Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire préalable du 23 avril 2020 résultant du silence gardé par le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, de condamner l'université d'Evry-Val-d'Essonne à lui verser une indemnité de 120 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime, de condamner l'université d'Evry-Val-d'Essonne à lui verser une indemnité de 150 000 euros en réparation du préjudice professionnel qu'elle estime avoir subi du fait des sanctions déguisées qui lui ont été illégalement infligées et une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de leur caractère vexatoire, de condamner l'université d'Evry-Val-d'Essonne à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la carence fautive de l'université d'Evry-Val-d'Essonne à prendre des mesures pour mettre fin aux agissements dont elle estime avoir été victime et de mettre à la charge de l'université d'Evry-Val-d'Essonne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2004072 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 août 2022, ainsi que par des mémoires enregistrés le 21 septembre 2022, le 19 octobre 2023 et le 20 juin 2024, Mme A..., représentée par la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en cause ;
2°) de condamner l'université d'Evry-Val-d'Essonne à lui verser une somme de 370 000 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de l'université d'Evry-Val-d'Essonne la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas signé, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement est insuffisamment motivé, en ce qu'il ne répond pas totalement aux moyens présentés ;
- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation des faits en considérant que les agissements du président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne ne pouvaient être regardés comme laissant présumer une situation de harcèlement moral et ne constituaient pas des sanctions déguisées ;
- il a commis une inexactitude matérielle des faits en relevant que le délai de signature de la convention d'accueil avec l'université de Paris Descartes n'avait pas revêtu un caractère excessif ;
- il a commis une erreur de qualification juridique des faits en ne retenant pas l'existence d'une situation de harcèlement ;
- il a commis une erreur de droit en retenant que la responsabilité de l'université d'Evry-Val-d'Essonne ne pouvait être engagée ;
- les agissements du président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, ayant entraîné une dégradation de sa santé physique et mentale, sont constitutifs d'un harcèlement moral ;
- le préjudice moral qu'elle a subi du fait de ce harcèlement moral doit être évalué à la somme de 120 000 euros ;
- les mesures prises par l'université d'Evry-Val-d'Essonne faisant suite à son opposition à ce que les recherches du laboratoire d'unité de biologie intégrative des adaptations à l'exercice (UBIAE) soient orientées vers la génétique du sport revêtent le caractère de sanctions déguisées ;
- les sanctions déguisées qui lui ont été illégalement infligées sont de nature à engager la responsabilité pour faute de l'université d'Evry-Val-d'Essonne et lui ont causé un préjudice professionnel qui doit être indemnisé à hauteur de 150 000 euros ainsi qu'un préjudice moral, du fait de leur caractère vexatoire, qui doit être indemnisé à hauteur de 50 000 euros ;
- la responsabilité pour faute de l'université d'Evry-Val-d'Essonne est engagée à raison de l'absence de mesures prises pour mettre un terme aux agissements dont elle a été victime ;
- la carence fautive de l'université d'Evry-Val-d'Essonne lui a causé un préjudice moral qui doit être évalué à hauteur de 50 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2024, l'université d'Evry-Val-d'Essonne, représentée par le cabinet SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement est infondé ;
- les conclusions indemnitaires de Mme A... fondées sur le préjudice qu'elle aurait subi à la suite des fautes de l'université relatives à l'arrêté de suspension du 17 juillet 2020, aux heures d'enseignement accordées à Mme A... pour les années universitaires 2020-2021 et 2021-2022 et aux conditions de travail dans lesquelles Mme A... a été accueillie lors de sa reprise d'activité à la rentrée universitaire 2021-2022 sont irrecevables dès lors que le contentieux n'a pas été lié, en méconnaissance de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;
- les agissements de l'université rapportés par Mme A... ne relèvent pas de sanctions déguisées ;
- ils ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence de harcèlement moral ;
- l'université d'Evry-Val-d'Essonne a accordé à Mme A... la protection fonctionnelle lorsqu'elle a déclaré être victime de harcèlement moral ;
- Mme A... n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère certain des préjudices dont elle demande réparation ;
- le montant de l'indemnisation demandée doit être ramené à de plus justes proportions.
