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24/01/2025 | FRANCE | N°23VE00788

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 24 janvier 2025, 23VE00788


Vu les autres pièces des dossiers.



La clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2024.



Vu :

- le code civil,

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mornet,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- les observations de Me Aaron, représ

entant l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris et la commune de Clamart,

- et les observations de Me Samandjeu, représ...

Vu les autres pièces des dossiers.

La clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2024.

Vu :

- le code civil,

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mornet,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- les observations de Me Aaron, représentant l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris et la commune de Clamart,

- et les observations de Me Samandjeu, représentant les sociétés Kyma et Giovanni.

Considérant ce qui suit :

1. La société Kyma, exerçant l'activité de marchand de biens, souhaite démolir un immeuble situé 78, rue de Châtillon, à Clamart, sur la parcelle cadastrée AH 232, et construire ensuite un nouvel ensemble immobilier à usage d'habitation. Elle a pris contact avec les copropriétaires de l'immeuble, au cours de l'année 2019, en vue d'acheter tous les lots et le fonds de commerce situé en rez-de-chaussée. Le 30 juin 2020, neuf promesses de vente ont été conclues, par lesquelles tous les copropriétaires de l'immeuble ainsi que la SARL Sofia Création Coiffure, propriétaire du fonds de commerce, ont entendu vendre leurs biens à la société Kyma. La parcelle étant située dans le périmètre d'exercice du droit de préemption urbain renforcé, neuf déclarations d'intention d'aliéner (DIA), datées du 11 décembre 2020, ont été adressées à la commune de Clamart, qui les a reçues le 17 décembre 2020. Par une décision du 25 février 2021, le président de l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris a préempté les lots de copropriété n° 12 et 15, correspondant à un local commercial situé au rez-de-chaussée et à une cave, appartenant à la SCI Giovanni. La société Kyma et la SCI Giovanni ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cette décision. Par les jugements attaqués du 16 février 2023, le tribunal a admis l'intervention de la commune de Clamart et a annulé la décision de préemption du président de l'établissement public territorial Vallée Sud-Grand Paris du 25 février 2021. L'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris et la commune de Clamart demandent à la cour d'annuler ces jugements et de rejeter les demandes de première instance de la société Kyma et de la SCI Giovanni.

Sur la régularité des jugements attaqués :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". D'une part, si l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris et la commune de Clamart soutiennent que les premiers juges n'ont pas suffisamment explicité leur raisonnement juridique, il résulte des termes des jugements attaqués qu'ils ont d'abord mentionné la clause figurant dans une note annexée à la DIA, aux termes de laquelle l'acquisition concomitante de tous les lots de l'immeuble par la société Kyma constituait une condition essentielle et déterminante de la vente, puis se sont fondés sur le caractère indivisible de l'opération projetée par la société Kyma résultant de l'existence de cette clause. Ayant ensuite estimé que cette circonstance était au nombre des conditions visées au b) de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme, qu'ils ont préalablement cité, ils ont suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles ladite clause devait être regardée comme étant opposable au titulaire du droit de préemption. D'autre part, le tribunal n'était pas tenu de répondre aux arguments présentés par l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris dans la note en délibéré produite le 7 février 2023, qui n'a pas été communiquée dans la mesure où elle ne contenait aucun élément nouveau n'ayant pu être soulevé avant la clôture de l'instruction. Les jugements attaqués ne sont donc pas entachés d'irrégularités.

Sur la légalité de la décision du 25 février 2021 :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme : " Sont soumis au droit de préemption institué par l'un ou l'autre des deux précédents chapitres : / 1° Tout immeuble ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti, lorsqu'ils sont aliénés, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit, à l'exception de ceux qui sont compris dans un plan de cession arrêté en application de l'article L. 631-22 ou des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce ; (...) ". Aux termes de l'article L. 213-2 du même code : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. (...) ". Et aux termes de l'article R. 213-8 de ce code : " Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : / a) Soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ; / b) Soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposés, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; / c) Soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l'indemnité de réemploi. Dans le cas d'une vente envisagée moyennant le versement d'une rente viagère, le titulaire du droit de préemption et, le cas échéant, la juridiction doivent respecter les conditions de paiements proposées par le vendeur. Toutefois, le titulaire peut proposer, et la juridiction fixer, la révision du montant de cette rente et du capital éventuel. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 1186 du code civil : " Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît. / Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie. / La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le formulaire de la DIA relative aux lots n° 12 et 15 de l'immeuble, dont la société Kyma envisageait l'acquisition, renvoyait à une note annexée décrivant son projet global concernant l'immeuble, mentionnant son souhait d'acquérir concomitamment l'ensemble des lots et précisant que " Les parties déclarent que cette concomitance forme la condition essentielle et déterminante des présentes et de leur réitération, sans laquelle aucune des parties n'aurait contracté, car elle constitue pour elles un tout indivisible et un seul et même contrat nécessaire à la réalisation de son opération. / Par conséquent et conformément aux dispositions de l'article 1186 alinéa 2 du code civil, (...), en cas de non réalisation concomitante de la totalité des ventes nécessaires à l'opération, celles-ci seront réputées caduques et seront résolues. (...) ". Il ressort des termes de la décision du 25 février 2021, notamment de ses visas, que l'administration titulaire du droit de préemption a pris connaissance de cette note, laquelle doit donc être regardée comme faisant partie intégrante de l'offre d'acquérir. Il est par ailleurs constant que l'ensemble de la parcelle sur laquelle est édifié l'immeuble litigieux se situe dans le périmètre soumis à l'exercice du droit de préemption renforcé. Dans ces conditions, en préemptant les seuls lots n° 12 et 15, et non l'ensemble des neuf lots formant la copropriété, alors que neuf DIA avaient été transmises simultanément à l'administration et comportaient une condition expresse tenant à l'acquisition concomitante de ces lots, le président de l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris n'a pas respecté les conditions proposées au sens des dispositions précitées du b) de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme, et a par suite entaché sa décision du 25 février 2021 d'illégalité.

6. Il résulte de ce qui précède que l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris et la commune de Clamart ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de préemption du président de l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris du 25 février 2021.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Kyma et de la SCI Giovanni, qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, le versement d'une somme aux appelants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris et de la commune de Clamart le versement de la somme de 2 000 euros chacun à la société Kyma et à la SCI Giovanni sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris et de la commune de Clamart sont rejetées.

Article 2 : L'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris et la commune de Clamart verseront la somme de 2 000 euros chacun à la société Kyma et à la SCI Giovanni en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris, à la commune de Clamart, à la société Kyma et à la SCI Giovanni.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. A..., premier vice-président, président de chambre,

- Mme Mornet, présidente assesseure,

- M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2025.

La rapporteure,

G. MornetLe président,

B. A...

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23VE00788, 23VE00790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00788
Date de la décision : 24/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : AARPI JUNON AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-24;23ve00788 ?
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