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19/11/2024 | FRANCE | N°22VE02591

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 19 novembre 2024, 22VE02591


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I. M. B... E... et Mme C... E..., agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils A... E..., ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans à leur verser une somme de 25 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres résultant des fautes commises par cet établissement lors de l'accouchement de Mme E... de A... le 25 juin 2008, et de condamner solidairement le CHR d'Or

léans et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à leur verser la somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. B... E... et Mme C... E..., agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils A... E..., ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans à leur verser une somme de 25 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres résultant des fautes commises par cet établissement lors de l'accouchement de Mme E... de A... le 25 juin 2008, et de condamner solidairement le CHR d'Orléans et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à leur verser la somme provisionnelle de 700 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices de leur fils, ainsi qu'une rente annuelle de 40 857,60 euros à valoir sur l'indemnisation des frais correspondant aux dépenses liées à l'assistance par une tierce personne, à compter du 28 juin 2022 et jusqu'à la fixation définitive des préjudices de leur fils, et une somme de 20 000 euros chacun en réparation de leur préjudice extrapatrimonial exceptionnel.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loir-et-Cher, agissant au nom et pour le compte de la CPAM du Loiret, a demandé au tribunal de condamner solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à lui verser la somme totale de 100 260,12 euros en remboursement des dépenses engagées pour le compte de la victime entre le 26 juin 2008 et le 19 janvier 2022.

F... national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a demandé au tribunal de condamner solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à lui verser la somme de 83 215,66 euros au titre des indemnités versées aux époux E... en application de deux protocoles transactionnels, à lui verser la somme de 1 400 euros correspondant aux frais d'expertise qu'elle a engagés et à lui verser la somme de 12 468,84 euros au titre de la pénalité prévue par les dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

II. La SHAM a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler le titre exécutoire émis le 31 octobre 2018 à son encontre par D... et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 83 125,66 euros.

Par un jugement n° 1801703-1902314 du 17 décembre 2020, le tribunal a condamné solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à verser à D... la somme de 82 128,63 euros en remboursement des sommes versées en application des protocoles transactionnels, la somme de 1 400 euros correspondant aux frais d'expertise ainsi que la somme de 4 106, 43 euros au titre de la pénalité prévue par les dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Il a en outre condamné le CHR d'Orléans à verser à G... la somme de 67 512,07 euros et à verser à M. et Mme E... la somme de 15 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection. Il a également ordonné, avant dire droit, une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices subis par A.... Il a enfin annulé le titre exécutoire émis le 31 octobre 2018 à l'encontre de la SHAM.

Par un jugement n° 1801703-1902314 du 19 septembre 2022, le tribunal a condamné solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à verser à M. et Mme E..., d'une part, la somme de 236 833,11 euros au titre des préjudices subis par leur fils ainsi qu'une rente trimestrielle d'un montant de 12 001,96 euros jusqu'au 26 juin 2024 au titre des dépenses d'assistance par une tierce personne, d'autre part, la somme de 20 000 euros chacun au titre de leur préjudice exceptionnel. Le tribunal a en outre condamné le CHR d'Orléans et la SHAM à verser à G... la somme de 32 748,05 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 novembre 2022, le 28 novembre 2022 et le 4 octobre 2024, le CHR d'Orléans et la SHAM, devenue la société Relyens Mutual Insurance, représentés par la SARL Le Prado-Gilbert, société d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demandent à la cour :

1°) d'annuler ces jugements du 17 décembre 2020 et du 19 septembre 2022 ;

2°) de décharger la SHAM de l'obligation de payer la somme de 83 125,66 euros ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme E..., D... et G... devant le tribunal.

Ils soutiennent que :

- les jugements attaqués sont insuffisamment motivés ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté leurs fins de non-recevoir opposées à l'encontre des époux E..., tirées de l'acceptation de l'indemnisation proposée par D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et de la tardiveté de leur demande ;

- c'est également à tort que le tribunal a écarté leurs fins de non-recevoir opposées à l'encontre de D..., tirées de la tardiveté de sa demande et de l'émission d'un titre exécutoire ;

- c'est encore à tort que le tribunal a estimé que l'hôpital avait commis une faute en retardant à 13h30 la décision de pratiquer une césarienne ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a estimé que cette faute était la cause directe et exclusive du dommage ; le cas échéant, la faute n'a pu être à l'origine que d'une perte de chance d'éviter le dommage, dont l'ampleur devra être évaluée par une nouvelle expertise ;