Par une ordonnance du 23 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Laffargue, de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, pour Mme A... et de Me Croizier, de la SCP Piwnica et Molinié, pour l'université d'Evry-Val-d'Essonne.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., professeure des universités de classe exceptionnelle affectée à l'université d'Evry-Val-d'Essonne était chargée d'enseigner au sein du master de recherche " Biologie Intégrative des Adaptations à l'Exercice ", dont elle a été à l'initiative en 2002 et qui est rattaché à l'unité de formation et de recherche (UFR) des sciences fondamentales appliquées (SFA) au sein du département " Sciences et techniques des activités physiques et sportives " (STAPS) de l'université d'Evry-Val-d'Essonne. Dans le cadre de sa mission de recherche, elle dirigeait également le laboratoire d'Unité de Biologie Intégrative des Adaptations à l'Exercice (UBIAE) qu'elle a créé en 2007. S'estimant victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part du nouveau président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, en fonction depuis 2015, et de mesures revêtant le caractère de sanctions disciplinaires déguisées, Mme A... a adressé une demande indemnitaire préalable d'un montant de 370 000 euros le 23 avril 2020 au président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, qui a été implicitement rejetée.
2. Mme A... relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université d'Evry-Val-d'Essonne à l'indemniser des préjudices subis résultant du harcèlement moral et des sanctions déguisées dont elle estime avoir été victime et de la carence fautive de l'université à prendre des mesures pour mettre fin à ces agissements.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement a été signée par le rapporteur, le président de la formation de jugement et le greffier d'audience, conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n'aurait pas été signé doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative, " les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient Mme A..., les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés dans sa demande, et notamment à la circonstance que les agissements de l'université auraient constitué des mesures de représailles en réponse à son refus de mener des études sur la génétique du sport. Par ailleurs, les premiers juges ont répondu de manière suffisante, aux points 5 à 12 et 17 du jugement attaqué, aux moyens tirés de ce que le président de l'université aurait commis des actes qualifiables de harcèlement moral ou des agissements excédant le cadre normal du pouvoir d'organisation du service. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.
5. En troisième lieu, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de l'erreur de droit, de l'erreur de qualification juridique et de l'inexactitude matérielle des faits dont les premiers juges auraient, selon Mme A..., entaché le jugement attaqué se rattachent au seul bien-fondé de ce jugement et demeurent sans incidence sur sa régularité.
Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la décision de suspension :
6. La demande indemnitaire formée par Mme A... le 23 avril 2020 tendait à la réparation du préjudice lié au harcèlement moral, du préjudice professionnel, du préjudice lié à la carence de l'université et de celui lié au caractère vexatoire des mesures infligées. Or, Mme A... présente aussi en appel des conclusions indemnitaires fondées sur le préjudice subi en raison de la prise d'un arrêté de suspension de fonctions le 17 juillet 2020 qui reposent sur un fait générateur distinct de ceux évoqués dans sa lettre du 23 avril 2020, de sorte que le contentieux ne peut regardé comme ayant été lié sur ce point et que ces conclusions indemnitaires doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les autres conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le harcèlement moral :
7. Aux termes de l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique, " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".
8. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent, auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements, et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
9. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
10. En premier lieu, il n'est pas contesté que les unités de recherche de l'université, comprenant le laboratoire UBIAE dirigé par Mme A..., font l'objet, à l'issue de chaque période quinquennale, d'une évaluation par le Haut Conseil de l'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur (HCERES) et que leur reconduction n'est pas automatique. Il appartient aux chercheurs de présenter une auto-évaluation présentant les projets et les résultats de l'unité de recherche, tel que cela est stipulé dans le référentiel d'évaluation des unités de recherche du HCERES. Dans le cadre d'un nouveau contrat quinquennal avec l'Etat pour la période 2020-2024, le conseil d'administration de l'université d'Evry-Val-d'Essonne a approuvé le 30 janvier 2018 la liste des unités de recherche soumises à l'évaluation du HCERES, dont le laboratoire UBIAE ne fait pas partie. Si Mme A... affirme qu'elle a bien transmis le projet de reconduction du laboratoire par un courriel du 6 novembre 2017 intitulé " évaluations HCERES 2017-2018 " adressé à la commission recherche de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, ce seul mail, dont la pièce jointe ne comprend en une ligne que les effectifs et le label du laboratoire, ne constitue aucunement une évaluation et un projet de recherche pour la nouvelle période quinquennale de sorte qu'il n'est pas établi que les documents nécessaires à la reconduction du laboratoire ont bien été transmis avant la décision du conseil d'administration. La non-reconduction de l'unité de recherche à l'expiration du contrat quinquennal est donc ici justifiée par des considérations étrangères à tout harcèlement. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme A..., sa démission, en date du 21 février 2018, n'a pas pu avoir d'effet sur la décision de refus de reconduction du laboratoire, celle-ci étant postérieure à la décision du conseil d'administration du 30 janvier 2018 fixant la liste des unités de recherche soumises à l'évaluation du HCERES. Si la requérante fait également valoir qu'elle a été évincée du projet de création du nouveau laboratoire de biologie de l'exercice pour la performance et la santé (LBEPS), unité de recherche qui faisait partie de la liste transmise au HCERES, elle se borne à produire en ce sens le témoignage d'une collègue indiquant que Mme A... n'a pas été conviée à la réunion du 13 février 2018 portant sur le projet scientifique du nouveau laboratoire LBEPS. Cette réunion n'ayant pas pour objet le laboratoire UBIAE et les directeurs des unités de recherche étant libres de choisir les membres de leur équipe, le seul fait de ne pas y convier Mme A... ne peut être retenu comme une preuve de l'existence d'un harcèlement moral.
11. En deuxième lieu, la requérante soutient que le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne aurait tenté de lui nuire en retardant volontairement la signature de sa convention d'accueil au sein du laboratoire I3SP de l'université Paris-Descartes. Il ressort des courriels versés au dossier que la convention d'accueil a été signée par le président de l'université Paris-Descartes fin juin 2019 et transmise au président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne début juillet 2019 mais qu'au 1er septembre 2019, ce dernier ne l'avait toujours pas signée. L'université d'Evry-Val-d'Essonne fait valoir, sans que cela ne soit sérieusement contesté, que Mme A... n'a pas respecté la procédure habituelle pour ce type de convention d'accueil, celle-ci devant être soumise au président par la direction de recherche afin de s'assurer au préalable de la pertinence du projet de recherche et de sa compatibilité avec l'orientation scientifique de l'université. Par ailleurs, l'université fait valoir que le délai de signature se justifie également par un besoin d'obtenir des précisions, préalablement à la signature, sur les modalités d'exécution de la convention, notamment sur le paiement du traitement de Mme A... ce que cette dernière conteste en produisant au dossier une convention d'accueil de collaborateur bénévole occasionnel au sein de l'université Paris-Descartes, affirmant que ce document comprenait toutes les informations nécessaires. Cependant, ce document n'a pas pour objet l'intégration de Mme A... au sein du laboratoire I3SP mais est uniquement relatif à une intervention bénévole prévue le 4 juin 2019 de 14h à 18h au sein de l'université Paris-Descartes. Dans ces conditions et compte tenu de la période estivale, le délai de signature de la convention d'accueil n'a pas revêtu un caractère excessif et ne laisse pas présumer l'existence de harcèlement moral à l'encontre de Mme A....
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, " Les professeurs des universités ont, dans les enseignements auxquels ils participent, la responsabilité principale de la préparation des programmes, de l'orientation des étudiants, de la coordination des équipes pédagogiques. Ils assurent leur service d'enseignement en présence des étudiants sous forme de cours, de travaux dirigés ou de travaux pratiques. Ils ont une vocation prioritaire à assurer ce service sous forme de cours. Ils assurent la direction des travaux de recherche menés dans l'établissement, concurremment avec les autres enseignants ou chercheurs habilités à diriger ces travaux ".
13. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 7 et 9 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que la suppression du master " Biologie intégrative des adaptations à l'exercice " et l'attribution de services à Mme A... à compter de la rentrée universitaire 2019 laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral. Par ailleurs, la requérante se borne en appel à produire des lettres recommandées relatives à une demande de cours magistraux pour l'année universitaire 2021-2022 et un tableau individuel de service pour l'année universitaire 2022-2023, qui ne constituent pas des éléments probants au soutien de ses allégations.
14. En quatrième lieu, si Mme A... soutient que le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne aurait entravé l'exercice de ses fonctions d'enseignement, elle se borne à produire, en ce sens, un recours gracieux en date du 24 octobre 2019 dans lequel une de ses étudiantes, dont la thèse est co-dirigée par Mme A... et financée par la société BillaTraining, créée par Mme A..., fait état de ses difficultés pour soutenir sa thèse, les rapporteurs et le jury n'ayant pas encore, à la date du courrier, été officiellement désignés par le président de l'université. Cependant, ce courrier seul ne permet pas d'établir l'existence d'une entrave dans les fonctions d'enseignement de Mme A... par le président de l'université.
15. En cinquième lieu, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne a suspendu par un arrêté du 17 juillet 2020 Mme A... pour une durée de six mois, sans privation de traitement, décision renouvelée pour quatre mois le 20 janvier 2021 puis pour deux mois le 20 mai 2021, dans le cadre d'une procédure disciplinaire engagée le 16 juillet 2020 à la suite d'un courrier du directeur des affaires juridiques et institutionnelles du 10 juillet 2020 informant le président de l'université d'agissements fautifs et de manquements de la part de Mme A.... Si cette décision de suspension a fait l'objet d'une annulation par une décision du Conseil d'Etat du 13 avril 2023, certains des faits reprochés à la requérante n'étaient pas dénués de vraisemblance, notamment l'exercice d'une activité professionnelle personnelle à des fins lucratives, en l'absence de toute autorisation de cumul. Cette pratique, constitutive d'un manquement à ses obligations de fonctionnaire a d'ailleurs fait l'objet d'un blâme par la formation de jugement de la section disciplinaire compétente à l'égard des enseignants chercheurs le 21 juillet 2021. Ainsi, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne n'a pas, en engageant une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme A..., excédé les limites de son pouvoir hiérarchique. En tout état de cause, l'illégalité de la suspension du 17 juillet 2020 n'est pas en soi constitutive à elle-seule d'un fait de harcèlement moral.
16. En sixième lieu, pour établir qu'elle aurait subi des propos humiliants et dégradants de la part du président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, ce qui est contesté par l'administration et par le médecin de prévention de l'université, Mme A... se borne à invoquer d'une part ses propres dires dans le relevé d'observation, d'évènement, d'incident, d'accident, d'amélioration des conditions de travail ou de suggestion du 14 avril 2016 et d'autre part dans le relevé du 10 avril 2016. Les propos que la requérante fait tenir au président de l'université et au médecin de prévention ne sont toutefois pas établis et sont fermement contestés par ces derniers. Mme A... invoque par ailleurs l'attestation d'une de ses collègues selon laquelle, lors d'une réunion le 22 janvier 2018 ayant pour objet le prochain projet quinquennal du laboratoire, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne aurait tenu des propos déplacés à son encontre. Toutefois, à supposer même qu'ils aient été tenus, leur caractère isolé ne permet pas de les considérer comme constitutifs de harcèlement moral.
