Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... et A... C... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 18 mai 2020 par laquelle le maire de Suresnes a rejeté leur demande de dérogation à la carte scolaire et la décision du 2 juillet 2020 rejetant le recours gracieux formé à son encontre, d'annuler la décision de refus d'indemnisation prise par la commune de Suresnes, d'annuler la décision de refus partiel de communication des documents administratifs, d'enjoindre à la commune de Suresnes de procéder à l'inscription de l'enfant D... dans l'école maternelle Les Raguidelles dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de condamner la commune de Suresnes à leur verser la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait des décisions illégales prises à leur encontre, à titre subsidiaire, avant-dire droit, d'ordonner la production par la commune de Suresnes de la liste des dérogations admises et des motifs acceptés ainsi que tout document utile pour la résolution du litige.
Par un jugement n° 2008044 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 18 mai 2020 du maire de la commune de Suresnes, pour absence de motivation en droit, et rejeté le surplus des conclusions des requérants.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février et 13 mars 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Dalil, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner avant-dire droit toute mesure d'instruction utile pour la solution du litige et notamment la communication des motifs et critères pour l'octroi d'une dérogation à la carte scolaire ;
3°) d'annuler la décision du 2 juillet 2020 confirmant le rejet de demande de dérogation à la carte scolaire, la décision du 18 mai 2020 ayant déjà fait l'objet d'une annulation par le tribunal administratif ;
4°) d'enjoindre au maire de Suresnes de procéder à l'inscription de leur enfant D... à l'école Les Raguidelles dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de condamner la commune de Suresnes à leur verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
6°) de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le régime de la preuve a été méconnu par les premiers juges dès lors qu'ils ont apporté des éléments laissant penser à l'existence d'une discrimination ; la commune a en effet accordé 121 dérogations à la carte scolaire pour les 12 maternelles ; elle refuse de communiquer la répartition exacte des dérogations acceptées et des motifs retenus ; or, les premiers juges n'ont pris aucune mesure avant-dire droit et n'ont pas tiré de conséquence des refus de communication d'éléments par la commune ;
- le jugement n'est pas signé ;
- les décisions contestées ne sont pas motivées en fait et en droit ;
- elles ont été prises au terme d'une procédure irrégulière sans qu'il soit possible de connaître les critères retenus ; aucune commission n'a été constituée pour les demandes de dérogation ;
- elles sont entachées d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ; les capacités d'accueil n'étaient pas saturées et l'accueil de leur enfant ne remettait pas en cause le bon équilibre des effectifs scolaires ; il n'est pas établi que les effectifs des classes maternelles étaient supérieurs aux effectifs maximums ;
- elles méconnaissent le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination ; le régime de la preuve a aussi été méconnu ; des dérogations ont déjà été accordées pour des raisons de proximité ou de choix pédagogiques sans que la commune ne donne le détail de ces dérogations ; en l'absence de production des éléments demandés, tels que la liste des dossiers admis et les motifs retenus, la commune doit être regardée comme n'apportant pas la preuve de l'absence de discrimination ; la commune reconnaît en effet avoir accordé un nombre important de dérogations mais sans en préciser le motif ;
- elles sont illégales par voie d'exception, la délibération du 19 décembre 2012 délimitant les secteurs scolaires étant elle-même illégale, en l'absence de mixité sociale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2024, la commune de Suresnes conclut au rejet de la requête et demande la suppression d'un passage des écritures des requérants, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative et qu'une somme de 3 000 euros soit mise à leur charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions tendant à ce que des mesures d'instruction soit prises avant-dire droit ont été présentées au-delà du délai d'appel du jugement et doivent être rejetées comme irrecevables ;
- le jugement a été signé ;
- les règles d'établissement de la preuve et les obligations en matière d'instructions n'ont pas été méconnues par les premiers juges, le tribunal disposant des éléments suffisants pour juger ;
- le refus d'accorder la dérogation à la carte scolaire était parfaitement justifié, en raison des effectifs scolaires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général des collectivité territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Goasdoué, substituant Me Séry, pour la commune de Suresnes.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., domiciliés à Suresnes et parents de la jeune E... C..., ont déposé le 14 février 2020, pour l'entrée de leur fille à l'école maternelle au mois de septembre 2020, une demande de dérogation à la sectorisation scolaire afin de l'inscrire à l'école Les Raguidelles, au lieu de l'école Edouard Vaillant, leur école de rattachement. Par une décision du 18 mai 2020, le maire de Suresnes a rejeté leur demande de dérogation. Le 29 mai 2020, M. et Mme C... ont formé un recours gracieux, qui a été rejeté le 2 juillet 2020. Le 12 août 2020, M. et Mme C... ont demandé à être indemnisés des préjudices subis du fait de l'illégalité des décisions des 18 mai et 2 juillet 2020. Par lettre du 17 août 2020, le maire de Suresnes a rejeté leur demande d'indemnisation. M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation des décisions des 18 mai et 2 juillet 2020 et l'indemnisation à hauteur de 3 000 euros du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi. Ils demandent l'annulation du jugement du 13 décembre 2022 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 2 juillet 2020 ainsi que leur demande d'indemnisation du préjudice moral subi.
2. Il résulte de l'ampliation du jugement attaqué que la minute du jugement a été signée par le rapporteur, le président de la formation de jugement et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n'aurait pas été signé doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la demande à fin d'annulation :
3. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 10 du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure suivie par la commune de Suresnes pour prendre la décision de refus à la demande de dérogation à la sectorisation scolaire formée par les requérants. Il y a aussi lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 5 du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré d'une motivation insuffisante de la décision du 2 juillet 2020.