- à titre plus subsidiaire, le tribunal a procédé à une évaluation excessive des préjudices ; en particulier, l'indemnité accordée au titre des souffrances endurées, évaluées à 3/7 par l'expertise ordonnée par le tribunal, devra être ramenée à de plus justes proportions ;

- G... ne peut prétendre au remboursement des frais d'hospitalisation qui auraient été exposés en l'absence de toute complication ;

- l'indemnité accordée par le tribunal au titre des frais correspondant à l'assistance par une tierce personne pour les besoins d'aide en accompagnement entre les 5 ans et les 8 ans de l'enfant doit être ramenée, compte tenu des éléments pris en compte par le jugement du 19 septembre 2022, à la somme de 5 304,64 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 décembre 2022, 18 septembre 2024, et 9 octobre 2024, M. et Mme E..., représentés par Me Pontruché, avocate, concluent au rejet de la requête du CHR d'Orléans et de la SHAM et, par la voie de l'appel incident, demandent à la cour :

1°) de porter à la somme de 636 527,38 euros le montant de l'indemnité que le tribunal a condamné solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à leur verser, en leur qualité de représentants légaux de leur fils, au titre des dépenses correspondant aux besoins d'assistance par une tierce personne ;

2°) de condamner solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à leur verser une rente provisionnelle annuelle d'un montant de 49 680 euros, avant déduction de la prestation de compensation du handicap, à compter du 26 juin 2024 jusqu'à l'intervention d'une décision définitive statuant sur les préjudices de A... après consolidation de son état de santé ;

3°) de condamner solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à leur verser la somme de 55 000 euros au titre des frais liés au renouvellement d'un véhicule adapté ;

4°) de porter à la somme de 30 000 euros le montant de l'indemnité allouée par le tribunal au titre du préjudice esthétique temporaire ;

5°) de mettre à la charge du CHR d'Orléans et de la SHAM la somme la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la circonstance qu'ils étaient été indemnisés par D... en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé public, à titre provisionnel et pour certains chefs de préjudice n'est pas de nature à rendre leur demande indemnitaire irrecevable ;

- cette demande n'est pas tardive ;

- l'équipe médicale a commis une faute en s'abstenant de pratiquer une césarienne en urgence dès 13h ;

- ce retard fautif est la cause directe et exclusive du dommage, dont ils demandent par conséquent la réparation intégrale ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande d'indemnisation des frais correspondant au renouvellement d'un véhicule adapté au handicap de leur fils ; il y a lieu de leur allouer, à titre provisionnel, une indemnité de 55 000 euros ;

- l'indemnité accordée au titre du préjudice esthétique temporaire est insuffisante ; il y a lieu de porter le montant de cette indemnité à la somme de 30 000 euros pour ce qui concerne la période antérieure à l'arrêt à intervenir ;

- il y a lieu de confirmer le montant de l'indemnité allouée par le tribunal au titre des troubles dans leurs conditions d'existence, à hauteur de 20 000 euros chacun, pour la période antérieure au 19 septembre 2022.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2023, la CPAM de Loir-et-Cher, représentée par Me Maury, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du CHR d'Orléans et de son assureur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'équipe médicale a commis une faute en s'abstenant de pratiquer une césarienne en urgence dès 13h ;

- ce retard fautif est la cause directe et exclusive du dommage ;

- aucun des frais d'hospitalisation de la victime n'aurait été engagé en l'absence de faute ; le montant de l'indemnité allouée à la caisse en première instance doit donc être confirmé.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2023, D..., représenté par Me Welsch, avocate, conclut au rejet de la requête du CHR d'Orléans et de la SHAM et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour :

1°) de porter le montant de l'indemnité que le CHR d'Orléans et la SHAM ont été solidairement condamnés à lui verser en remboursement des deux protocoles transactionnels à la somme de 83 215,66 euros ;

2°) de porter le montant de la pénalité infligée en application du 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique à la somme de 12 482,34 euros ;

3°) de mettre à la charge de la SHAM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'équipe médicale a commis une faute en s'abstenant de pratiquer une césarienne en urgence dès 13h ;

- ce retard fautif est la cause directe et exclusive du dommage ;

- c'est ainsi à juste titre que le tribunal a condamné solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à lui verser une indemnité en remboursement des sommes versées aux époux E... en application de protocoles transactionnels ; en revanche, le montant de cette indemnité doit être porté à la somme de 83 215,66 euros, le tribunal ayant estimé à tort que les sommes de 728,04 et 269 euros n'étaient pas justifiées ;