17. En septième et dernier lieu, Mme A... soutient que lors de sa réintégration à la rentrée universitaire 2021-2022, à la suite de sa suspension, le bureau qui lui a été attribué était indigne de ses fonctions, isolé et dépourvu de chauffage. Il ressort des courriels de février 2022 versés au dossier que le bâtiment était en travaux, que l'installation de chauffage dans l'ensemble des bureaux était prévue et que, à la suite de sa demande du 16 février 2022, un chauffage d'appoint a été fourni dès le lendemain à Mme A.... Par ailleurs, les photographies du bureau en question et du local de sport ne permettent pas de démontrer que le bureau pourrait être considéré comme particulièrement isolé ou indigne. De tels éléments ne sont donc pas de nature à faire supposer des faits de harcèlement.
18. Il résulte de ce qui précède que les agissements dont fait état Mme A... ne peuvent être qualifiés de harcèlement moral.
En ce qui concerne les sanctions déguisées :
19. Une mesure revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.
20. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les mesures évoquées aux points 10 à 18 du présent arrêt ne révèlent pas, dans les conditions dans lesquelles elles sont intervenues, une volonté de l'administration de sanctionner Mme A.... Par suite, alors même qu'elles ont porté atteinte à la situation professionnelle de la requérante, ces mesures ne revêtent pas le caractère de sanctions déguisées.
21. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... à raison du harcèlement moral et des sanctions déguisées dont elle estime avoir été victime doivent être rejetées.
En ce qui concerne la carence fautive de l'université d'Evry-Val-d'Essonne :
22. Il ressort des pièces du dossier que les signalements effectués auprès du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) par Mme A... les 10 et 14 avril 2016 à travers les relevés d'observation, d'évènement, d'incident, d'accident, d'amélioration des conditions de travail ou de suggestion susmentionnés ont fait l'objet d'un examen par le CHSCT le 8 juillet 2016 qui a rappelé que ces propos étaient intolérables et n'avaient pas leur place dans un cadre professionnel. Le CHSCT a également effectué une visite du laboratoire UBIAE et du département STAPS le 15 juin 2018 à la suite du signalement de la mauvaise qualité des rapports sociaux au travail, de la souffrance et de l'insécurité au travail. Par ailleurs, la protection fonctionnelle a bien été accordée à Mme A... le 4 mars 2020 par la directrice générale des services de l'université d'Evry-Val-d'Essonne à la suite de sa demande du 16 décembre 2019. Il ressort de ce courrier et de celui du 2 novembre 2023 que les éventuels frais d'avocats engendrés dans le cadre du contentieux ouvert devant les juridictions judiciaires et administratives par Mme A... devaient être, sous conditions de conclure et de transmettre à l'université une convention d'honoraires, pris en charge par l'université d'Evry-Val-d'Essonne. Mme A... n'apportant pas la preuve de l'existence de cette convention d'honoraires ni de sa transmission aux services de l'université, il ne peut être reproché à l'université d'Evry-Val-d'Essonne de ne pas avoir pris en charge les frais de Mme A..., d'autant plus que les factures versées au dossier ne concernent pas uniquement des frais engendrés dans le cadre de contentieux ouverts devant les juridictions judiciaires et administratives mais également des frais relatifs à la procédure disciplinaire évoquée ci-dessus, qui n'ont pas à être pris en charge par l'université d'Evry-Val-d'Essonne dans le cadre de la protection fonctionnelle. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'université d'Evry-Val-d'Essonne n'a pas fait preuve, à l'égard de Mme A..., d'une carence fautive susceptible d'engager sa responsabilité. Les conclusions indemnitaires de Mme A... tendant à la réparation du préjudice moral résultant de la carence fautive alléguée de l'université d'Evry-Val-d'Essonne doivent être rejetées.
23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
24. Il résulte de tout ce qui précède que l'université d'Evry-Val-d'Essonne n'étant pas la partie perdante, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par l'université d'Evry-Val-d'Essonne et de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à l'université d'Evry-Val-d'Essonne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Essonne et à l'université d'Evry-Val-d'Essonne.
Délibéré après l'audience 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pilven, président,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
Le président-rapporteur,
J-E. PilvenL'assesseur le plus ancien,
T. Ablard
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02077002