Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 16 mai 2023 et le 22 juillet 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Dames-Dis, représentée par Me Fortat, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Saint-Pierre-des-Corps n° PC 037.233.22.00019 du 23 mars 2023, portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer le projet de la société Dames-Dis, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Pierre-des-Corps de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale de la requérante, dans le délai d'un mois suivant l'intervention de l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'arrêté du 23 mars 2023 est illégal du fait de l'irrégularité de l'avis du 19 janvier 2023 de la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) au regard des objectifs relatifs à l'aménagement du territoire, au développement durable, et à la protection des consommateurs, fixés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2023, la commune de Saint-Pierre-des-Corps, représentée par Me Viaud, avocat, conclut à ce que la cour " statue ce que de droit sur la requête de la société Dame-Dis ".
Elle soutient que :
- elle apporte son soutien au projet présenté par la société Dames-Dis ;
- l'avis rendu par la CNAC est entaché d'erreurs d'appréciation quant aux objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable, et de protection des consommateurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2024, la commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 30 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat, en application des dispositions combinées des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Fortat pour la société Dames-Dis.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Dames-Dis a sollicité auprès de la commune de Saint-Pierre-des-Corps, le 24 juin 2022, la délivrance d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création et l'exploitation d'un point de retrait permanent de marchandises de dix pistes, sous l'enseigne " E. Leclerc Drive ", sur un terrain d'assiette situé 96 avenue Jacques Duclos à Saint-Pierre-des-Corps, sur les parcelles cadastrées section AW n°78, 79, 130 et 131. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) a rendu un avis favorable au projet le 25 août 2022. Saisie de trois recours contre cet avis, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rendu, le 19 janvier 2023, un avis défavorable à la réalisation du projet présenté par la société Dames-Dis. Le maire de Saint-Pierre-des-Corps a alors pris un arrêté de refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale le 23 mars 2023, dont la société Dame-Dis demande à la cour l'annulation.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 mars 2023 :
2. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; (...) III. - La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'Etat dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. En l'espèce, la société Dames-Dis fait valoir que l'arrêté du maire de Saint-Corps-des-Pierres est illégal du fait des erreurs d'appréciation dans l'application des dispositions dudit article L. 752-6 commises par la CNAC dans son avis du 19 janvier 2023.
En ce qui concerne l'objectif relatif à l'aménagement du territoire :
4. En premier lieu, si le site d'implantation du projet se situe à 2,5 km du centre-ville de Saint-Pierre-des-Corps, à 4,5 km de celui de Tours, et à 900 mètres des premières zones d'habitation, comme l'a relevé la CNAC dans son avis du 19 janvier 2023, il ressort des pièces du dossier que le projet en cause implique la réhabilitation d'une friche, constituée d'un ancien bâtiment commercial et d'un parking, située à l'intérieur du périmètre de la zone d'activité commerciale " les Atlantes " et de la zone industrielle " les mortiers ", dans un secteur urbain spécialement aménagé et dédié à ce type d'installations et d'activités, distinct des secteurs urbains résidentiels. En outre, le projet en cause consiste en la création d'un " drive ", ciblant donc essentiellement, par définition, une clientèle véhiculée, mais non exclusivement, puisque le projet porté par la société Dames-Dis prévoit des aménagements spécifiques en vue d'accueillir environ 15% de sa clientèle utilisant des modes de transport alternatifs. Il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier que l'accès au site par les piétons ou les cyclistes présenterait des difficultés significatives, alors que les voies publiques le desservant sont équipées de trottoirs, lampadaires et passages piétons, qu'un pont permet de traverser la voie ferrée séparant la zone d'activité des zones d'habitation situées au sud, que ce soit à pied ou à vélo. Enfin, il ressort en particulier de l'étude d'impact, jointe au dossier de demande d'autorisation, que l'accès au site par les transports en commun est assuré grâce à plusieurs arrêts de bus, situés à environ 200 mètres, régulièrement desservis en journée par les lignes du réseau de bus de la métropole de Tours, et par un autre arrêt situé à 500 mètres, desservi par un service de transport sur réservation. Ainsi, la société requérante est fondée à soutenir que la CNAC a porté sur le projet une appréciation erronée au regard du critère relatif à la localisation du projet et à son intégration urbaine, comme au regard de celui relatif à son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone.