- il y a lieu d'infliger à la SHAM, sur le fondement des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, une pénalité correspondant à 15 %, et non seulement 5 % comme l'a prévu le tribunal, de l'indemnité mise à sa charge.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Goldnadel, représentant le centre hospitalier régional d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., admise au centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans le 25 juin 2008, a donné naissance par césarienne le 26 juin à un enfant, prénommé A..., qui conserve de graves séquelles neurologiques d'une asphyxie fœtale liée à une rupture utérine. M. et Mme E... ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI), qui a prescrit la réalisation d'une expertise. Par un avis rendu le 23 mars 2010 sur la base de cette expertise, la CRCI a conclu que le CHR d'Orléans avait commis une faute à l'origine directe et exclusive des préjudices de l'enfant. La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur de l'établissement hospitalier, ayant refusé d'adresser une offre d'indemnisation à M. et Mme E..., F... national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (D...) a conclu avec M. et Mme E..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., deux protocoles d'indemnisation en vertu des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, pour un montant de 58 116 euros le 8 mars 2012 et pour un montant de 25 009,66 euros le 7 avril 2014.

2. M. et Mme E..., ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loir-et-Cher, agissant au nom et pour le compte de la CPAM du Loiret, ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le CHR d'Orléans et la SHAM à les indemniser des préjudices résultant des conditions de la naissance de A.... Dans le cadre de ce litige, enregistré au greffe du tribunal administratif d'Orléans sous le n° 1801703, D... a demandé la condamnation du CHR d'Orléans et de la SHAM à le rembourser des sommes versées à M. et Mme E... en application des deux protocoles transactionnels précités.

3. En parallèle, D... a émis le 31 octobre 2018 un avis des sommes à payer à l'encontre de la SHAM, en vue de recouvrer les sommes versées à M. et Mme E... pour un montant total de 83 125,66 euros. La SHAM a formé opposition contre cet avis des sommes à payer dans une instance enregistrée sous le n° 1902314 au greffe du tribunal administratif d'Orléans.

4. Par un jugement du 17 décembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans, qui a joint les deux affaires, a condamné solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à verser à D... la somme de 82 128,63 euros en remboursement des sommes versées en application des protocoles transactionnels, la somme de 1 400 euros correspondant aux frais d'expertise ainsi que la somme de 4 106, 43 euros au titre de la pénalité prévue par les dispositions du 5ème alinéa de l'article L 1142-15 du code de la santé publique. Il a en outre condamné le CHR d'Orléans à verser à G... la somme de 67 512,07 euros et à verser à M. et Mme E... la somme de 15 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection. Il a également ordonné, avant dire droit, une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices subis par A.... Il a enfin annulé le titre exécutoire émis le 31 octobre 2018 à l'encontre de la SHAM.

5. Par un jugement du 19 septembre 2022, rendu après remise du rapport d'expertise du 6 janvier 2022, le tribunal a condamné solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM à verser à M. et Mme E..., d'une part, la somme de 236 833,11 euros au titre des préjudices subis par leur fils ainsi qu'une rente trimestrielle d'un montant de 12 001,96 euros jusqu'au 26 juin 2024 au titre des dépenses d'assistance par une tierce personne, d'autre part, la somme de 20 000 euros chacun au titre de leur préjudice exceptionnel. Le tribunal a en outre condamné le CHR d'Orléans et la SHAM à verser à G... la somme de 32 748,05 euros.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le CHR d'Orléans et la SHAM :

En ce qui concerne les demandes de M. et Mme E... :

6. En premier lieu, dans le cas où un dommage corporel est imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, la victime ou, si elle est décédée, ses ayants droit, peuvent solliciter une indemnisation dans le cadre de la procédure amiable prévue par les articles L. 1142-4 et suivants du code de la santé publique. En vertu des dispositions de l'article L. 1142-14 de ce code, lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation a émis l'avis que le dommage engage la responsabilité d'un établissement de santé, il appartient à l'assureur de cet établissement de faire une offre d'indemnisation. Aux termes de l'article L. 1142-15 : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre (...), F... institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. / (...) / L'acceptation de l'offre de F... vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur (...) / F... est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur (...)/ En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à F... une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. ".

7. Dès lors que le troisième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique prévoit que l'acceptation par la victime de l'offre de D... vaut transaction, la victime ne dispose plus d'une action contre l'établissement. Il n'en va autrement que dans le cas où l'offre de F... exclue explicitement de son champ certains des préjudices imputables à l'établissement de santé. La victime conserve, dans cette hypothèse, une action contre l'établissement au titre des préjudices que l'indemnité versée par F... n'avait pas pour objet de réparer.

