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17/12/2024 | FRANCE | N°23VE00837

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 17 décembre 2024, 23VE00837


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. I... H... a demandé au tribunal administratif de Versailles :

- sous le n° 2008182, d'annuler la décision du 12 octobre 2020 par laquelle le centre national de la recherche scientifique (CNRS) a rejeté sa demande indemnitaire préalable du 18 août 2020, de condamner le CNRS à lui verser la somme de 18 644,50 euros au titre du préjudice financier subi du fait de son licenciement injustifié, la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi, la s

omme de 3 728,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H... a demandé au tribunal administratif de Versailles :

- sous le n° 2008182, d'annuler la décision du 12 octobre 2020 par laquelle le centre national de la recherche scientifique (CNRS) a rejeté sa demande indemnitaire préalable du 18 août 2020, de condamner le CNRS à lui verser la somme de 18 644,50 euros au titre du préjudice financier subi du fait de son licenciement injustifié, la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi, la somme de 3 728,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents qu'il aurait dû percevoir, la somme de 5 000 euros au titre de sa perte de chance, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre du harcèlement moral dont il a été victime, et de mettre à la charge du CNRS la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 2101073, d'annuler la décision implicite par laquelle l'université Paris-Saclay a rejeté sa demande indemnitaire préalable du 27 novembre 2020, reçue le 30 novembre suivant, de condamner l'université Paris-Saclay à lui verser la somme de 18 644,50 euros au titre du préjudice financier subi du fait de son licenciement injustifié, la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de sa perte de chance, et de mettre à la charge de l'université Paris-Saclay la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 2008182-2101073 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les demandes de M. H... et les conclusions présentées par l'université Paris-Saclay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 20 avril 2023, 28 août 2023 et 19 novembre 2024, M. H..., représenté par Me Monteille, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du CNRS du 12 octobre 2020 et la décision implicite de rejet de l'université Paris-Saclay ;

3°) de condamner solidairement le CNRS et l'université Paris-Saclay à lui verser la somme de 18 644,50 euros au titre de son préjudice financier résultant de son licenciement injustifié, la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, la somme de 3 389,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 338,95 euros au titre des congés payés, la somme de 5 000 euros au titre de sa perte de chance, et la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice résultant du harcèlement moral dont il a été victime ;

4°) de mettre à la charge du CNRS et de l'université Paris-Saclay la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis des erreurs d'appréciation ;

- la décision de refus de réinscription pour une troisième année de thèse est insuffisamment motivée, dès lors que si elle mentionne de " graves inquiétudes " concernant la préparation de sa thèse, elle ne précise pas la nature de ces inquiétudes ;

- les obligations fixées par la convention de thèse n'ont pas été respectées, dès lors que M. D..., qui n'était pas titulaire d'une habilitation à diriger des recherches, ne disposait pas des qualifications requises pour exercer les fonctions de directeur de thèse ; il a d'ailleurs obtenu une autorisation dérogatoire le 23 octobre 2017 pour diriger ses recherches ; l'université n'établit pas à cet égard que M. D... aurait respecté son obligation de soutenir une habilitation à diriger des recherches, condition de cette dérogation ; il s'est montré humiliant et inefficace, ce qui a particulièrement affecté son état de santé ; il lui a adressé des injonctions contradictoires, rendant son travail extrêmement difficile et pesant ; M. D... s'est totalement désintéressé de sa thèse à partir de juin 2019 ;

- malgré ses alertes auprès du CNRS et de l'université Paris-Saclay et sa demande tendant à changer de directeur de thèse, aucune mesure n'a été prise ;

- il n'a été destinataire du " rapport de mi-parcours " que le 25 octobre 2019, soit quatre mois après la réunion au cours de laquelle a été examiné l'état d'avancement de ses travaux, alors que ce document aurait dû lui être adressé dans un délai de quinze jours ;

- la décision de refus de réinscription a été prise sans qu'il soit tenu compte des travaux qu'il a réalisés après le bilan de mi-parcours ;

- le " rapport sur le déroulement de la thèse de I... H... ", rédigé le 6 décembre 2019 par le directeur de l'EC-STCI de l'université Paris-Saclay, n'a pas été établi de façon contradictoire et ne lui a pas été transmis avant la procédure contentieuse ;

