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19/12/2024 | FRANCE | N°24VE01625

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 19 décembre 2024, 24VE01625


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions du 13 octobre 2023 par lesquelles le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de trois ans.



Par un jugement n° 2310

724 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions portant obligation de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions du 13 octobre 2023 par lesquelles le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de trois ans.

Par un jugement n° 2310724 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français, a enjoint au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de quatre mois et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2024, M. A..., représenté par Me Papi, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour du 13 octobre 2023 ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- la décision de refus de titre de séjour attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation, la menace à l'ordre public n'étant pas caractérisée en raison du caractère isolé et ancien des faits sur lesquels elle se fonde ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2024, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il maintient ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 17 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bahaj,

- et les observations de Me Papi, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 9 avril 1980 et déclarant être entré en France le 15 octobre 2013, a sollicité le 2 août 2021 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par des décisions du 13 octobre 2023, le préfet de l'Essonne a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de trois ans. Par un jugement du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'ensemble de ces décisions, à l'exception de celle portant refus de titre de séjour. M. A... relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2023 par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ", le juge d'appel doit apprécier la motivation d'un jugement en fonction de l'argumentation plus ou moins détaillée invoquée devant le juge de première instance.

3. Le requérant soutient que les juges de première instance ont insuffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, alors qu'il ressort de ses écritures de première instance que M. A... a présenté, devant le tribunal administratif, une argumentation commune aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, il ressort du point 8 du jugement attaqué qu'avant d'écarter ces deux moyens, le tribunal administratif a, alors même qu'il n'y était pas tenu, pris soin de répondre de manière exhaustive à l'ensemble des arguments invoqués par l'intéressé. Dans ces conditions, il a suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité de ce chef.

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire (...) peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

5. Pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité, le préfet de l'Essonne s'est fondé sur les dispositions précitées de l'article L. 432-1 et a considéré qu'en raison de la condamnation pénale et des trois signalements consignés au fichier de traitement des antécédents judiciaires dont avait fait l'objet l'intéressé, sa présence sur le territoire français constituait une menace à l'ordre public.

6. M. A... soutient que le préfet s'est fondé sur une condamnation pénale unique et donc isolée, qui concernait de plus des faits relativement anciens et qu'ainsi, la menace à l'ordre public ne serait pas caractérisée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé a été définitivement condamné le 9 mars 2018 par le tribunal correctionnel de Versailles pour des faits d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans, commis entre le 17 octobre et le 21 novembre 2015. Placé en détention provisoire le 14 janvier 2016, M. A... a fait l'objet d'une peine de deux ans et six mois d'emprisonnement, avec maintien en détention. Il a également été frappé d'une interdiction d'exercice pendant 10 ans d'une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, peine complémentaire qui prendra fin le 20 mars 2028 en application de l'article 131-29 du code pénal. De plus, le 20 mars 2018 le requérant s'est abstenu, alors qu'il en avait l'obligation en tant que personne enregistrée dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles, de justifier de son adresse ainsi que de déclarer son changement d'adresse aux services de police. Dès lors et en dépit du caractère relativement ancien des faits concernés, compte tenu notamment de la nature et de la gravité de l'infraction pour laquelle il a été condamné, les faits ayant été commis à l'encontre de trois fillettes âgées de 10 et 11 ans, de la sévérité de la peine infligée à l'intéressé, qui n'a d'ailleurs bénéficié d'aucun aménagement par le juge d'application des peines et qui fait toujours l'objet d'une interdiction d'exercice d'une activité quelconque auprès des mineurs, le préfet de l'Essonne a exactement qualifié les faits de l'espèce en estimant que le comportement de M. A... constituait une menace à l'ordre public.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. En l'espèce, M. A... ne démontre pas être entré en France le 15 octobre 2013 comme il le soutient. S'il déclare, sans toutefois l'établir mais sans être contredit sur ce point par le préfet de l'Essonne, s'être maintenu depuis sur le territoire national et justifier ainsi d'une présence de près de dix ans à la date de la décision attaquée, il ressort toutefois du bulletin n° 2 de son casier judiciaire qu'il a passé plus de deux ans et deux mois en détention. Si l'intéressé entend également se prévaloir de l'exercice d'une activité professionnelle, il justifie toutefois avoir travaillé moins d'un mois en 2021, moins de trois mois en 2022 et seulement cinq mois en 2023. De plus, il n'établit toujours pas en appel que son père serait en situation régulière sur le territoire français. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... vit avec une ressortissante française avec laquelle il a eu deux enfants, et qui était enceinte à la date de la décision contestée, sa présence en France constitue toutefois, pour les motifs détaillés au point 6, une menace à l'ordre public. Par suite et dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Essonne n'a pas, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... en application de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi.

9. En troisième lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté, quand bien même M. A... résiderait avec ses trois enfants français et la mère de ces derniers.

11. En quatrième et dernier lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré (...). ". Ces stipulations créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés. Dès lors, le moyen invoqué à ce titre est inopérant et ne peut être accueilli.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2023 par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Bahaj, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

C. BAHAJ

La présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 24VE01625 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE01625
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Charlotte BAHAJ
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : PAPI VIOLAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;24ve01625 ?
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