8. En l'espèce, si M. et Mme E... ont perçu de la part de D... la somme totale de 83 125,66 euros, en exécution des deux protocoles transactionnels conclus les 8 mars 2012 et 7 avril 2014, ces protocoles précisent que " l'acceptation de l'offre est effectuée à titre de provision " dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de la victime. En outre, ces protocoles n'entendent indemniser que certains préjudices (le déficit fonctionnel temporaire subi du 26 juin 2008 au 12 janvier 2010, les souffrances endurées, les frais correspondant à l'achat d'un véhicule adapté et à l'adaptation d'un fauteuil pivotant, des frais d'équipement, des frais d'adaptation du logement ainsi que des frais de change). M. et Mme E... restent donc recevables à demander au CHR d'Orléans et à son assureur l'indemnisation des préjudices que ces protocoles n'avaient pas pour objet de réparer.

9. En deuxième lieu, il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique.

10. Si le CHR d'Orléans et la SHAM ont fait valoir devant les premiers juges que la requête de M. et Mme E... serait tardive au motif qu'elle aurait été enregistrée après l'expiration d'un délai raisonnable courant à compter du courrier du 2 juillet 2010 par lequel la SHAM a refusé de leur faire une offre d'indemnisation, la règle rappelée au point 9 ne trouve pas à s'appliquer au recours indemnitaire présenté par les intéressés et tendant à la mise en jeu de la responsabilité du CHR d'Orléans et de la SHAM.

En ce qui concerne les demandes de D... :

11. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le CHR d'Orléans et la SHAM ne sont pas fondés à soutenir que les conclusions indemnitaires présentées par D... dans le cadre de l'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif d'Orléans sous le n° 1801703 seraient tardives.

12. En deuxième lieu, lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes versées aux victimes en application de la transaction conclue avec ces dernières, D... peut soit émettre un titre exécutoire à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances, soit saisir la juridiction compétente d'une requête à cette fin. Toutefois, F... n'est pas recevable à saisir le juge d'une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité versée à la victime lorsqu'il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. Réciproquement, il ne peut légalement émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement forcé de sa créance s'il a déjà saisi le juge ou s'il le saisit concomitamment à l'émission du titre.

13. En l'espèce, D... a, dans le cadre de l'instance n° 1801703, formulé à l'encontre du CHR d'Orléans et de la SHAM des conclusions tendant au remboursement des sommes versées à M. et Mme E... qui ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif d'Orléans le 17 juillet 2018. Si, le 31 octobre 2018, F... a émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la même somme, cette circonstance postérieure à l'introduction de ses demandes est sans incidence sur la recevabilité de celles-ci.

Sur le principe de responsabilité :

14. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 1er février 2010 établi par les deux experts désignés par la CRCI, l'un pédiatre réanimateur, l'autre gynécologue-obstétricien, que l'enfant A... a subi avant sa naissance une anoxie fœtale du fait d'une rupture utérine, à l'origine de lésions ischémiques cérébrales sévères. M. et Mme E..., ainsi que la CPAM et D..., soutiennent que ces lésions auraient pu être évitées si une césarienne en urgence avait été pratiquée plus tôt et que le retard à prendre la décision de procéder à cet acte constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHR d'Orléans.

15. Le rapport du 1er février 2010 indique que l'équipe médicale a pu valablement décider, à l'admission de Mme E..., de procéder au déclenchement de l'accouchement, plutôt qu'à une césarienne, mais que ce choix aurait dû être accompagné d'une surveillance étroite du travail, afin d'être en mesure de réaliser une césarienne en urgence à tout moment, compte tenu des facteurs de risque présents, en particulier le fait que Mme E... présentait un utérus cicatriciel. Ce rapport précise également qu'à 13 heures des bradycardies, à 80 battements par minute, se sont produites à chaque contraction et se sont prolongées après celles-ci et qu'à partir de 13h10, le rythme cardiaque fœtal est tombé à 60 battements par minutes puis que le signal a été perdu à 13h20. Les experts estiment ainsi qu'à compter de 13 heures, eu égard à l'importance du ralentissement apparu et aux longues périodes d'anomalies du rythme cardiaque fœtal observées auparavant, une extraction en urgence aurait dû être décidée. Le CHR d'Orléans se prévaut certes de l'avis d'un gynécologue obstétricien qu'il a consulté de façon non contradictoire, qui indique, en premier lieu, que les anomalies du rythme cardiaque fœtal survenues avant 13 heures étaient modérées, en deuxième lieu, que le rapport du 1er février 2010 n'utilise pas la terminologie utilisée par le conseil national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), et confond bradycardie et ralentissement, en troisième lieu, que des décélérations variables sévères répétées ne sont survenues qu'à compter de 13h08 et ne pouvaient être qualifiées de bradycardie sévère, témoignant d'un risque important d'acidose fœtal et justifiant alors d'appeler l'obstétricien, qu'à l'issue d'une durée de dix minutes.

