Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2309841 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mai et 16 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Rosin, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de sept jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte pas la signature de l'un des trois médecins du collège ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il est entaché d'une seconde erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen complet et sérieux de sa situation ; par une saisine électronique postérieure au dépôt de sa demande de renouvellement de son titre de séjour pour soins, il avait expressément demandé une carte de résident longue durée Union européenne sur laquelle il n'a pas été statué ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est atteint de schizophrénie hébéphrénique, que son traitement est indisponible en Mauritanie et n'est pas substituable, et que les professionnels et structures spécialisés en santé mentale sont également inaccessibles ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre elle-même illégale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en ce qu'elle se fonde sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, du moins, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations, enregistrées le 12 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florent a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant mauritanien né le 24 juillet 1996, entré en France le 31 août 2016 sous couvert d'un visa de type " D " portant la mention " étudiant " et ayant bénéficié en dernier lieu d'un titre de séjour pour soins du 1er mars 2021 au 28 février 2022, a sollicité la délivrance d'un nouveau titre de séjour en qualité d'étranger malade le 13 février 2023. Il relève appel du jugement du 10 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 28 juin 2023 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays d'éloignement et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour pour soins de M. C..., le préfet des Hauts-de-Seine a estimé, au vu de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 avril 2023, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Mauritanie.
5. Pour remettre en cause cette appréciation, M. C..., qui souffre d'un trouble psychiatrique chronique polymorphe avec symptômes schizophréniques, produit notamment deux certificats médicaux circonstanciés du docteur B..., praticien hospitalier du service de psychiatrie de l'hôpital Louis-Mourier indiquant que ce trouble psychiatrique est difficile à équilibrer et nécessite un suivi régulier et la prise quotidienne de plusieurs psychotropes dont la Venlafaxine (Effexor) et l'Aripiprazole (Abilify), lesquels ne sont pas commercialisés en Mauritanie ainsi qu'il résulte des attestations d'un médecin généraliste de Mauritanie et de la direction de la pharmacie et des laboratoires du ministère de la Santé mauritanien ainsi que des courriels des laboratoire Biogaran. S'il ressort des fiches " medical country of origin information " (MedCOI), élaborées par l'Agence de l'Union européenne pour l'asile (AUEA) et produites à l'instance par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que des médicaments équivalents à ceux pris par M. C... et appartenant aux mêmes classes thérapeutiques sont disponibles en Mauritanie, de même que des suivis psychiatriques et psychologiques, ambulatoires ou hospitaliers, par exemple au Centre Neuro-Psychiatrique de Nouakchott, capitale dont est originaire M. C... et qu'un programme pilote a été mis en place pour faciliter l'accès aux soins des patients schizophrènes à Nouadhibou, la deuxième ville du pays, le médecin psychiatre affirme toutefois que de précédents traitements par la Sertraline, l'Escitalopram, la Quetiapine et l'Amisulpride ont tous échoué et que face à l'instabilité clinique de M. C..., l'équilibrage de son traitement est encore à l'étude et qu'une nouvelle hospitalisation pourrait être nécessaire pour ajuster plus finement les thérapeutiques médicamenteuses. Ce même médecin indique encore que les antidépresseurs de la famille D... ne semblent pas suffisamment efficaces chez le patient et que le profil d'efficacité et de tolérance original de l'Aripiprazole ne permet pas de le substituer facilement par un autre antipsychotique. Enfin, le praticien hospitalier indique également qu'un bilan neuropsychologique lui semble nécessaire pour mieux caractériser les troubles cognitifs chroniques que M. C... présente, une IRM cérébrale réalisée le 18 décembre 2020 faisant suspecter une sclérose mésiale débutante. Dans ces circonstances, il n'est pas établi que M. C... pourrait accéder dans son pays à la prise en charge médicale que son état requiert. Dès lors, l'intéressé est fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour soins.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. C... un titre de séjour pour soins dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2309841 du 10 avril 2024 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 28 juin 2023 du préfet des Hauts-de-Seine est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. C... un titre de séjour pour soins dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. A... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet des Hauts-de-Seine.
Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2024.
La rapporteure,
J. FLORENT
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 24VE01226