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21/01/2025 | FRANCE | N°23VE00775

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 21 janvier 2025, 23VE00775


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision portant refus de titre de séjour ainsi que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de renvoi, prises à son encontre le 19 janvier 2022 par la préfète d'Indre-et-Loire, d'enjoindre à la préfète de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant notifica

tion du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision portant refus de titre de séjour ainsi que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de renvoi, prises à son encontre le 19 janvier 2022 par la préfète d'Indre-et-Loire, d'enjoindre à la préfète de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2201202 du 16 mars 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Rouillé-Mirza, de la Selarl Equation Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, injonction assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui opposant l'absence de visa de long séjour sans prendre en compte sa situation personnelle précaire et son dévouement pendant la crise sanitaire ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle ne peut pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire compte tenu de la durée de son mariage avec un ressortissant français ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Etienvre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née en 1981, a déclaré être entrée irrégulièrement sur le territoire en 2016. Elle s'est maintenue sur le territoire français et a épousé un ressortissant français le 4 mai 2019. Elle a sollicité le 2 novembre 2021 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Par l'arrêté attaqué du 19 janvier 2022, la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de faire droit à cette demande, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme A... en a demandé l'annulation au tribunal administratif d'Orléans. Par un jugement n° 2201202 du 16 mars 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance de la carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme A..., le préfet s'est fondé sur ce que Mme A... ne justifiait pas d'une entrée régulière en France.

4. Mme A... soutient que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas en compte sa situation personnelle précaire et son dévouement pendant la crise sanitaire.

5. Toutefois, la circonstance que Mme A... et son époux, M. B... D..., se trouvent dans une situation sociale précaire et ne disposeraient pas des moyens financiers pour se rendre en Côte-d'Ivoire afin d'y solliciter un visa de long séjour demeure sans influence sur le bien-fondé du motif opposé par le préfet lequel était tenu de rejeter la demande de titre de séjour sollicitée par Mme A.... Il en est de même de ce que Mme A... et son époux se sont investis dans l'aide aux plus démunis notamment durant la crise sanitaire.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter tout élément permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est mariée le 4 mai 2019 avec un ressortissant français, M. E.... Mme A... soutient, sans être contestée par le préfet, qu'elle vit avec celui-ci depuis 2018 et produit notamment à cet effet une attestation du 12 octobre 2018 d'Electricité de France selon laquelle elle et M. D... étaient titulaires d'un contrat d'électricité. A la date de l'arrêté attaqué, Mme A... justifiait ainsi d'une vie commune avec M. D... de plus de trois années. Dans ces conditions, et quand bien même Mme A... serait entrée en France à l'âge de 35 ans, celle-ci est fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La requérante est par suite fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Le motif retenu pour annuler l'obligation de quitter le territoire français contestée implique nécessairement qu'il soit enjoint, sous réserve d'un changement des circonstances de droit et de fait, au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à Mme A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ". Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser à Me Rouillé-Mirza, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 19 janvier 2022 est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve d'un changement des circonstances de droit et de fait, une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ".

Article 3 : Le jugement n° 2201202 du 16 mars 2023 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Rouillé-Mirza une somme de 1 300 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rouillé-Mirza renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Me Rouillé-Mirza, au préfet d'Indre-et-Loire et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.

L'assesseur le plus ancien,

T. AblardLe président-rapporteur,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE00775 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00775
Date de la décision : 21/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SELARL EQUATION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-21;23ve00775 ?
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