16. Toutefois, les recommandations pour la pratique clinique portant sur les modalités de surveillance fœtale pendant le travail, émises par le CNGOF le 12 décembre 2007, distinguent les bradycardies, qui correspondent à un rythme cardiaque fœtal inférieur à 110 battements par minutes pendant une durée de dix minutes, des ralentissements, d'une durée inférieure à deux minutes et des ralentissements prolongés, d'une durée comprise entre deux et dix minutes. Elles qualifient de sévère une bradycardie caractérisée par un rythme inférieur à 90 battements par minutes et précisent qu'en présence de ralentissements prolongés répétés et d'une variabilité minime, une décision d'extraction rapide doit être prise en raison du risque important d'acidose et qu'en présence soit d'une bradycardie sévère subite, soit de ralentissements prolongés répétés et d'une variabilité absente, une décision d'extraction immédiate doit être prise compte tenu du risque majeur d'acidose. Ainsi, ces recommandations ne sont pas de nature à contredire les conclusions des experts désignés par la CRCI quant au caractère sévère du ralentissement du rythme cardiaque observé à compter de 13 heures, qui s'est encore accru à 13h08 et à la nécessité de prendre, au plus tard à 13h08, la décision de procéder à une césarienne en urgence. Il y a par suite lieu d'estimer qu'en ne prenant pas une telle décision dès 13h08, l'équipe médicale a commis une faute de nature à engager la responsabilité du CHR d'Orléans.

Sur le lien de causalité :

17. Le rapport du 1er février 2010, qui souligne que l'extraction de l'enfant a été réalisée rapidement une fois la décision d'intervenir prise, à 13h30, puisque l'enfant est né à 13h44, indique que le retard à prendre la décision de pratiquer une césarienne est à l'origine d'une perte de chance totale d'éviter les lésions ischémiques cérébrales à l'origine du dommage subi par l'enfant. Si le CHR d'Orléans fait valoir qu'il n'est pas possible d'affirmer que l'enfant n'aurait pas conservé de séquelles s'il était né, grâce à une décision prise dès 13h08, à 13h25, il ne se fonde à cet égard sur aucun élément précis pour remettre en cause les conclusions claires des experts, alors au surplus qu'une rupture utérine s'est produite avant la décision de pratiquer une césarienne. Dans ces conditions, il y a lieu d'estimer que les séquelles neurologiques dont est atteint l'enfant trouvent leur cause directe et exclusive dans le retard fautif et qu'il y a lieu de procéder à une réparation intégrale du dommage.

Sur l'évaluation des préjudices :

18. Le rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif d'Orléans à la suite du jugement du 17 décembre 2020 indique que la consolidation de l'état de santé de A... ne pourra être fixée qu'après ses vingt-et-un ans révolus. Toutefois, l'absence de consolidation de l'état de santé de la victime, impliquant notamment l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soient mises à la charge du responsable du dommage la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises des séquelles neurologiques dont il est atteint.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

19. Il résulte du relevé des débours établi le 18 février 2022 que la CPAM de Loir-et-Cher a exposé pour le compte de A... des frais d'hospitalisation au cours de la période allant du 26 juin 2008 au 4 juillet 2008, puis du 12 juillet 2018 au 24 janvier 2019, des frais médicaux et pharmaceutiques pour la période courant du 4 juillet 2008 au 19 janvier 2022, des frais d'appareillage pour la période allant du 14 octobre 2008 au 28 décembre 2021 et des frais de transport pour la période du 1er septembre 2008 au 7 janvier 2020, pour un montant total de 100 260,12 euros. Le CHR d'Orléans fait cependant valoir à juste titre qu'en l'absence de complications, l'enfant aurait été hospitalisé à la maternité quelques jours après sa naissance. Il y a donc lieu de déduire le montant des frais correspondant à un tel séjour, qui peuvent être évalués, au vu de la réponse apportée le 2 octobre 2024 par la CPAM à la demande de la cour, à la somme de 2 983,30 euros. L'ensemble des autres frais dont fait état la caisse est en lien avec la faute commise par le centre hospitalier. M. et Mme E... ne font pas état de dépenses de santé qui seraient restées à leur charge. La somme que le tribunal a condamné solidairement le CHR d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance, anciennement dénommée la SHAM, à verser à la CPAM de Loir-et-Cher, agissant au nom et pour le compte de la CPAM du Loiret au titre de ses débours jusqu'au 19 janvier 2022 sera ramenée à la somme totale de 97 276,82 euros.

