Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite.
Par un jugement no 2300442 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2023, M. B..., représenté par Me Sidi-Aïssa, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 du préfet des Yvelines ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien ou, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il justifie résider en France depuis plus de dix ans, et a ainsi entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; pour apprécier la condition de résidence, le préfet n'avait pas à examiner les justificatifs de présence au titre de l'année 2011 ; au demeurant, sa présence pour l'ensemble de l'année 2011 est démontrée par les documents produits ; c'est à tort que le jugement attaqué a examiné les justificatifs de présence pour l'année 2018, qui n'était pas contestée par l'administration, alors que les documents produits justifient d'une présence en France ;
- s'agissant de la présence au titre des années 2012 à 2014, le préfet n'a pas examiné les documents transmis à l'appui de sa demande de titre de séjour, qui sont suffisamment probants pour justifier d'une présence pour chacune des années, et a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. de Miguel, rapporteur,
- et les observations de Me Sidi-Aïssa représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant de nationalité algérienne né le 19 juillet 1986, a déclaré être entré en France le 1er avril 2011. Il a sollicité le 7 juillet 2022 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 13 décembre 2022, le préfet des Yvelines a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français. M. B... fait appel du jugement du 11 avril 2023, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ". Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B..., le préfet des Yvelines a considéré qu'il n'établissait pas le caractère habituel de sa présence en France pour les années 2011 à 2014, ce qui a été confirmé par les premiers juges qui ont en outre, considéré que cette présence n'était pas davantage établie pour l'année 2018.
3. Pour justifier de sa résidence habituelle en France à compter du second semestre 2011 puis pour chacune des années 2012 à 2014 inclus, seules contestées par le préfet des Yvelines, M. B... produit de nombreuses pièces, principalement des documents médicaux, notamment des ordonnances émanant de différents médecins, mais également des courriers et attestations de l'assurance maladie, des courriers de renouvellement de l'aide médicale de l'État, de nombreux relevés bancaires, des courriers de Pôle Emploi, des billets de trains ainsi qu'une attestation de travail bénévole auprès d'une association entre mars 2013 et octobre 2014. Eu égard à leur nombre et à leur nature, ces éléments sont suffisamment probants pour établir la résidence habituelle de M. B... sur le territoire français à partir du second semestre 2011 puis en 2012, 2013 et 2014. De plus, pour ce qui concerne l'année 2018, non contestée par le préfet, si les pièces produites sont moins nombreuses, elles constituent néanmoins avec celles correspondant aux années 2012 à 2017 puis 2019 à 2022, un ensemble d'éléments cohérents de justification attestant, de manière suffisamment probante, de l'ancienneté et de la continuité de la présence de l'intéressé sur le territoire français, en particulier les documents relatifs au dépôt d'une demande de titre de séjour en septembre 2018. Par suite, eu égard à la nature des documents produits, à leur valeur probante et à leur cohérence d'ensemble, M. B... doit être regardé comme justifiant de la continuité de sa présence en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2022 du préfet des Yvelines lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, de celles du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. /La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Le présent arrêt, qui annule le refus de titre de séjour opposé à M. B... implique nécessairement, eu égard à ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet des Yvelines de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2300442 du tribunal administratif de Versailles du 11 avril 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Yvelines du 13 décembre 2022 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à M. B... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Danielian, présidente,
M. de Miguel, premier conseiller.
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
F-X de MiguelLa présidente,
I. Danielian
La greffière,
T. Tollim
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01003 2