5. En second lieu, pour justifier du sens défavorable de son avis, la CNAC a relevé trois ensembles d'indicateurs, censés permettre l'évaluation des effets du projet en cause sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi.
6. Tout d'abord, la CNAC a indiqué que la croissance démographique entre 2010 et 2020 était faible, tant sur la commune d'implantation du projet (+4,41%) que sur l'ensemble de la zone de chalandise (+0,2%) et qu'" ainsi, le projet ne permet pas de répondre à une évolution démographique importante du secteur dans lequel il s'implante ". Toutefois, il est constant que l'évolution démographique est positive dans l'ensemble de la zone de chalandise, même si sa croissance est faible, évaluée à +0,52% dans l'étude d'impact jointe au dossier de demande d'autorisation. Plus particulièrement, il ressort des pièces du dossier que l'évolution de la population varie selon les territoires et communes situés au sein de la zone de chalandise, notamment dans les secteurs périurbains et ruraux, qui ont gagné en population. Ainsi, alors qu'une partie du territoire de la commune de Tours connaît une diminution de 9,70% de sa population, d'autres communes connaissent une forte croissance, telles par exemple la commune de Ville-aux-Dames (+14,24%), Montlouis-sur-Loire (+17,25%), ou encore de Saint-Martin-le-Beau (+12,84%). En outre, le seul paramètre relatif à l'évolution du nombre de la population sur la zone de chalandise ne saurait suffire à lui seul à mesurer la pertinence du projet commercial en cause, dont il ressort des pièces du dossier qu'il repose en partie sur l'évolution du commerce en ligne, qui a connu une croissance significative durant la période de pandémie de la Covid-19, qui n'a pas été remise en cause depuis, et qui n'est pas conditionnée par la seule évolution de la démographie.
7. Ensuite, la CNAC a souligné dans son avis du 19 janvier 2023 que d'autres magasins de l'enseigne Leclerc, situés " sur le secteur " disposaient déjà d'un " drive " et que le projet en cause devait aboutir à la création d'un équipement commercial autonome, à savoir une piste de ravitaillement non rattachée à un magasin déjà existant, sans expliciter en quoi une telle circonstance serait à elle-seule de nature à méconnaître les objectifs énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Il ressort au contraire des pièces du dossier que le service instructeur de la CNAC a estimé que l'implantation d'un " drive " isolé n'était pas incompatible avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCoT) de l'agglomération tourangelle. La CNAC n'a pas remis en cause cette interprétation dans l'avis en litige, ni dans le mémoire en défense qu'elle a adressé à la cour dans le cadre de la présente instance. Au surplus, le projet en cause se situe dans une zone d'activité commerciale, où sont déjà implantés deux autres " drives ", certes accolés à un magasin préexistant. Si en défense, la CNAC soutient que " le format de distribution sur lequel s'inscrit le projet est déjà surreprésenté " au regard du nombre de " drives " déjà existant dans la zone de chalandise, et en particulier sur le territoire de la commune de Saint-Pierre-des-Corps, elle ne saurait utilement se prévaloir du critère de densité commerciale, qui ne constitue plus un critère d'examen de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale.