S'agissant des frais divers :

20. Le rapport d'expertise du 6 janvier 2022 précise que le handicap de A..., qui se déplace en fauteuil roulant et qui doit se rendre à de nombreuses consultations médicales, a rendu nécessaire l'aménagement d'une chambre et d'une salle de bain au rez-de-chaussée de la maison familiale, ainsi qu'un aménagement du véhicule familial lui permettant d'accueillir le fauteuil roulant.

21. En premier lieu, si l'achat d'un véhicule adapté au handicap de A... résulte de la faute commise par l'hôpital, seul le surcoût lié à l'achat d'un tel véhicule, puis à son renouvellement périodique peut donner lieu à une indemnisation.

22. D'une part, il résulte de l'instruction que D... a versé à M. et Mme E... la somme de 42 722 euros, au vu d'une proposition commerciale établie le 18 mars 2011 pour l'achat d'un véhicule adapté d'un montant de 43 580 euros et d'un devis en date du 28 septembre 2011 correspondant à la mise en place d'un système pivotant pour le fauteuil roulant pour ce type de véhicule pour un montant de 6 752 euros. Le CHR d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance ne contestent pas que la somme versée par D... à M. et Mme E... corresponde au surcoût lié à l'achat puis à l'aménagement d'un véhicule adapté. C'est, dès lors, par une juste appréciation que le tribunal les a condamnés à verser à D... la somme de 42 722 euros à ce titre.

23. D'autre part, M. et Mme E... font valoir qu'ils ont souhaité renouveler en 2022 leur véhicule acquis dix ans auparavant, et qu'il n'existe qu'un seul modèle adapté qui ne nécessite pas d'aménagements complémentaires en produisant un devis d'un montant de 58 591,76 euros. Il y a lieu d'évaluer le montant du surcoût lié à l'acquisition de ce véhicule à la somme de 35 000 euros, et de condamner solidairement le CHR d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance à verser cette somme à M. et Mme E....

24. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que D... a versé à M. et Mme E... la somme totale de 24 281,62 euros, au vu d'une facture établie le 11 octobre 2012 d'un montant de 23 131 euros pour des travaux d'aménagement d'une chambre et d'une salle de bain en rez-de-chaussée, et d'une facture établie le 16 mai 2012 correspondant à l'achat d'une poussette pour un montant de 881,63 euros restés à la charge des intéressés. Si ces frais sont en lien avec le handicap de A..., les deux factures précitées ne permettent de les justifier qu'à hauteur de la somme de 24 012,63 euros. Par conséquent, c'est à juste que les premiers juges ont mis cette somme à la charge solidaire du CHR d'Orléans et de la société Relyens Mutual Insurance.

25. En troisième lieu, le rapport du 6 janvier 2022 précise que A... n'avait pas acquis la propreté à trois ans compte tenu de son handicap. Par conséquent, les frais correspondant à l'achat de couches pour la période du 26 juin 2011 au 31 décembre 2012 sont en lien avec la faute de l'hôpital. L'évaluation de ces dépenses faite par D... sur la base d'un prix unitaire de 30 centimes par couche à une somme de 728,04 euros ne paraît pas excessive. Le CHR d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance seront donc condamnés à la verser à D....

S'agissant des dépenses correspondant à l'assistance par une tierce personne :

Quant aux dépenses engagées jusqu'au 26 janvier 2024 :

26. Le rapport d'expertise établi le 6 janvier 2022 indique que le besoin en aide humaine de A... pour la période comprise entre les 3 et les 18 mois de l'enfant était de 7 heures par semaine pour l'aide de substitution et de 5 heures par semaine sur onze mois pour l'aide d'accompagnement, que ces besoins étaient respectivement de 10h30 et 5 heures pour la période courant de ses 18 mois à ses trois ans, puis de 14 heures par semaine pour l'aide de substitution, le même nombre d'heures pour l'aide de stimulation, présence et supervision et 5 heures par semaine sur onze mois pour l'aide d'accompagnement entre ses 3 et 5 ans. Entre les 5 et 12 ans de l'enfant, le besoin en aide de substitution est évalué à 21 heures par semaine le besoin en l'aide de stimulation, présence et supervision à 20 heures par semaine et l'aide d'accompagnement, pour la période de scolarisation entre les 5 et 8 ans, à 4 heures par semaine pendant les périodes scolaires et à 3 heures par semaine pendant les vacances scolaires. Entre les 12 et 13 ans de l'enfant, le besoin est évalué à 31h30 par semaine pour l'aide de substitution, à 20 heures par semaine pour l'aide de stimulation, présence et supervision et à 1h30 par semaine pour l'aide d'accompagnement. Ces volumes horaires ne sont pas contestés par le CHR d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance. L'experte indique que ces besoins seront à réévaluer aux seize ans de l'enfant, il y a donc lieu de considérer que le besoin était le même des douze ans aux seize ans de A..., soit jusqu'au 26 juin 2024.

