Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 28 avril 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2210664 du 29 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine, ou tout autre préfet territorialement compétent, de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 avril 2023, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'arrêté a été signé par une autorité incompétente et renvoie à ses écritures de première instance.
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a produit aucun mémoire en défense.
Par une ordonnance du 18 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Cozic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant guinéen, né le 3 mars 2003 à Pita (Guinée), déclare être entré en France au mois de mai 2019. Il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en invoquant le bénéfice des dispositions énoncées par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 28 avril 2021, le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet des Hauts-de-Seine fait appel du jugement du 29 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à la demande de M. A..., a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. L'arrêté contesté a été signé par Mme B..., adjointe à la cheffe du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, qui disposait d'une délégation de signature consentie par un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine n° 2021-024 du 8 avril 2021, régulièrement publié au recueil de actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine lui donnant compétence pour signer les décisions de refus de délivrance de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français assorties d'un délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration, et de Mme E..., cheffe du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement. S'il est constant que Mme C... était présente le 8 avril 2021, dès lors qu'elle a signé le courrier daté de ce jour notifiant l'arrêté contesté, cette seule circonstance n'est pas de nature à démontrer que celle-ci n'aurait pas été empêchée lors de la signature de cet arrêté. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé, pour annuler cet arrêté, que son signataire n'était pas compétent.
3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur les autres moyens invoqués par M. A... dans sa demande :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'examen de l'arrêté attaqué et notamment des mentions de fait précises y figurant, que le préfet des Hauts-de-Seine a procédé à l'examen particulier de la situation de droit et de fait du requérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A... déclare être entré en France en mai 2019, à l'âge de 16 ans. Il ressort des pièces du dossier, en particulier d'une ordonnance de placement provisoire du procureur de Nanterre du 13 juin 2019, que l'intéressé justifie de sa présence en France depuis juin 2019, soit depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté en litige, ce qui ne constitue pas une durée substantielle. Si M. A... allègue que sa mère est décédée en 2015 alors qu'il n'avait que 12 ans, il se borne à produire, pour en justifier, une attestation sur l'honneur manuscrite qu'il a signée lui-même. Alors que l'arrêté attaqué mentionne que les parents de M. A... vivent Guinée, l'intimé ne conteste pas que son père et les autres membres de sa famille résideraient toujours en Guinée. S'il soutient qu'il a fui un " environnement familial toxique " et qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine, une telle assertion n'est corroborée par aucune pièce versée au dossier. Il est en outre constant que le requérant est célibataire et sans charge de famille et qu'il ne justifie pas d'attache personnelle ou familiale particulière en France. Ainsi, et en dépit des efforts d'insertion dont M. A... justifie à travers la formation qualifiante qu'il a commencé à suivre, la décision par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a refusé d'accorder à M. A... un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France à l'âge de 16 ans, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance de placement du procureur de la République du 13 juin 2019, puis par différentes ordonnances du juge des enfants et des décisions d'admission du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, au titre de la période allant du 26 juin 2020 au 31 août 2021. Il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées avant d'avoir 18 ans. A la date de la décision attaquée, il suivait depuis plus de six mois une formation qualifiante, à savoir un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) cuisine, auquel il était inscrit en première année en 2019/2020, puis en seconde année en 2020/2021. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que l'a relevé le préfet des Hauts-de-Seine dans l'arrêté en litige, qu'au cours du premier semestre de sa deuxième année de CAP, en 2020/2021, M. A... n'a obtenu qu'une moyenne générale de 9.32/20 et a présenté 16h30 d'absences injustifiées cumulées. Alors que l'intimé n'apporte aucun élément concernant sa scolarité durant le second semestre de cette même année 2020/2021, il ressort des pièces du dossier qu'il a échoué à obtenir son CAP cette année-là. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10.En dernier lieu, il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de M. A....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision, de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation, ainsi que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doivent être écartés.
12. En deuxième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu par les dispositions, alors en vigueur, du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
13. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
14. Ainsi, la seule circonstance que M. A... n'ait pas été mis en mesure de présenter des observations spécifiquement sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement prise à son encontre n'est pas de nature à permettre de regarder l'intéressé comme ayant été privé de son droit d'être entendu. Ce moyen doit par suite être écarté.
15. En dernier lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que M. A... devrait se voir délivrer de plein droit un titre de séjour. L'intimé n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire serait entachée d'une erreur de droit.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur applicable au présent litige : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Le huitième alinéa du III de ce même article précise que : " (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
17. Il est constant que M. A... n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace pour l'ordre public. En outre, alors que M. A... est entré mineur sur le territoire français, il a été confié à l'aide sociale à l'enfance et a suivi, dans le cadre du dispositif d'accompagnement le concernant, une formation qualifiante. Au regard de ces circonstances, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués contre la décision susvisée, M. A... est fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an prise à son encontre est entachée d'une erreur d'appréciation.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... devant le tribunal :
18. Le présent arrêt, qui ne fait droit qu'aux conclusions à fins d'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées.
Sur les frais liés à la première instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante sur l'essentiel du litige, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
20. Il résulte de l'ensemble ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 28 avril 2021 en tant qu'il refuse à M. A... le titre de séjour sollicité, l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de destination, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai de deux mois, et a mis la somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions des article 37 de la loi du 10 juillet 1971 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 mars 2023 est annulé en tant seulement qu'il annule l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 28 avril 2021 refusant à M. A... le titre de séjour sollicité, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, qu'il enjoint au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, et qu'il met la somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions des article 37 de la loi du 10 juillet 1971 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par les parties en appel et en première instance est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A.... Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente assesseure,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
Le rapporteur,
H. COZIC
Le président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE00905
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