- contrairement aux affirmations des premiers juges, il n'a jamais refusé de participer à une réunion de médiation, mais s'est borné à demander des précisions sur la nature et les modalités de cette réunion, qui ne répondait d'ailleurs pas à la définition d'une médiation ;

- il a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont nécessité un suivi psychologique ;

- ces manquements de l'université Paris-Saclay sont constitutifs d'une faute de nature à engager sa responsabilité, lui ont causé un préjudice financier qui doit être réparé à hauteur de la somme de 18 644,50 euros, un préjudice moral pour lequel une somme de 10 000 euros doit lui être versée, et une perte de chance qui doit être réparée à hauteur de la somme de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, le CNRS, représenté par la société d'avocats Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. H... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, l'université Paris-Saclay, représentée par Me Béguin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible de rejeter d'office comme irrecevables les conclusions de M. H... tendant au versement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité de congés payés dès lors qu'elles ne présentent pas un caractère indemnitaire et ne sont assorties d'aucun moyen, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 29 novembre 2024, le CNRS a produit des observations en réponse au moyen susceptible d'être relevé d'office qui ont été communiquées aux autres parties.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat ;

- le décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche ;

- l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. H... a été recruté par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à compter du 1er novembre 2017 pour une durée de trois ans en qualité de doctorant contractuel en vue de préparer une thèse de doctorat portant sur " l'enrichissement automatique des scripts de séries TV " au sein du laboratoire d'informatique pour la mécanique et les sciences de l'ingénieur (LIMSI - UPR3251) de l'université Paris-Saclay. Aux termes de l'article premier de ce contrat, M. H... était placé sous l'autorité hiérarchique de M. J... A..., directeur du laboratoire et sous la direction de M. C... D... s'agissant du suivi de la préparation de sa thèse. Une convention de thèse, " destinée à formaliser les responsabilités des différents intervenants afin de contribuer au bon déroulement de la thèse et à la qualité du travail de recherche effectué ", a été signée par MM. H..., D... et A.... Par un avenant du 29 août 2018, le contrat de travail de M. H... a été prolongé pour une durée d'un an à compter du 1er janvier 2018 et sa rémunération mensuelle brute, initialement fixée à 1 768,55 euros, a été portée à 1 989,40 euros à compter de la même date. Par un courriel du 18 octobre 2019, le directeur de thèse de M. H... a informé ce dernier que conformément aux conclusions du " rapport de suivi à mi-parcours " et à ce qui lui avait été indiqué oralement à plusieurs reprises, il n'autoriserait pas sa réinscription pour une troisième année de thèse. Par un courrier daté du 25 novembre 2019, M. B... E..., directeur de l'école doctorale des sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC) de l'université Paris-Saclay a informé M. H... qu'il ne proposerait pas sa réinscription en thèse au titre de l'année universitaire 2019-2020. Par un courrier du 20 décembre 2019, remis en main propre le même jour, la déléguée Ile-de-France Gif-sur-Yvette du CNRS a informé M. H... qu'en application de l'article 3 du décret n° 2009-464 du 23 avril 2009, il était mis fin à son contrat à compter du 21 février 2020. Par un courrier du 18 août 2020, M. H... a demandé au CNRS l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de son licenciement injustifié, de l'encadrement défaillant de son directeur de thèse et du harcèlement moral dont il aurait été victime. Cette demande a été rejetée par une décision du CNRS du 12 octobre 2020. Par un courrier du 27 novembre 2020, reçu le 30 novembre suivant, M. H... a demandé à l'université Paris-Saclay l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du non-renouvellement de son inscription pour une troisième année de thèse et du harcèlement moral dont il aurait été victime. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet, née le 30 janvier 2021. M. H... relève appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre le CNRS et l'université Paris-Saclay.

