Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du préfet d'Indre-et-Loire du 20 octobre 2023 les obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant l'Egypte comme pays de destination de leur reconduite et d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 2304906-2304907 du 30 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans les a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 février 2024, M. D... et Mme C..., représentés par Me Rouille-Mirza, avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces arrêtés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de leur conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de leur droit à être entendu garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à défaut de toute procédure préalable contradictoire et sont ainsi entachées d'un vice de procédure ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les décisions fixant le pays de destination sont illégales en ce qu'elles se fondent sur des obligations de quitter le territoire français elles-mêmes illégales ;
- elles méconnaissent l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 33 de la convention de Genève.
Par un mémoire, enregistré le 29 avril 2024, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 23 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florent a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme C..., ressortissants égyptiens nés respectivement les 7 juillet 1989 et 12 juillet 1990, sont entrés régulièrement en France sous couvert de visas de court séjour le 26 août 2019 accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Le 17 octobre 2019, ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes ont été rejetées les 19 février et 20 avril 2021 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis le 11 juillet 2023 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par deux arrêtés du 20 octobre 2023, le préfet d'Indre-et-Loire les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de leur pays d'origine sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par la présente requête, M. D... et Mme C... relèvent appel du jugement du 30 janvier 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le rejet de la demande d'asile, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.
3. En l'espèce, il appartenait, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, à M. D... et à Mme C... de fournir spontanément à l'administration, notamment à la suite des décisions de rejet de l'OFPRA et de la CNDA, tout élément utile relatif à leur situation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... et Mme C... auraient été empêchés de présenter les éléments relatifs à leur situation de manière utile et effective alors, au demeurant, que ces derniers ont été invités par courriers des 6 et 28 juin 2023 du préfet d'Indre-et-Loire à faire part de tout changement concernant leur situation. Dès lors, M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés en litige ont été pris en méconnaissance de leur droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
5. M. D... et Mme C... font valoir qu'ils sont présents en France avec leurs trois enfants, nés en 2015, 2017 et 2019, depuis quatre ans à la date des arrêtés attaqués, qu'ils disposent de leur propre logement et qu'ils ont fait preuve d'une réelle volonté d'intégration depuis leur arrivée, ayant suivi des cours de français et effectué divers stages en vue d'obtenir un emploi et que, diplômés en Egypte, ils disposaient à la date des arrêtés en litige d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de service ainsi que de secrétaire réceptionniste dans un cabinet de chirurgien-dentiste. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que les requérants, tous deux en situation irrégulière, ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine où résident leur famille et où ils ont vécu jusqu'à l'âge de trente ans et l'âge de vingt-neuf ans. Par ailleurs, si les deux plus jeunes enfants du couple n'ont principalement connu que la France et si l'aîné de la fratrie a effectué en France toute sa scolarité de la moyenne section de maternelle au CE2 et souffre de bégaiement, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu du jeune âge de ces enfants, que la reconstitution de la cellule familiale en Egypte serait impossible ou porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ces derniers. Enfin, la circonstance que les requérants encourraient des risques de persécution en cas de retour dans leur pays d'origine est inopérante à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'implique pas, par elle-même, leur renvoi en Egypte. Par suite, M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés attaqués portent une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale ou à l'intérêt supérieur de leurs enfants, en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
6. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
8. M. D... et Mme C... soutiennent qu'ils ont été victimes de persécutions en Egypte du fait de leur confession chrétienne copte et qu'ils ont subi des agressions physiques les ayant conduits à fuir leur pays. Toutefois, si les documents versés à l'appui de leur demande d'asile, dont l'authenticité n'est pas remise en cause, permettent d'établir que les requérants et leurs enfants ont été victimes de menaces et violences physiques les 29 mai et 16 juin 2019, il ressort des pièces du dossier que ces actes ont été commis dans le cadre d'un conflit opposant M. D... et Mme C... à l'un de leurs voisins musulmans et relatif aux nuisances sonores consécutives à l'installation par ce dernier d'un mégaphone retransmettant les appels à la prière de la mosquée voisine. Or, d'une part, il ressort des procès-verbaux versés au dossier que les requérants ont bénéficié dans un premier temps de l'appui des autorités égyptiennes qui ont placé leurs agresseurs en détention provisoire et il n'existe pas d'éléments au dossier laissant à penser que ce conflit désormais ancien avec ce voisin leur ferait encourir un risque personnel et actuel en cas de retour en Egypte. D'autre part, si M. D... a été condamné, par contumace, à cinq ans d'emprisonnement par le tribunal pénal du Caire du 25 mars 2020, à la suite de la seconde altercation ayant eu lieu le 16 juin 2019 au sein de la mosquée Attaqwa, cette condamnation a été prononcée non seulement pour " paroles outrageantes " à l'encontre de la religion musulmane mais également " tentative de meurtre à l'arme blanche " sur la personne de l'imam " si ce n'était la réaction rapide de la victime qui a réussi à lui échapper ". Si M. D... conteste cette tentative de meurtre en indiquant qu'il s'agit d'une accusation faite en représailles de la détention provisoire, décidée quelques jours plus tôt, de ses deux agresseurs de confession musulmane à la suite des violences perpétrées à son domicile le 29 mai 2019, il n'apporte pas d'éléments suffisants à l'appui de ces affirmations alors, d'ailleurs, que ses explications sont apparues peu vraisemblables aux instances chargées de sa demande d'asile devant lesquelles le requérant avait déjà produit les mêmes documents. En outre, les requérants n'établissent ni même n'allèguent que M. D... ne pourrait être rejugé s'il comparaissait en personne en Egypte, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, sa condamnation par la justice égyptienne a été prononcée dans le cadre d'un procès par contumace. Dans ces circonstances, les requérants n'établissent pas qu'ils encourraient des risques actuels et personnels en raison de leur confession en cas de retour de leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 33 de la convention de Genève doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRELa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 24VE00555