8. Enfin, si la CNAC relève expressément dans son avis que les principales données de l'étude d'impact accompagnant la demande d'autorisation présentée par la société Dames-Dis datent de septembre 2021, elle n'explicite aucunement en quoi ces chiffres manqueraient de pertinence et ne lui permettraient pas de se prononcer en connaissance de cause à la date à laquelle elle a statué. En l'espèce, cette date correspond à huit mois précédant le dépôt de la demande d'autorisation, période durant laquelle l'étude d'impact a été élaborée, sur la base de données nécessairement constituées et rassemblées antérieurement, dont l'ancienneté, toute relative, n'apparaît pas en soi dirimante, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est pas allégué que les services instructeurs de la CNAC auraient sollicité l'actualisation de ces données. En outre, si les communes de Saint-Pierre-des-Corps et de la Ville-aux-Dames, mentionnées dans l'avis en litige, présentent effectivement un taux élevé de vacance commerciale dans leur centre-ville, la CNAC ne précise pas pourquoi elle a privilégié la situation de ces deux seules communes, sans mentionner par exemple celui de Tours (4,8%), celui du centre-ville de Larçay (0%) ou encore celui de Saint Avertin (2%), et alors que le taux de vacance au niveau de l'ensemble de la zone de chalandise n'est que de 5,9%, soit un niveau bien inférieur à celui mesuré au niveau national, qui était de 12,5% en 2019 et de 9,67% en 2023. Enfin, alors que la CNAC reconnaît expressément dans son avis que le projet en cause " vise à proposer une offre complémentaire à celle des petits commerces alimentaires de proximité des centres-villes ", elle relève par ailleurs que ce même projet propose également une offre en fruits et légumes, pâtisserie, pain, viande et poisson, mais sans indiquer en quoi cette offre, au regard de ses caractéristiques ou de ses proportions, pourrait avoir un effet sur l'animation et le développement économique des centres-villes des communes de la zone de chalandise. Il ressort toutefois notamment de l'étude d'impact jointe au dossier de demande d'autorisation, et il n'est pas contesté, que les pratiques de consommation liées au " drive " présentent des particularités, notamment des achats en plus gros volume, via internet, qui se distinguent des pratiques d'achats en centre-ville, davantage centrés sur les achats du quotidien. Il est en outre constant que le point de retrait d'achats en projet ne crée pas de boutique d'alimentation spécialisée alors que les commerces alimentaires des centres-villes de la zone de chalandise sont constitués à 94% par des commerces spécialisés. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que deux drives existent déjà à proximité du projet, sur la commune de St-Pierre-des-Corps, et que sept drives en tout sont installés dans la zone de chalandise, révélant l'existence d'une clientèle déjà constituée pour ce type d'établissement et pour ce type de pratique de consommation bien spécifique. Par suite, la société Dames-Dis est fondée à soutenir que l'avis de la CNAC est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'objectif relatif à l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne l'objectif de développement durable :
9. Il est constant que le projet porté par la société Dames-Dis implique une augmentation du niveau d'imperméabilité de l'emprise totale du site, et que la surface d'espaces verts va également être diminuée, passant de 58% à 33,6% de la surface totale du terrain d'assiette du projet. Toutefois, ainsi qu'il a été relevé au point 4 du présent arrêt, le projet en cause a pour objet de réhabiliter une friche, sur une parcelle déjà artificialisée, impliquant en particulier la démolition d'un bâtiment inexploité depuis 2016, qui contient de l'amiante. En outre, l'augmentation du niveau d'imperméabilité résultant du projet ne serait que de 0,7%, et ne représenterait que 56 m2 en plus par rapport à la situation actuelle, sur un total de 8 501 m2. Il ressort également des pièces du dossier que le projet en cause prévoit de rendre perméable l'ensemble des places de stationnement envisagées sur le site. Par ailleurs, le projet en cause prévoit la présence d'un total de quarante-huit arbres de haute tige, soit trente-huit en plus qu'actuellement, l'utilisation de haies arbustives à feuillage et de plantes grimpantes en façade sud, ainsi que l'installation de 819 m2 de panneaux photovoltaïques en toiture, soit 35% de la surface de la surface totale, et de doter le parc de stationnement de trois places pour véhicules électriques et de vingt-trois places pré-câblées sur soixante-deux places au total. Si le parc de stationnement n'est pas doté d'ombrières couvertes de panneaux photovoltaïques, contrairement à ce qu'avaient suggéré les services de la direction départementale des territoires (DDT) dans leur avis du 28 juillet 2022, la société Dames-Dis soutient sans être contestée que cette solution a été écartée au profit de la plantation d'un plus grand nombre d'arbres. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société requérante est fondée à soutenir que l'avis de la CNAC est entaché d'une erreur d'appréciation quant au respect par le projet en cause de l'objectif relatif au développement durable.