Sur la recevabilité de certaines conclusions présentées en appel par M. H... :

2. En premier lieu, les décisions par lesquelles le CNRS et l'université Paris-Saclay ont rejeté les réclamations préalables présentées par M. H... ont eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet des demandes du requérant qui, en formulant les conclusions analysées au point précédent, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir les sommes qu'il réclame, les vices propres dont seraient, le cas échéant, entachées les décisions qui ont lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

4. La requête de M. H... tend à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de son licenciement à compter du 21 février 2020. A cet égard, les conclusions de M. H... tendant au versement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité de congés payés ne présentent pas un caractère indemnitaire et sont irrecevables dès lors qu'elles ne sont assorties d'aucun moyen, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, elles doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne la responsabilité de l'université Paris-Saclay :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat, dans sa version applicable en l'espèce : " (...) L'inscription est renouvelée au début de chaque année universitaire par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse et, à partir de la troisième inscription, du comité de suivi individuel du doctorant. En cas de non-renouvellement envisagé, après avis du directeur de thèse, l'avis motivé est notifié au doctorant par le directeur de l'école doctorale. Un deuxième avis peut être demandé par le doctorant auprès de la commission recherche du conseil académique ou de l'instance qui en tient lieu, dans l'établissement concerné. La décision de non-renouvellement est prise par le chef d'établissement, qui notifie celle-ci au doctorant. (...) ".

6. Ainsi qu'il a été dit, par un courrier daté du 25 novembre 2019, M. B... E..., directeur de l'école doctorale des sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC) de l'université Paris-Saclay a informé M. H... qu'il ne proposait pas sa réinscription en thèse au titre de l'année universitaire 2019-2020, au motif que " l'école doctorale STIC a pris connaissance du rapport à mi-parcours rédigé par le comité de suivi ", que " de graves inquiétudes y étaient exprimées, inquiétudes partagées par vos encadrants ", que " les discussions qui ont suivi lors de la procédure de médiation n'ont pas permis de lever ces inquiétudes " et que l'intéressé a par ailleurs " refusé de se présenter à la dernière réunion de médiation ". En outre, et comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que le rapport de " suivi mi-parcours " du comité d'évaluation du 28 juin 2019, mentionné dans le courrier du 25 novembre 2019, a été communiqué par courriel à l'intéressé le 25 octobre 2019. Dans ces conditions, et alors que le rapport de " suivi mi-parcours " du comité d'évaluation est circonstancié, M. H... n'est pas fondé à soutenir que le courrier du 25 novembre 2019 serait insuffisamment motivé en ce qu'il ne préciserait pas la nature des inquiétudes exprimées par ses encadrants. Par suite, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

7. En deuxième lieu, si M. H... soutient qu'il n'a été destinataire du rapport de " suivi mi-parcours " du comité d'évaluation que le 25 octobre 2019, soit quatre mois après la réunion au cours de laquelle a été examiné l'état d'avancement de ses travaux, alors que ce document aurait dû lui être adressé dans un délai de quinze jours, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que l'université Paris-Saclay aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 25 mai 2016, dans sa version applicable : " Le doctorant est placé sous le contrôle et la responsabilité d'un directeur de thèse. La direction scientifique du projet doctoral peut être éventuellement assurée conjointement avec un codirecteur. (...) Les fonctions de directeur ou de codirecteur de thèse peuvent être exercées : 1° Par les professeurs et personnels assimilés au sens de l'article 6 du décret n° 92-70 relatif au Conseil national des universités et de l'article 5 du décret n° 87-31pour les disciplines de santé, ou par des enseignants de rang équivalent qui ne relèvent pas du ministère de l'enseignement supérieur, par les personnels des établissements d'enseignement supérieur, des organismes publics de recherche et des fondations de recherche, titulaires d'une habilitation à diriger des recherches ; 2° Par d'autres personnalités, titulaires d'un doctorat, choisies en raison de leur compétence scientifique par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale et après avis de la commission de la recherche du conseil académique ou de l'instance en tenant lieu dans l'établissement d'inscription. (...) ".

9. M. H... soutient que son directeur de thèse, M. D..., qui n'était pas titulaire d'une habilitation à diriger des recherches (HDR), ne disposait pas des qualifications requises pour exercer les fonctions de directeur de thèse. Toutefois, il résulte de l'instruction que, par une décision du 23 octobre 2017, le président de l'université Paris-Saclay a accordé à M. D..., après un avis favorable de la commission spécialisée du conseil académique du 10 octobre 2017, une autorisation dérogatoire lui permettant de diriger un(e) doctorant(e) au sein de l'école doctorale des STIC, en application des dispositions précitées du 2° de l'article 16 de l'arrêté du 25 mai 2016. S'il est vrai, comme le soutient M. H..., que cette autorisation imposait par ailleurs à M. D... de " soutenir une habilitation à diriger des recherches avant la fin de la préparation de la thèse pour laquelle la dérogation a été demandée ", il est en tout état de cause constant que la préparation de la thèse du requérant a été interrompue avant son terme, empêchant ainsi M. D... de respecter cette obligation. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 25 mai 2016, dans sa version applicable : " (...) Lors de l'inscription annuelle en doctorat, le directeur de l'école doctorale vérifie que les conditions scientifiques, matérielles et financières sont assurées pour garantir le bon déroulement des travaux de recherche du doctorant et de préparation de la thèse. Durant le déroulement de ses travaux de recherche, le doctorant est intégré à l'unité ou à l'équipe de recherche qui l'accueille et qui contribue à son accompagnement pendant sa formation. Ses travaux sont valorisés dans ce cadre ".

