Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 15 février 2023, le 2 octobre 2023 et le 23 octobre 2023, la société Aubrais distribution, représentée par Me Morisseau, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 30 août 2022 par lequel le maire d'Orléans a délivré à la société Kaufman et Broad Nantes un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale un ensemble commercial, d'une surface totale de vente de 2 550 m², comprenant un supermarché et deux moyennes surfaces non alimentaires, situé 4 avenue de la Libération ;
2°) et de mettre à la charge de l'Etat et de la société Kaufman etBroad Nantes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle dispose d'un intérêt à agir ;
- l'arrêté est entaché d'un vice d'incompétence de son auteur ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas établi que l'envoi des convocations à la Commission nationale d'aménagement commercial a respecté les dispositions fixées par l'article R. 752-35 du code de commerce ;
- la maîtrise foncière du pétitionnaire n'est pas établie sur l'ensemble des parcelles du terrain d'assiette du projet ;
- le dossier de demande est incomplet en ce qui concerne la nature des commerces et n'a ainsi pas permis à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer en connaissance de cause sur les impacts du projet ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation des effets du projet sur les flux de transport et la sécurité des usagers en méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.
Par des pièces enregistrées les 11 avril et 9 octobre 2023 et un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2024, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce n'est pas fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2024 et des pièces enregistrées le 17 avril 2024, la société Kaufman et Broad Nantes, représentée par Me Leraisnable, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Aubrais distribution en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la société requérante ne justifie pas d'un intérêt et d'une qualité à agir et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2024, la commune d'Orléans, représentée par Me Eglie-Richters, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Aubrais distribution en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la société requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2024.
Un mémoire de production enregistré le 28 octobre 2024 pour la société Kaufman et Broad Nantes n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de me Morisseau pour la société Aubrais Distribution, de Me Krasniqi pour la commune d'Orléans et de Me Leraisnable pour la société Kaufman et Broad Nantes.
Considérant ce qui suit :
1. La société Kaufman et Broad Nantes a déposé le 27 juillet 2022 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création, au sein d'un projet d'aménagement comprenant des logements, un établissement d'enseignement supérieur, une résidence étudiante et une résidence pour personnes âgées, d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 2 550 m2, composé d'une surface alimentaire (1 700 m2) et de deux moyennes surfaces non alimentaires (425 m2 chacune), situé 4 avenue de la Libération à Orléans. La commission départementale d'aménagement commercial du Loiret a émis un avis favorable le 1er août 2022. Le maire d'Orléans a, par un arrêté du 30 août 2022, accordé le permis de construire sollicité. Saisie d'un recours préalable obligatoire par la société Aubrais distribution, qui exploite un hypermarché à l'enseigne Leclerc sur le territoire de la commune de Fleury-les-Aubrais ainsi qu'un établissement " drive " sur le territoire de la commune d'Orléans, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a émis un avis favorable au projet le 8 décembre 2022. La société Aubrais distribution demande à la cour d'annuler l'arrêté du maire d'Orléans en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Sur la légalité de l'arrêté du 30 août 2022 :
2. En premier lieu, le maire d'Orléans a par un arrêté du 9 décembre 2021, régulièrement transmis au contrôle de légalité du préfet le même jour et affiché le 10 décembre suivant, consenti à Mme B... A..., adjointe au maire en charge de l'urbanisme et signataire de l'acte attaqué, une délégation afin de signer " tous les documents relatifs à l'occupation et à l'utilisation du sol régis notamment par le code de l'urbanisme (...) ". Par suite, le moyen tiré du vice d'incompétence manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, que le terrain d'assiette des commerces comprend les parcelles AR n°446 et n°337 appartenant respectivement à la SCI du Sud et à Orléans métropole. Ce dossier est accompagné d'une attestation notariée du 29 mars 2022 établissant que la société pétitionnaire est titulaire d'une promesse de vente de la parcelle AR n°446, consentie par la SCI du Sud le 24 février 2022, et que la société est autorisée à déposer toute demande d'autorisation d'urbanisme et administrative. Il ressort en outre des visas de l'arrêté en litige et du rapport établi devant la CNAC, que le signataire de l'arrêté comme cette commission ont été destinataires de la convention de projet urbain partenarial (PUP) signée par la société pétitionnaire avec Orléans Métropole le 23 août 2022, actant du dépôt d'une demande de permis de construire sur les parcelles appartenant à Orléans Métropole et de l'engagement de la société d'acquérir les parcelles de la collectivité signataire. Par suite, le moyen tiré de l'absence de maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet par la société Kaufman et Broad Nantes doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : 1° Informations relatives au projet : (...) b) Pour les projets de création d'un ensemble commercial : - la surface de vente globale ; - la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins de plus de 300 mètres carrés de surface de vente ; (...) ". L'article R. 752-2 de ce code précise en outre qu'" Au sens de l'article L. 752-1, constituent des secteurs d'activité : 1° Le commerce de détail à prédominance alimentaire ; / 2° Les autres commerces de détail et les activités de prestation de services à caractère artisanal. " .