En ce qui concerne la demande de substitution de motifs :
10. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
11. En défense, la CNAC soutient que le projet de la société Dames-Dis entraînera une augmentation du trafic routier. S'appuyant sur l'une des observations formulées dans l'avis rendu sur le projet en cause par la direction départementale des territoires (DDT) le 26 juillet 2022, la CNAC fait état d'une hausse du trafic habituellement constatée les vendredis soirs entre 17h et 18h, ainsi que lors des manifestations sportives et culturelles, qui relativiserait la capacité d'absorption des aménagements existants, au niveau du giratoire reliant la RD140 et la rue Camille Chautemps. Toutefois, alors que la DDT a rendu un avis favorable sur le projet, cette seule observation ne porte que sur un secteur circonscrit, en lien avec des évènements ponctuels. La société Dames-Dis soutient en outre, sans être contredite, que ce giratoire est situé dans la continuité de deux des trois carrefours soumis à l'analyse précitée, lesquels sont implantés au droit de la RD 140 et qu'aucun flux supplémentaire à cet endroit et sur ce giratoire ne pourrait être constaté, distinct de celui déjà mesuré dans l'étude de trafic, notamment au niveau des deux giratoires situés à proximité, qui devraient donc connaître des niveaux de flux de trafic similaires, puisque toutes les voies d'accès à ce giratoire passent par les autres voies pour lesquelles l'étude de trafic a mesuré l'impact du projet. Ainsi, et alors que la CNAC ne fait mention d'aucun élément distinct ou nouveau par rapport à ceux relevés par la direction départementale des territoires dans son avis du 26 juillet 2022, favorable au projet, et alors que le ministre chargé du commerce a également rendu un avis favorable et que le ministre chargé de l'urbanisme a rendu un avis défavorable mais en se bornant à évoquer une simple possibilité d'aggravation des flux de circulation, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'impact du projet sur la circulation routière méconnaîtrait l'un des objectifs fixés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
12. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la CNAC aurait formulé un avis défavorable si elle avait entendu se fonder initialement sur le motif précité. Il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution demandée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que chacun des motifs de l'avis défavorable rendu par la CNAC le 19 janvier 2023 est entaché d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce. Par voie de conséquence, la société requérante est fondée à soutenir que l'arrêté du maire de la commune de Saint-Pierre-des-Corps du 23 mars 2023, pris en considération de cet avis, est illégal et doit être annulé.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
15. En vertu de ces dispositions, le juge administratif peut, s'il annule la décision prise par l'autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l'égard de l'autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu'à l'égard de la Commission nationale d'aménagement commercial.
16. L'annulation d'une décision rejetant une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sur le fondement d'un avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial n'implique, en principe, qu'un réexamen du projet par cette commission. Il n'en va autrement que lorsque les motifs de l'annulation impliquent nécessairement la délivrance d'un avis favorable.
17. En l'espèce, les motifs de l'avis défavorable rendu par la CNAC le 19 janvier 2023 ne concernaient que certains des critères d'évaluation d'une partie seulement des objectifs fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce. Par suite, l'annulation de l'arrêté du maire de Saint-Pierre-des-Corps du 23 mars 2023 implique seulement que la CNAC, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, rende un nouvel avis sur le projet dans un délai de quatre mois. Il est par ailleurs enjoint au maire de Saint-Pierre-des-Corps de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société Dames-Dis dans un délai de deux mois suivant le nouvel avis de la CNAC.
Sur les frais liés au litige :
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Dames-Dis et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du maire de la commune de Saint-Pierre-des-Corps du 23 mars 2023, portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Dames-Dis est annulé.
Article 2 : Il est enjoint, d'une part, à la Commission nationale d'aménagement commercial, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, de rendre un nouvel avis sur le projet de la société Dames-Dis, dans un délai de quatre mois puis, d'autre part, au maire de Saint-Pierre-des-Corps de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société requérante, dans un délai de deux mois suivant le nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société Dames-Dis en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Dames-Dis, à la commune de Saint-Pierre-des-Corps, à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente assesseure,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE01047