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19/12/2024 | FRANCE | N°24VE00362

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 19 décembre 2024, 24VE00362


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer le titre de séjour demandé ou de réexaminer sa

demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à interve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer le titre de séjour demandé ou de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2309520 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 21 juin 2023 en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'une année et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2024, Mme B..., représentée par Me Balme Leygues, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer le titre de séjour demandé ou celui auquel elle peut prétendre ou de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire et l'article R. 611-1 du code de justice administrative en ne lui communiquant pas le mémoire en défense du préfet et en se fondant sur ce mémoire ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2024, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la cour de rejeter la requête de Mme B....

Il soutient qu'il s'en remet à ses précédentes écritures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Camenen a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 25 janvier 1999, relève appel du jugement du 11 janvier 2024 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a annulé l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 21 juin 2023 qu'en tant qu'il lui interdit le retour sur le territoire français pour une période d'une année et a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6 (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ". Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, d'un mémoire ou d'une pièce, émanant d'une partie à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production pour déterminer s'il y a lieu de rouvrir l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire et de pouvoir en tenir compte dans le jugement de l'affaire. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le premier mémoire en défense du préfet des Hauts-de-Seine est parvenu au tribunal administratif postérieurement à la clôture d'instruction. Il a été visé sans être ni analysé ni communiqué à Mme B.... Si cette dernière soutient que le tribunal administratif s'est fondé sur des éléments contenus dans ce mémoire en défense, le jugement mentionnant que ses parents et l'un de ses frères sont titulaires d'un certificat de résidence algérien mais que ses autres frères sont en situation irrégulière, ce constat ne ressort ni des écritures du préfet des Hauts-de-Seine, ni des pièces jointes à son mémoire et n'a pu être fait qu'à la lumière des titres de séjour produits par la requérante. Ainsi, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il se serait fondé sur des éléments contenus dans un mémoire en défense qui ne lui a pas été communiqué.

Au fond :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté énonce que Mme B... est célibataire, sans charge de famille en France et qu'elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. Il ajoute qu'elle n'apporte pas la preuve de la réalité de liens personnels et familiaux anciens, stables et intenses et qu'elle ne saurait se prévaloir des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé alors même qu'il ne mentionne pas la présence en France de ses parents et de ses frères.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). ".

6. Mme B... indique être entrée en France en 2018 et a produit quelques justificatifs de présence en France depuis cette époque. Elle travaille à temps partiel en qualité de garde d'enfants ou d'aide-ménagère auprès de trois familles. Elle est hébergée par ses parents, titulaires d'un certificat de résidence en cours de validité, avec ses frères nés en 1997, 2004, 2005 et 2010. Elle fait valoir que deux d'entre eux étaient titulaires d'un certificat de résidence en cours de validité à la date de l'arrêté contesté, les deux autres ayant soit bénéficié d'un récépissé de carte de séjour délivré postérieurement, soit demandé un document de circulation pour étranger mineur. Enfin, Mme B... fait valoir qu'elle est dépourvue d'attache en Algérie depuis le décès de sa grand-mère en 1999. Toutefois, il est constant que Mme B... est célibataire et sans charge de famille et qu'elle a vécu dans son pays d'origine au moins jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. En outre, elle ne justifie pas de liens suffisamment anciens, stables et intenses en France autres que ceux liés à la présence de ses parents et de sa fratrie et ne justifie pas avoir entretenu des liens avec eux lorsqu'elle résidait en Algérie. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de l'âge et des conditions d'entrée et de séjour en France de Mme B..., l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien doivent, par suite, être écartés. Par ailleurs, Mme B..., qui ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions des articles L. 435-1 et L. 435-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de la circulaire du ministre de l'intérieur du 5 février 2024, n'est pas davantage fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle telle que précédemment décrite.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

Le rapporteur,

G. CAMENEN

La présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. MALAGOLILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 24VE00362 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00362
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : BALME LEYGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;24ve00362 ?
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