6. Il ressort du dossier de demande qu'il précise que le projet d'ensemble commercial comporte un supermarché alimentaire d'une surface de vente 1 700 m2 et deux autres magasins non alimentaires d'une surface de vente de 425 m2 conformément aux dispositions de l'article R. 752-6 précitées, lesquelles imposent seulement de faire figurer au dossier de demande la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins de plus de 300 m² de surface de vente. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de précision sur la nature de l'activité des surfaces de vente non alimentaires aurait fait obstacle à ce que la CNAC porte son appréciation sur les impacts du projet de la société Kaufman et Broad Nantes. Le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande sur ce point ne peut dès lors qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, conformément aux exigences réglementaires rappelées ci-dessus, les membres de la CNAC ont été simultanément destinataires le 23 novembre 2022, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la 555ème séance de la commission du 8 décembre 2022, au cours de laquelle a été examiné le projet en litige. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents mentionnés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. La CNAC produit également une attestation d'envoi de réunion générée par l'application mentionnant la liste des membres destinataires, ainsi que deux copies d'écran établissant qu'un fichier intitulé " CNAC 555 et 556 " a été partagé via la plate-forme d'échanges de fichiers SOFIE aux membres de la commission à compter du 1er décembre 2022 et que certains de ces membres l'ont téléchargé dès cette même date. Enfin, elle produit un courrier établi le 4 avril 2024 par la secrétaire de la commission attestant de ce que les membres ont été convoqués et ont eu accès au dossier, dans les conditions prévues par les dispositions précitées. Par suite, en l'absence d'éléments circonstanciés de nature à remettre en cause les pièces justificatives fournies par la CNAC, qui ne sont contredites par aucune pièce du dossier, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres devant la CNAC doit être écarté.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : (...) d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : (...) d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
11. Il ressort des pièces du dossier que le projet est desservi par l'avenue de la Libération, la rue de Joie et la rue de la Bourrie Rouge. L'accès des véhicules au stationnement souterrain de l'ensemble commercial s'effectuera au sud du terrain, au droit d'une voie nouvelle, dont la création est prévue dans le cadre d'une convention de projet urbain partenarial signée par la commune, Orléans métropole et la société pétitionnaire. Cette voie assurera la liaison entre l'avenue de la Libération et la rue de la Bourrie Rouge. Il est également situé à proximité des transports en commun et est accessible aux piétons et aux cycles. En outre, il ressort de l'étude de trafic réalisée par le bureau d'études Booming en mars 2022 que les réserves de capacité des axes de circulation sont importantes, de sorte que l'augmentation du trafic engendrée par le projet, qualifiée de faible, n'aura pas d'impact de nature à congestionner les flux de circulation. Il ressort également du rapport établi à l'occasion de l'examen du projet par la CNAC que différents aménagements sont prévus afin de faciliter la circulation des voiries alentour et notamment des feux tricolores. La circonstance que le service voirie d'Orléans métropole a interdit que la voie interne aux véhicules de secours puisse déboucher sur la voie du tramway est sans incidence sur la difficulté des flux de transport et les risques allégués. Enfin, les risques allégués pour les piétons et les cycles ne sont pas établis alors que l'arrêté en litige impose des prescriptions à la société pétitionnaire qui permettront d'améliorer la signalétique. Le moyen tiré de ce que le projet serait sur les critères de l'effet sur les flux de transports et de la sécurité des consommateurs entaché d'une erreur d'appréciation ne peut dès lors qu'être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la société Aubrais distribution n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 30 août 2022 par lequel le maire d'Orléans a délivré à la société Kaufman et Broad un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un ensemble commercial sur le territoire de cette commune.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Aubrais distribution sur leur fondement. Dans les circonstances de l'espèce, la société Aubrais distribution versera une somme de 1 500 euros à la société Kaufman et Broad Nantes ainsi qu'une somme de 1 500 euros à la commune d'Orléans en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Aubrais distribution est rejetée.
Article 2 : La société Aubrais distribution versera une somme de 1 500 euros à la société Kaufman et Broad Nantes, plus une somme de 1 500 euros à la commune d'Orléans en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aubrais distribution, à la société Kaufman et Broad, à la commune d'Orléans, à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente-assesseure,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
B. AventinoLe président,
B. Even
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE00528