Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de l'admettre exceptionnellement au séjour en qualité de salarié et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2400790 du 8 avril 2024, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet des Yvelines ou au préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 7 mai 2024, sous le n° 24VE01218, le préfet des Yvelines demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- la demande de M. B... a été enregistrée plus de trente jours après la notification de l'arrêté contesté ; elle était tardive ;
- il ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre sa régularisation en qualité de salarié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2024, M. B... représenté par Me Cheron, avocat, demande à la cour de :
1°) rejeter la requête du préfet des Yvelines ;
2°) d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande était recevable, l'avis de passage n'ayant pas été déposé dans sa boîte aux lettres ;
- il justifie de motifs d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié.
II. Par une requête, enregistrée le 7 mai 2024, sous le n° 24VE01219, le préfet des Yvelines demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.
Il soutient qu'il justifie de moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2024, M. B... représenté par Me Cheron, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet des Yvelines ;
2°) d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande était recevable, l'avis de passage n'ayant pas été déposé dans sa boîte aux lettres ;
- il justifie de motifs d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Camenen a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Yvelines relève appel, sous le n° 24VE01218, du jugement du 8 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 4 septembre 2023 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... et l'obligeant à quitter le territoire français. Le préfet des Yvelines demande également à la cour, sous le n° 24VE01219, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement. Ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la requête n° 24VE01218 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. M. B..., ressortissant tunisien né le 13 novembre 1983, est entré en France muni d'un visa de court séjour le 5 septembre 2018. Il a souscrit le 1er décembre 2019 un contrat à durée indéterminée avec la société Allo Pizza ! 78 pour travailler en qualité d'employé polyvalent et justifie avoir travaillé pour cette entreprise depuis cette époque à temps partiel puis à temps plein depuis le 1er septembre 2021. Si M. B... réside en France depuis 2018, justifie travailler dans le secteur de la restauration depuis environ quatre ans à la date de l'arrêté contesté et bénéficie du soutien de son employeur, ces éléments ne caractérisent pas l'existence de motifs d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié.
3. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé pour ce motif son arrêté du 4 septembre 2023.
4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. B... :
5. En premier lieu, M. B... soutient que le préfet a entaché l'arrêté contesté d'erreur de fait et d'erreur de droit en examinant sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'accord franco-tunisien alors qu'il n'avait demandé que son admission exceptionnelle au séjour.
6. Toutefois, il ressort des questionnaires remplis par M. B... les 5 et 21 janvier 2022 que celui-ci a demandé son admission au séjour en qualité de salarié et qu'il a également sollicité son admission exceptionnelle au séjour en cette même qualité. Ainsi, en se prononçant sur ces deux fondements, le préfet des Yvelines n'a pas entaché son arrêté d'erreur de fait ou de droit.
7. En deuxième lieu, si l'arrêté contesté indique que les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux Tunisiens, il examine tout de même la possibilité d'admettre exceptionnellement au séjour M. B... au titre de son pouvoir général de régularisation. Ainsi, M. B... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait contraire au " principe de loyauté ".
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que le préfet des Yvelines a limité l'examen des circonstances exceptionnelles invoquées par M. B... aux motifs tirés de sa vie privée et familiale, en ignorant son insertion professionnelle.
9. Enfin, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français délivrée à l'encontre de M. B... doit être annulée dès lors qu'il doit se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 4 septembre 2023. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur la requête n° 24VE01219 :
11. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête n° 24VE01218 du préfet des Yvelines tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 24VE01219 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer. Par ailleurs, l'Etat n'étant pas partie perdante, les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Enfin, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2400790 du tribunal administratif de Versailles du 8 avril 2024 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24VE01219 du préfet des Yvelines.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2024.
Le rapporteur,
G. CAMENENLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRELa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 24VE01218...