27. Eu égard à la gravité du handicap de A..., il y a lieu en l'espèce de prendre en compte pour calculer le montant total des frais correspondant un taux horaire de 18 euros comme le demandent M. et Mme E.... Le préjudice correspondant à la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, calculé sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, peut être évalué à la somme de 660 350 euros euros pour la période du 26 juin 2008 au 26 juin 2024.

28. Néanmoins, il résulte de l'instruction que sur cette période, M. et Mme E... ont perçu au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé puis de la prestation de compensation du handicap la somme totale de 98 520,58 euros. Il y a lieu de déduire ce montant de l'indemnité mise à la charge du CHR d'Orléans et de la société Relyens Mutual Insurance dès lors, notamment, que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit sa récupération en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune. Par conséquent, il y a lieu de porter le montant de l'indemnité que le CHR d'Orléans et de la société Relyens Mutual Insurance ont été condamnés à verser à M. et Mme E... à ce titre à la somme de 561 828, 50 euros.

Quant aux dépenses futures :

29. Le rapport d'expertise du 6 janvier 2022, établi alors que A... avait 13 ans, indique que le handicap et ses conséquences sur le besoin en assistance par une tierce personne devront être réévalués aux seize ans de l'enfant et précise que la consolidation de l'état de santé interviendra après ses 21 ans révolus. M. et Mme E... demandent ainsi l'indemnisation provisionnelle des frais qui seront exposés jusqu'aux 21 ans de leur enfant.

30. Si l'étendue des besoins futurs ne peut en l'état être évalué avec précision, le rapport du 6 janvier 2022 indique que les séquelles neurologiques majeures constatées sont vraisemblablement définitives et à l'origine d'une absence d'autonomie dans la vie quotidienne. Par suite, il y a lieu, dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de la victime, de prévoir le versement d'une rente provisionnelle correspondant aux besoins d'assistance par une tierce personne pour la période du 26 juin 2024 au 26 juin 2029 d'un montant de 10 000 euros, dont le montant des sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap et de l'AEEH devront être déduites.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

31. Le rapport d'expertise du 6 janvier 2022 indique qu'hormis les périodes d'hospitalisation, soit du 26 juin 2008 au 4 juillet 2008, puis du 25 septembre au 1er octobre 2019, puis du 13 au 16 octobre 2019 et le 24 avril 2018, au cours desquels A... a subi un déficit fonctionnel temporaire total, le déficit fonctionnel temporaire subi depuis sa naissance est de 80% compte tenu de son polyhandicap. Il y a lieu d'évaluer le déficit fonctionnel temporaire subi par l'enfant à la somme non contestée de 5 094 euros pour la période du 26 juin 2008 au 12 janvier 2010 et à la somme de 62 242 euros pour la période du 12 janvier 2010 au 19 septembre 2022. D... ayant indemnisé M. et Mme E... de la première somme en vertu du protocole d'indemnisation du 8 mars 2012, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné le CHR d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance à verser cette somme à D... et à verser la somme de 62 242 euros à M. et Mme E....

S'agissant des souffrances endurées :

32. Si le rapport d'expertise du 6 janvier 2022 indique que les souffrances endurées par A... peuvent être évaluées à 3 sur une échelle de 1 à 7, compte tenu de la contrainte des rééducations quotidiennes et des appareillages, des douleurs liées à la chirurgie de la hanche et de l'absence de mobilisation volontaire, les experts désignés par la CRCI, qui se sont prononcés sur les souffrances endurées les deux premières années de A..., ont évalué ces souffrances à 5 sur 7, en prenant en compte les soins néonataux. Les premiers juges n'ont pas fait une appréciation excessive de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 10 300 euros pour la période du 26 juin au 12 janvier 2010, indemnisée par D..., et à la somme de 15 000 euros pour la période du 12 janvier 2010 au 19 septembre 2022.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

