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12/12/2024 | FRANCE | N°24VE00588

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 12 décembre 2024, 24VE00588


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 22 août 2023 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2308384 du 2 février 2024, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 22 août 2023 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2308384 du 2 février 2024, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une première requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 4 mars 2024, le 13 mars 2024 et le 20 novembre 2024, sous le numéro 24VE00588, M. A..., représenté par Me Dubreux, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, en tout état de cause, de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de fait ;

- la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour alors qu'il justifie remplir effectivement les conditions de délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant fixation du pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne, qui n'a produit aucun mémoire en défense.

II. Par une seconde requête enregistrée le 12 mars 2024 sous le numéro 24VE00656, M. A..., représenté par Me Dubreux, avocate, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2308384 du 2 février 2024 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, valable jusqu'à l'intervention de l'arrêt de la Cour statuant sur la requête n° 24VE00588 ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il présente à l'appui de cette requête les mêmes moyens que ceux présentés dans sa requête enregistrée sous le numéro 24VE00588.

La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne, qui n'a produit aucun mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubreux pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien, né le 15 mai 1980, déclare être entré en France dans le courant de l'année 2007. Il a obtenu un titre de séjour d'un an dans le cadre d'une admission exceptionnelle par le travail le 11 juin 2021. Il a déposé une demande de renouvellement de ce titre le 15 juin 2022, avec changement de la mention comme " salarié " vers la " vie privée et familiale " en invoquant le bénéfice des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 août 2023, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par la requête enregistrée sous le numéro 24VE00588, M. A... fait appel du jugement du 2 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par la requête enregistrée sous le numéro 24VE00656, il demande le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 24VE00588 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. Il ressort des pièces du dossier, complétées en appel par le requérant, notamment des relevés de compte bancaire, des ordonnances et examens médicaux, des factures, des courriers de l'administration, des contrats de travail et bulletins de salaire, des quittances de loyer ainsi que des pièces relatives à l'aide médicale d'Etat dont il a été bénéficiaire entre le 9 décembre 2009 et le 27 juin 2020, ces éléments étant suffisamment nombreux, probants et diversifiés, que M. A..., justifie du caractère habituel de sa résidence sur le territoire français depuis au moins le mois de décembre 2009, soit plus de 13 ans à la date de l'arrêté attaqué. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... est marié depuis 2014 avec une compatriote, avec laquelle il vit en compagnie de leurs deux enfants, nés en 2015 et 2020, qui sont scolarisés en France, et qu'il contribue effectivement à leur entretien et à leur éducation. L'intéressé justifie par ailleurs avoir travaillé entre le 1er septembre 2013 et le 30 septembre 2021, en qualité de peintre décorateur, au terme de plusieurs contrats à durée indéterminée à temps partiel puis à temps plein, conclus avec la société Ecobat. Il a bénéficié d'une régularisation en obtenant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", d'une durée d'un an, le 11 juin 2021. Il a par ailleurs travaillé, entre le 1er février 2022 et 20 octobre 2023, en qualité de peintre en bâtiment, en vertu d'un contrat à durée indéterminée conclu avec la société N7 Multiservices, laquelle avait sollicité, le 29 décembre 2022, une autorisation de travail à son profit. La société N7 Multiservices a toutefois été contrainte de licencier M. A... à la suite de sa liquidation judiciaire intervenue le 18 septembre 2023. En parallèle avec son activité de peintre en bâtiment, M. A... a entrepris, dès 2022, une reconversion professionnelle pour devenir conducteur de taxi. Après avoir obtenu, en décembre 2022, une attestation d'aptitude professionnelle, l'intéressé s'est vu délivrer par la préfecture de police de Paris, le 23 juin 2023, un agrément et une carte professionnelle l'autorisant à exercer cette activité. Il ressort enfin des pièces du dossier que M. A... justifie avoir participé avec assiduité et sérieux aux journées de formation civique, conformément à l'engament pris lors de la signature, le 29 avril 2021, de son contrat d'intégration républicaine et qu'il a été dispensé du suivi de la formation linguistique après avoir satisfait aux épreuves du test de connaissances en langue française. Dans ces conditions, compte tenu notamment de l'ancienneté de son séjour en France, de son intégration professionnelle ancienne et significative, de l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, et nonobstant la circonstance que son épouse et ses enfants ne disposent d'aucun droit au séjour sur le territoire et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en refusant de renouveler son titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que M. A..., est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. M. A... est dès lors fondé à obtenir l'annulation de ce jugement ainsi que de l'arrêté du 22 août 2023 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé le renouvellement de son titre de séjour et, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Sur la requête n° 24VE00656 :

5. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2308384 du 2 février 2024, les conclusions de la requête n° 24VE00656 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative compétente délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de délivrer à l'intéressé ce titre de séjour, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2308384 du 2 février 2024 et l'arrêté du préfet de l'Essonne du 22 août 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il n'a plus lieu de statuer sur la requête n° 2400656.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Mornet, présidente assesseure,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.

Le président-rapporteur,

B. EVEN

La présidente assesseure,

G. MORNET

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 24VE00588, 24VE00656 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00588
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : DUBREUX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;24ve00588 ?
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