4. Les requérants soutiennent que la délibération du 19 décembre 2012, par la création de secteurs de rattachement, méconnait les dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'éducation aux termes duquel : " L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Il veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d'enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l'école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s'enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative (...) L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation veille, en lien avec les établissements scolaires publics et privés sous contrat et en concertation avec les collectivités territoriales, à l'amélioration de la mixité sociale au sein de ces établissements. " dès lors que l'objectif d'inclusion scolaire et de mixité sociale n'a pas été recherché. Toutefois, l'article L. 212-7 du code de l'éducation prévoit que le ressort de chaque école publique, dans les communes qui en ont plusieurs, est déterminé par délibération du conseil municipal. La délibération du 19 décembre 2012 a notamment pris en compte les effectifs scolaires et leur évolution sur le territoire de la commune pour décider l'ouverture d'une nouvelle école à compter de septembre 2013 mais aucun élément du dossier ne permet de retenir que cette sectorisation aurait pour effet de ne pas respecter l'objectif de scolarisation inclusive de tous les enfants ou de mixité sociale.
5. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure ou une pratique a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Les requérants soutiennent que le refus qui a été opposé à leur demande de dérogation de secteur scolaire pour l'école maternelle de leur enfant est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, méconnaît le principe d'égalité de traitement entre les usagers du secteur public ainsi que le principe de non-discrimination et qu'il appartenait à la commune d'établir l'absence de méconnaissance d'égalité de traitement ou de non-discrimination.
7. Ils contestent le refus opposé à leur demande, justifiée selon eux par la proximité de l'école Les Raguidelles de leur domicile et par le choix de son projet pédagogique, alors que des dérogations ont été accordées à d'autres parents d'élèves pour les mêmes motifs que ceux qu'ils avaient exposés dans leur demande. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'école Edouard Vaillant, située à trois cent cinquante mètres de leur domicile et à laquelle ils sont rattachés, est plus proche que l'école Les Raguidelles, située à 550 mètres et qui fait l'objet de leur demande de dérogation et que le nombre d'élèves par classe est plus important au sein de l'école Les Raguidelles que de l'école Edouard Vaillant. Par ailleurs, les considérations personnelles mises en avant par les requérants, telles que la fluidité ou la sécurité du trajet en raison de la nécessité de franchir un carrefour et un rond-point pour rejoindre l'école Edouard Vaillant, ou encore la facilitation des déplacements de M. C... pour conduire leur fille à l'école Les Raguidelles qui se trouve sur son trajet domicile-travail, ne sont pas suffisantes pour retenir une erreur manifeste d'appréciation du maire. De même, si les requérants se fondent sur la spécificité du projet pédagogique de l'école Les Raguidelles, il ressort des pièces du dossier que les démarches éco-citoyennes mises en avant par M. et Mme C... ont vocation à être appliquées à l'ensemble des écoles de la commune. Dès lors, en l'absence de justifications sérieuses apportées par les requérants, le refus apporté à leur demande de dérogation n'est pas de nature à constituer, en tout état de cause, une rupture d'égalité avec des demandes effectuées par d'autres parents d'élèves. Enfin, si les requérants soutiennent que le refus qui leur a été opposé trouve sa justification dans l'origine de leur pays de naissance, aucune pièce du dossier ne permet d'établir l'existence d'une discrimination à leur encontre. Pour ces motifs, et alors même que la commune ne donne pas le détail exact ou la nature précise des dérogations accordées à d'autres parents d'élèves pour l'inscription de leurs enfants à l'école Les Raguidelles, et sans qu'il soit besoin de réaliser des mesures d'instruction en ce sens, le moyen tiré d'une méconnaissance d'égalité de traitement et de l'existence d'une discrimination doit être écarté.
8. Enfin, le moyen tiré de ce que le motif tiré de la suppression d'une classe serait entaché d'illégalité et le moyen tiré de ce que le maire de la commune se serait fondé sur des faits matériellement inexacts doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 12 et 14 du jugement attaqué. Il y a ainsi lieu de rejeter les conclusions de M. et Mme C... à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction.
En ce qui concerne la demande à fin d'indemnisation :
9. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.
10. La décision du 2 juillet 2020 portant refus de faire droit à la demande de dérogation scolaire de M. et Mme C... n'est entachée d'aucune illégalité fautive de nature à justifier une indemnisation. Par ailleurs, le préjudice moral allégué par les requérants ne présente aucun lien de causalité avec le vice de forme ayant entaché la décision du 18 mai 2020, annulée par le tribunal administratif pour absence de motivation en droit. Par suite, la demande des requérants tendant à la condamnation de la commune de Suresnes à leur verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande de la commune tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
11. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
12. Le passage des écritures des requérants dont la suppression est demandée par la commune de Suresnes, même s'il peut être critiqué au regard de certains termes excessifs ou peu amènes employés pour essayer de justifier l'existence d'une discrimination, n'excède pas le droit à la libre discussion et ne présente pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire. Par suite, la commune de Suresnes n'est pas fondée à en demander la suppression, ni, par voie de conséquence, à solliciter le bénéfice de dommages-intérêts sur le fondement des mêmes dispositions.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en appel par la commune de Suresnes, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs conclusions.
Sur les frais liés à l'instance :
14. La commune de Suresnes n'étant pas la partie perdante, les conclusions de M. et Mme C... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre la somme de 2 000 euros à la charge des requérants à verser à la commune de Suresnes en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront la somme de 2 000 euros à la commune de Suresnes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Suresnes tendant à la suppression de passages injurieux sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et A... C... et à la commune de Suresnes.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
J-E. PilvenLe président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE00375