11. M. H... soutient que son directeur de thèse s'est montré humiliant et inefficace, ce qui aurait particulièrement affecté son état de santé, qu'il lui a adressé des injonctions contradictoires, rendant son travail extrêmement difficile et pesant, que M. D... s'est totalement désintéressé de sa thèse à partir de juin 2019, et que malgré ses alertes auprès du CNRS et de l'université Paris-Saclay et sa demande tendant à changer de directeur de thèse, aucune mesure n'a été prise. Toutefois, d'une part, le requérant ne produit aucun élément laissant supposer que M. D... aurait eu à son égard un comportement inapproprié, de nature à altérer sa santé, et qu'il aurait été défaillant dans l'exercice de ses fonctions de directeur de thèse. D'autre part, et comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que M. H..., qui a débuté la préparation de sa thèse le 1er novembre 2017, a rapidement rencontré des difficultés qui ont nécessité la mise en place d'un suivi renforcé par son directeur de thèse et Mme G... L..., co-encadrante. A cet égard, les deux experts du comité d'évaluation de l'école doctorale des STIC, M. K... et Mme F..., ont considéré, dans leur rapport de " suivi mi-parcours " du 28 juin 2019, que si l'intéressé " a abordé plusieurs notions, qui toutes sont intéressantes, il manque un fil conducteur et un réel apport pour que l'on voit se dégager une thèse qui pourrait être soutenue dans un avenir raisonnable ", que " le cœur scientifique de la thèse, et la contribution du doctorant au projet général ne sont pas, à ce stade, suffisamment clairs, et la présentation qu'il en fait ne permet pas d'éclaircir ces points ", que " ceci est aussi reflété par la faiblesse de la production scientifique ", constituée d'une seule publication, que le travail réalisé depuis le début de sa thèse " s'apparente plus à un état de l'art et à la présentation des travaux sur lesquels il s'appuie ou compte s'appuyer ", qu'" à ce stade, les rapporteurs tiennent à exprimer leur forte inquiétude par rapport à la réalité d'une soutenance dans un avenir raisonnable " et que " le doctorant doit vraiment se poser la question de l'orientation qu'il veut prendre pour son avenir, étant donné les inquiétudes qui ont été soulevées, tant de la part des encadrants que des rapporteurs ". L'appréciation circonstanciée ainsi portée par les deux experts du comité d'évaluation est par ailleurs corroborée par la teneur d'un courrier adressé à l'école doctorale le 22 novembre 2019 par M. D... et Mme L..., lesquels indiquent que " dès avril 2018, nous avons fait part à M. I... H... de nos inquiétudes quant à sa capacité à mener un travail de recherche scientifique ", qu'" à deux reprises, en été 2018 puis en automne 2018, nous avons fait appel à la commission doctorants (interne LIMSI) afin de débloquer une situation qui continuait à être problématique : manque d'organisation, difficulté de communication, absence de résultats scientifiques ", qu'" un an après le début de sa thèse, M. I... H... n'était toujours pas en mesure de décrire précisément les verrous scientifiques abordés dans son projet doctoral ", que " vous avions alors mentionné la possibilité d'un arrêt anticipé de la thèse er fixé le suivi approfondi à mi-parcours comme une échéance permettant à M. I... H... de convaincre du bien-fondé d'une inscription en troisième année ", que " malheureusement le rapport négatif du suivi approfondi à mi-parcours a confirmé nos doutes et préconisé un arrêt anticipé de la thèse de doctorat ", et que " pour ces raisons, nous ne souhaitons pas continuer à diriger M. I... H... ". Si le requérant conteste par ailleurs le contenu d'un " rapport sur le déroulement de la thèse de M. I... H... ", et fait valoir que ce document n'a pas été établi de façon contradictoire et ne lui pas été transmis avant la procédure contentieuse, ce rapport, daté du 6 décembre 2019, est en tout état de cause postérieur au courrier du 25 novembre 2019 par lequel le directeur de l'école doctorale l'a informé qu'il ne proposait pas sa réinscription en thèse au titre de l'année universitaire 2019-2020. Il résulte également de l'instruction qu'il a été proposé en septembre 2019 à M. H... d'engager la procédure de conciliation prévue par le règlement intérieur de l'école doctorale et que celui-ci n'a pas souhaité participer à la réunion de conciliation prévue le 21 septembre 2019. Enfin, si le requérant fait valoir qu'il a tenu compte des conseils qui lui ont été prodigués lors du bilan de mi-parcours, cette allégation n'est pas corroborée par les autres pièces versées au dossier. Dans ces conditions, et alors que le requérant ne conteste pas sérieusement la teneur des appréciations portées sur l'état d'avancement et la qualité de ses travaux, exposées ci-dessus, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été victime, durant la préparation de sa thèse, d'un défaut d'encadrement de la part de son directeur de thèse et d'une absence de soutien de la part de l'université Paris-Saclay. Par suite, M. H... n'est pas fondé à soutenir que le directeur de l'école doctorale des STIC de l'université Paris-Saclay aurait commis une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement en refusant de proposer sa réinscription en thèse au titre de l'année universitaire 2019-2020.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

13. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

14. Si M. H... soutient qu'il a été victime, durant la préparation de sa thèse, d'un défaut d'encadrement de la part de son directeur de thèse et d'une absence de soutien de la part de l'université Paris-Saclay, ces allégations ne sont pas établies par les pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt. En outre, il ne produit aucun élément de nature à faire présumer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que l'université Paris-Saclay aurait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. H... dirigées contre l'université Paris-Saclay doivent être rejetées.

En ce qui concerne la responsabilité du CNRS :

16. Aux termes de l'article 3 du décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche, alors applicable : " Le président ou le directeur de l'établissement recrute le doctorant contractuel par contrat d'une durée de trois ans, sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse et du directeur de l'unité ou équipe de recherche concernée. Le contrat doctoral est écrit, il précise sa date d'effet, son échéance et les activités confiées au doctorant contractuel prévues à l'article 5. La nature et la durée de ces activités peuvent être modifiées chaque année par avenant, après avis du directeur de l'école doctorale et du directeur de thèse. Il prend effet dans l'année qui suit la première inscription en doctorat, sauf dérogation accordée par le conseil académique ou, dans les établissements non dotés d'un conseil académique, par le conseil scientifique de l'établissement employeur ou par l'organe en tenant lieu, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés. (...) Si l'inscription en doctorat n'est pas renouvelée, il est mis fin de plein droit au contrat de doctorant contractuel. Dans l'hypothèse où ce non-renouvellement est à l'initiative de l'établissement, la rupture du contrat s'effectue dans les conditions et avec les indemnités prévues au chapitre II du titre XI et au titre XII du décret du 17 janvier 1986 susvisé ".

17. Ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, par un courrier du 20 décembre 2019, remis en main propre le même jour, la déléguée Ile-de-France Gif-sur-Yvette du CNRS a informé M. H... qu'en application des dispositions précitées de l'article 3 du décret n° 2009-464 du 23 avril 2009, il était mis fin à son contrat à compter du 21 février 2020.

18. Si M. H... recherche la responsabilité du CNRS, il n'articule aucun grief précis contre cet établissement. En tout état de cause, à supposer que le requérant ait entendu reprocher au CNRS un défaut d'encadrement de la part de son directeur de thèse, une absence de soutien et des agissements répétés de harcèlement moral, ces griefs doivent être écartés pour les motifs exposés ci-dessus.

19. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de M. H... dirigées contre le CNRS doivent être rejetées.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université Paris-Saclay et du CNRS, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande M. H... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. H... les sommes que demandent le CNRS et l'université Paris-Saclay au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CNRS et l'université Paris-Saclay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... H..., au centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l'université Paris-Saclay.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

Le rapporteur,

T. Ablard

Le président,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00837


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00837
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-02 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement. - Auxiliaires, agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU-LECUYER & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23ve00837 ?
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