Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2302193 du 21 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et renvoyé à la formation collégiale du tribunal les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Fallourd, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; étant donné l'ancienneté de ses condamnations, il a fait l'objet d'une réhabilitation de plein droit ; la consultation des antécédents judiciaires ne constitue pas un élément suffisant pour retenir la menace à l'ordre public ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme a été méconnu ainsi que l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il établit contribuer à l'éducation et à l'entretien de son fils français ;
- il participe à l'entretien et à l'éducation de ses enfants nés d'une relation avec une ressortissante marocaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 28 mai 1986, est entré en France le 7 juillet 2014 muni d'un visa en qualité de conjoint de Français. Il a bénéficié de cartes de séjour temporaire régulièrement renouvelées en cette qualité. Il a ensuite fait l'objet d'un arrêté portant retrait de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français édicté le 1er mars 2019. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, né de sa relation avec une autre ressortissante française. Par arrêté du 24 mai 2023, le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté cette demande au motif principal qu'il représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public et au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'il contribuait effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant. Cette décision a été assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Par jugement du 21 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et renvoyé à la formation collégiale du tribunal les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite.
2. M. B... doit être regardé, en soulevant des moyens dirigés à l'encontre du refus du titre de séjour, comme excipant de l'illégalité de cette décision.
3. M. B... soutient que le motif retenu par le préfet d'Eure-et-Loir tiré de ce qu'il présenterait une menace à l'ordre public doit être écarté dès lors qu'il a fait l'objet d'une réhabilitation de plein droit en application des dispositions de l'article L. 133-13 du code pénal. Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet tienne compte des faits ayant donné lieu à condamnation ainsi que de l'ensemble de ses antécédents judiciaires pour prendre une décision de refus de titre de séjour.
4. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Et aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est le père d'un enfant français, né le 14 juillet 2021 d'une relation avec une ressortissante française. S'il soutient participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant français, il n'apporte comme justificatifs qu'une attestation de la mère de l'enfant déclarant qu'il verse une pension alimentaire et rend visite à son fils lorsqu'elle passe en Eure-et-Loir et qu'ils s'adressent des messages par téléphone et se borne à produire quatre versements pour les mois de mars 2022, avril, mai et juin 2023 ainsi que quelques factures d'achat qui n'ont pas un caractère suffisamment probant. En outre, il n'est pas contesté qu'il est entré sur le territoire français en qualité de conjoint de Français, lui permettant de bénéficier d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " le 16 juillet 2015, alors que son épouse a déposé plainte pour mariage frauduleux le 11 juillet 2014 et qu'il ressort de l'enquête de communauté de vie menée par le commissariat de police de Chartres en 2018 qu'il entretenait par ailleurs une vie conjugale avec une ressortissante marocaine en situation irrégulière avec laquelle il avait eu un enfant né en 2015 puis un autre en 2018. Il fait état dans ses écritures d'un jugement du 15 novembre 2022 du juge aux affaires familiales de Lille fixant un droit de visite et d'hébergement ainsi qu'une contribution à l'entretien de ses deux enfants et se prévaut dans le même temps d'une convention parentale passée avec la mère de son enfant français pour organiser l'autorité parentale du 16 septembre 2023, postérieure à la décision attaquée. Par ailleurs, il a été condamné le 15 mai 2017 par le tribunal correctionnel de Bobigny à une peine de trois mois d'emprisonnement pour propositions contre rémunération de désignation comme conducteur du véhicule à l'auteur d'une contravention entrainant retrait de point du permis de conduire et condamné le 1er juin 2018 par le tribunal de grande instance de Chartres à la peine de 300 euros d'amende pour conduite le 22 janvier 2018 d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. Il a aussi fait l'objet de 33 signalements auprès du fichier du traitement des antécédents judiciaires pour des faits de dénonciation calomnieuse ou proposition contre rémunération de désignation de conducteur de véhicule à l'auteur d'une contravention contre rémunération entre septembre 2013 et juillet 2016. Il ressort de l'ensemble de ces faits que M. B... n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour établir, à la date de la décision attaquée, qu'il s'occupait de son fils français résidant à Planches dans l'Orne et dans le même temps de ses deux enfants résidant avec leur mère d'origine marocaine à Saint Denis de Pile en Gironde alors que le requérant réside, en tant que célibataire, à Lucé en Eure-et-Loir et qu'il a un comportement que le préfet a pu regarder comme constituant une menace à l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M. B... se prévaut de ses liens à la fois avec son fils né d'une relation avec une ressortissante française et avec ses deux enfants nés d'une relation avec une ressortissante marocaine, par ailleurs en situation irrégulière, il n'apporte pas d'éléments suffisamment probants, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif d'Orléans, pour établir qu'il participerait de façon effective à l'éducation et à l'entretien de ses enfants et alors au demeurant qu'il est entré sur le territoire français à la suite d'un mariage frauduleux. Il n'établit ainsi pas que la décision d'obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2023 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles à fin de prise en charge de ses dépens doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
Le rapporteur,
J-E. PilvenLe président,
F. EtienvreLa greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01607 2