Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par une ordonnance n° 2300297 du 1er février 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Versailles la requête de M. B... A..., enregistrée le 11 janvier 2023.
Par un jugement n° 2300917 du 21 avril 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une ordonnance n° 23MA01207 du 17 mai 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis à la cour administrative d'appel de Versailles le dossier de la requête d'appel de M. A..., enregistrée le 16 mai 2023.
Par cette requête, M. A..., représenté par Me Lasbeur, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant le mention " commerçant " dans un délai à fixer par la cour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de droit en mentionnant les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- commerçant inscrit au registre du commerce, il remplit les conditions fixées par les stipulations de l'article 5 de cet accord ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est injustifiée et ne tient pas compte de sa situation professionnelle et familiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Versailles du 12 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ablard,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 3 novembre 1996 à Mazouna, est entré en France en 2017 sous couvert d'un visa Schengen selon ses déclarations. Par un arrêté du 10 janvier 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 21 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté attaqué et d'un défaut d'examen de la situation personnelle et familiale du requérant doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et exposés au point 3 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu, sans commettre d'erreur de droit, viser l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au Registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes du c) de l'article 7 de cet accord : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ". Enfin, aux termes de l'article 9 de cet accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".
5. Si M. A... soutient que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait dû lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant " en application des stipulations précitées de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de ces stipulations. En tout état de cause, M. A... n'est pas titulaire du visa de long séjour exigé par les stipulations précitées de l'article 9 du même accord. Par suite, le moyen doit être écarté.
6. En quatrième lieu, M. A... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
7. M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis 2018, qu'il est inscrit au registre du commerce, qu'il déclare ses revenus, qu'il vit avec ses parents qui sont en situation régulière, et qu'il est dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Toutefois, l'ancienneté du séjour en France de l'intéressé, à la supposer établie, ne caractérise pas, à elle seule, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. En outre, célibataire et sans charge de famille à la date de l'arrêté contesté, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans au moins. Par ailleurs, son statut de commerçant n'est pas, à lui seul, de nature à établir une insertion particulière au sein de la société française. Enfin, si le requérant verse au dossier des pièces dont il ressort qu'il a épousé le 17 mai 2024 une ressortissante française et qu'un enfant est né de cette union le 7 août 2024, ces circonstances sont postérieures à l'arrêté contesté du 10 janvier 2023 et sont, par suite, sans incidence sur sa légalité. Il appartient à cet égard à M. A..., s'il s'y croit fondé, de saisir le préfet d'une nouvelle demande de titre de séjour à l'appui de laquelle il pourra produire tous les éléments utiles relatifs à l'évolution de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté, ainsi que celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet des Bouches-du-Rhône.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
9. Le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an serait injustifiée et ne tiendrait pas compte de sa situation professionnelle et familiale doit être écarté pour les motifs exposés ci-dessus et par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et exposés aux points 9 et 10 du jugement attaqué.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe du 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
T. AblardLe président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE01171