy-sous-Saint-Yon, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés, d'une part, par la commune de Boissy-sous-Saint-Yon, d'autre part, par la SAS Khor Immo et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la commune de Boissy-sous-Saint-Yon ainsi qu'à la SAS Khor Immo la somme de 1 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la commune de Boissy-sous-Saint-Yon, ainsi qu'à la SAS Khor Immo.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Aventino, première conseillère,
- M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.
Le rapporteur,
H. COZICLa présidente,
G. MORNET
La greffière,
S. DE SOUSA
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23VE02332