Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 février 2022 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2209792 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Hug, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour d'un an portant mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son avocat.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le traitement médical nécessaire n'est pas disponible en Côte d'Ivoire ;
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier dès lors qu'elle avait aussi demandé un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie dès lors qu'elle est présente depuis plus de dix ans sur le territoire français ;
- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale par voie d'exception ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est illégale par voie d'exception.
Par un mémoire en défense, présenté le 21 mars 2024, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 20 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Vu l'avis du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 493514 du 10 octobre 2024.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante ivoirienne née le 30 décembre 1987 et entrée en France le 13 janvier 2011 sous couvert d'un visa de type D, a obtenu un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 1er mars 2014. Le 14 octobre 2021, Mme A... a demandé son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 février 2022, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Mme A... fait appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 18 avril 2023, rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 18 février 2022.
Sur le refus de titre de séjour :
En ce qui concerne la demande formée sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
2. Aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code. / Les personnes qui ne sont pas en mesure d'effectuer elles-mêmes le dépôt en ligne de leur demande bénéficient d'un accueil et d'un accompagnement leur permettant d'accomplir cette formalité. Le ministre chargé de l'immigration fixe les modalités de cet accueil et de cet accompagnement. " Aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture. / Le préfet peut également prescrire que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale. ". En vertu de l'article 1er de l'arrêté du 27 avril 2021 pris en application de l'article R. 431-2 précité, les titres de séjour ou cartes de résident devant faire l'objet d'une demande par voie télématique sont codifiés à l'annexe 9 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, les demandes de titre de séjour effectuées sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 de ce code ne figurent pas sur la liste fixée par cet arrêté.
3. En l'absence de texte en disposant autrement, il est loisible à un étranger de demander simultanément ou successivement des titres de séjour relevant des différentes catégories mentionnées au point 1, dont le mode de dépôt de demande diffère. Aucun principe n'impose, en l'absence de texte, à l'étranger de présenter une demande unique, ni au préfet de statuer par une seule décision sur des demandes de titre déposées simultanément ou successivement par un même demandeur. Dès lors, lorsqu'un étranger a présenté plusieurs demandes de titre de séjour, le rejet implicite né du silence gardé sur une demande présentée en méconnaissance de la règle de comparution personnelle, applicable à cette demande, ne constitue pas une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir, quand bien même l'étranger aurait régulièrement présenté une demande sur un autre fondement.
4. La requérante soutient que la décision préfectorale contestée est entachée d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa demande dès lors que le préfet n'a pas statué sur la demande qu'elle a présentée sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elle avait adressée par courrier postal et que le préfet s'est borné à statuer sur sa demande faite sur le fondement de l'article L. 425-9 du même code et déposée en préfecture. Or, les demandes effectuées sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, comme l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, être effectuées directement en préfecture, le préfet des Yvelines n'ayant par ailleurs déterminé aucune catégorie de demande de titre pouvant s'effectuer par voie postale. Dès lors, en adressant sa demande par lettre du 18 octobre 2021 par voie postale, sur le fondement des articles L. 435-1 et L 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non par présentation en préfecture, la requérante ne peut utilement soutenir que le rejet implicite par le préfet des Yvelines à sa demande formée au titre des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code précité devrait être regardé comme révélant une absence d'examen particulier de cette demande, dès lors que ce rejet implicite ne constitue pas une décision susceptible de recours.
En ce qui concerne la demande faite sur le fondement de l'article l. 425-9 du code de l'entrée des étrangers et du droit d'asile :
5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention ''vie privée et familiale'' d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. Mme A... soutient que, souffrant de polyarthrite rhumatoïde, elle bénéficie d'un traitement médicamenteux à base notamment de Cortancyl, Imeth, speciafoldine, doliprane et Antadys (anti-inflammatoire) et que le flurbiprofène, substance active de l'Antadys, n'est pas disponible en Côte-d'Ivoire, en se fondant sur la liste des médicaments de l'index pharmaceutique de l'ordre des pharmaciens de Côte-d'Ivoire. Toutefois, elle n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII du 3 janvier 2022, précisant que l'absence de traitement n'aurait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité et ne produit en outre aucun document médical précisant que ces médicaments sont indispensables au vu de son état de santé.
8. Le préfet des Yvelines n'ayant à statuer que sur la demande formée au titre de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour, prévue pour les demandes faites sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code, doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Mme A... soutient qu'elle réside depuis le 10 janvier 2011 en France, où elle a tout d'abord suivi des études à l'école supérieure de gestion et de commerce international de janvier 2011 à mars 2014, et se prévaut d'une bonne insertion sur le marché du travail ainsi que d'une insertion personnelle et associative réussie, en se prévalant à cet effet d'attestations de membres de sa famille et de proches. S'il est constant qu'elle est entrée en France munie d'un visa long séjour étudiant, lui permettant de suivre des études supérieures pendant trois ans, et qu'elle a exercé plusieurs emplois entre 2012 et 2021, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans charge de famille, qu'elle peut suivre un traitement adapté à son état de santé en Côte-d'Ivoire et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Côte-d'Ivoire, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans et où vivent ses parents. Dès lors, le préfet des Yvelines, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
11. La décision portant refus de titre de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi seraient illégales par voie d'exception doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
Le rapporteur,
J.-E. PilvenLe président,
F. EtienvreLa greffière,
F. Petit-Galland
La République mande et ordonne à la ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE001730002