Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2208055 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 février 2023, Madame C... épouse A..., représentée par Me Papazian, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne, qui n'a produit aucun mémoire en défense.
Par une ordonnance du 18 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- et les observations de Me Papazian, représentant Mme C..., épouse A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., épouse A..., ressortissante arménienne, née le 27 février 1991, déclare être entrée en France le 3 décembre 2013. Elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 30 novembre 2021 en invoquant le bénéfice des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 octobre 2022, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Mme C..., épouse A... fait appel du jugement du 24 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier, complétées en appel, que Mme C..., épouse A..., est entrée en France en décembre 2013 en compagnie de son époux avec qui elle s'est mariée le 11 juillet 2013 en Arménie, leur pays d'origine. Elle verse également au dossier de multiples pièces par lesquelles elle justifie du caractère habituel de sa résidence en France depuis 2013. La requérante établit également, au regard des pièces versées au dossier, que son époux, également de nationalité arménienne et avec lequel elle vit depuis leur arrivée en France, exerce une activité professionnelle, et s'est vu accorder en novembre 2021 un premier titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'en novembre 2022, puis, postérieurement à l'arrêté attaqué, une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de deux ans, portant la même mention. Il ressort également des pièces du dossier que M. et Mme A... sont parents de deux enfants nés en France en 2014 et 2017 et scolarisés en France. La requérante produit des attestations émanant de plusieurs directeurs d'établissements scolaires et de loisirs où les enfants du couple sont inscrits, établissant son implication dans leur éducation. Par suite, compte tenu notamment de l'ancienneté de son séjour en France et de l'intensité de ses liens familiaux sur le territoire français, Mme C..., épouse A..., est fondée à soutenir que l'arrêté par lequel le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, que Mme C..., épouse A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Mme C... épouse A... est dès lors fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de l'arrêté du 4 octobre 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative délivre à Mme C..., épouse A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme C..., épouse A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2208055 du 24 janvier 2023 et l'arrêté du préfet de l'Essonne du 4 octobre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme C..., épouse A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C..., épouse A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
H. Cozic
Le président,
B. Even
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE00415
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