33. Le rapport d'expertise du 6 janvier 2022 indique que le préjudice esthétique temporaire de A... peut être évalué à 5 sur 7, compte tenu de son polyhandicap et de l'altération de son image, alors qu'il est conscient de son état de déficience et dépendance. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, pour la période antérieure au présent arrêt, à la somme de 25 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices de M. et Mme E... :

34. En premier lieu, le handicap sévère dont est atteint A... a un retentissement important sur la vie quotidienne de ses parents, astreints à l'assister et à l'accompagner aux nombreuses consultations dans le cadre de la prise en charge pluridisciplinaire rendue nécessaire par son état. Les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante des troubles dans les conditions d'existence qu'ils ont subis jusqu'au 19 septembre 2022 du fait du handicap de leur fils, en les évaluant à la somme de 20 000 euros chacun.

35. En deuxième lieu, les premiers juges ont évalué le préjudice moral subi par chacun des parents de A... du fait du grave handicap dont leur fils est atteint à la somme de 15 000 euros. Cette évaluation n'est pas contestée par les parties.

Sur l'application des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 code de la santé publique :

36. La CRCI avait recommandé, dans son avis du 23 mars 2010, que l'assureur du CHR d'Orléans indemnise M. et Mme E... des préjudices tirés des dépenses de santé, des frais divers, des frais correspondant à l'assistance par une tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire pour la période antérieure au 12 janvier 2010, des souffrances endurées et du préjudice moral des parents, au vu d'un rapport d'expertise concluant sans ambiguïté à la responsabilité pleine et entière de l'hôpital. La SHAM a néanmoins refusé de les indemniser. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le CHR d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance à verser à D... la somme de 10 000 euros au titre de la pénalité prévue par les dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

37. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... sont fondés à demander que le montant de l'indemnité que le tribunal a condamné solidairement le CHR d'Orléans et la SHAM, devenue société Relyens Mutual Insurance, à leur verser soit porté à la somme de 636 828,50 euros et qu'une rente trimestrielle d'un montant de 10 000 euros leur soit versée à titre provisionnel dans les conditions prévues au point 30.

38. D... est quant à lui fondé à demander que le montant de l'indemnité qui lui est due au titre des préjudices couverts par les deux protocoles des 8 mars 2012 et 7 avril 2014 soit porté à la somme de 82 856,67 euros et que le montant de la pénalité prévue par les dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 code de la santé publique soit porté à la somme de 10 000 euros.

39. Le CHR d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance sont en revanche fondés à soutenir que le montant de l'indemnité qu'ils ont été condamnés à verser à la CPAM de Loir-et-Cher doit être ramené à la somme de 97 276,82 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

40. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHR d'Orléans et de la société Relyens Mutual Insurance la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E... et de mettre à la charge de la société Relyens Mutual Insurance la même somme au titre des frais exposés par D....

41. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du CHR d'Orléans et de la société Relyens Mutual Insurance la somme sollicitée au même titre par la CPAM de Loir-et-Cher.

D E C I D E :

Article 1er : Le montant de l'indemnité que le centre hospitalier régional d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance, anciennement dénommée la société hospitalière d'assurances mutuelles, ont été condamnés à verser à M. et Mme E... en leur qualité de représentants légaux de leur fils est porté à la somme de 636 828,50 euros.

Article 2 : Le centre hospitalier régional d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance sont condamnés à verser à M. et Mme E..., à titre provisionnel, une rente trimestrielle d'un montant de 10 000 euros dans les conditions prévues au point 30.

Article 3 : Le montant de l'indemnité que le centre hospitalier régional d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance ont été condamnés à verser à la CPAM de Loir-et-Cher est ramené à la somme de 97 276,82 euros.

Article 4 : Le montant de l'indemnité que le centre hospitalier régional d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance ont été condamnés à verser à D... est porté à la somme de 82 856,67 euros.

Article 5 : Le montant de la pénalité que le centre hospitalier régional d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance ont été condamnés à verser à D... en application des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique est porté à la somme de 10 000 euros.

Article 6 : Le centre hospitalier régional d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance verseront à M. et Mme E... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le centre hospitalier régional d'Orléans et la société Relyens Mutual Insurance verseront à D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Les jugements n° 1801703-1902314 des 17 décembre 2020 et 19 septembre 2022 du tribunal administratif d'Orléans sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional d'Orléans, à la société Relyens Mutual Insurance, anciennement dénommée la société hospitalière d'assurances mutuelles, à M. B... E... et Mme C... E..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher et à F... national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Le Gars, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

La rapporteure,

E. TROALENLa présidente,

A.-C. LE GARSLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE02591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02591
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;22ve02591 ?
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