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19/11/2024 | FRANCE | N°22VE02219

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 19 novembre 2024, 22VE02219


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre-Val de Loire a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 de l'assemblée plénière du conseil régional du Centre-Val de Loire adoptant le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ainsi que l'arrêté du 4 février 2020 du préfet de la région Centre-Val de Loire approuvant le

SRADDET.



Par un jugement n° 2002940 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif d'Orléa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre-Val de Loire a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 de l'assemblée plénière du conseil régional du Centre-Val de Loire adoptant le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ainsi que l'arrêté du 4 février 2020 du préfet de la région Centre-Val de Loire approuvant le SRADDET.

Par un jugement n° 2002940 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 14 septembre 2022 et le 19 octobre 2023, l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire, représentée par Me Lapisardi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en la condamnant au paiement de frais irrépétibles au profit de la région Centre-Val de Loire, alors que celle-ci n'était pas partie mais intervenante à l'instance ;

- les premiers juges se sont irrégulièrement fondés sur un moyen qui n'avait pas été soulevé en défense pour estimer qu'elle n'avait pas intérêt pour agir ;

- elle a bien intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté litigieux ;

- les décisions attaquées sont illégales, dès lors que l'évaluation environnementale fournie par le conseil régional est manifestement insuffisante, que le SRADDET, rédigé trop précisément, méconnaît le domaine réservé aux plans locaux d'urbanisme et que le SRADDET méconnaît gravement le droit de propriété.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, la région Centre-Val de Loire, représentée par Me Burel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- les observations de Me Lapisardi pour l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre-Val de Loire, et de Me Burel pour la région Centre-Val de Loire.

Une note en délibéré présentée pour la région Centre-Val de Loire a été enregistrée le 6 novembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 20 décembre 2019, l'assemblée plénière du conseil régional du Centre-Val de Loire a adopté le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Par un arrêté du 4 février 2020, le préfet de la région Centre-Val de Loire a approuvé le SRADDET. L'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre-Val de Loire a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de cette délibération et de cet arrêté. Par un jugement n° 2002940 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande comme irrecevable. L'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales : " La région, (...), élabore un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. / Ce schéma fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière d'équilibre et d'égalité des territoires, d'implantation des différentes infrastructures d'intérêt régional, de désenclavement des territoires ruraux, d'habitat, de gestion économe de l'espace, de lutte contre l'artificialisation des sols, d'intermodalité et de développement des transports de personnes et de marchandises, de maîtrise et de valorisation de l'énergie, de lutte contre le changement climatique, de développement de l'exploitation des énergies renouvelables et de récupération, de pollution de l'air, de protection et de restauration de la biodiversité, de prévention et de gestion des déchets. En matière de lutte contre l'artificialisation des sols, ces objectifs sont traduits par une trajectoire permettant d'aboutir à l'absence de toute artificialisation nette des sols ainsi que, par tranches de dix années, par un objectif de réduction du rythme de l'artificialisation. Cet objectif est décliné entre les différentes parties du territoire régional. (...) Les objectifs sont déterminés dans le respect des principes mentionnés à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme et dans l'ambition d'une plus grande égalité des territoires. (...) Des règles générales sont énoncées par la région pour contribuer à atteindre les objectifs mentionnés au présent article, sans méconnaître les compétences de l'Etat et des autres collectivités territoriales. (...) ". De plus, aux termes de l'article L. 4251-3 de ce code : " Les schémas de cohérence territoriale et, à défaut, les plans locaux d'urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu, (...) : 1° Prennent en compte les objectifs du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires ; / 2° Sont compatibles avec les règles générales du fascicule de ce schéma, pour celles de leurs dispositions auxquelles ces règles sont opposables. (...) ".

3. Le SRADDET de la région Centre-Val de Loire a notamment pour objet de fixer des objectifs afin de favoriser la protection et la restauration de la biodiversité, tel que l'objectif n° 18, " La région Centre-Val de Loire, première région à biodiversité positive ". Pour atteindre cet objectif, la règle générale n° 39 " Préserver la fonctionnalité des réservoirs de biodiversités et des corridors écologique identifiés localement, dans le cadre des projets " prévoit que " Pour toute nouvelle construction de clôture en forêt (cf. définition dans les principes et rappels complémentaires), il convient de respecter les critères suivants : / Hauteur maximale à 1 m 20 / Hauteur minimum de 30 cm au-dessus du sol concernant les systèmes à mailles ".

4. L'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire a pour objet social : " défendre et protéger la propriété privée dans la région Centre Val-de-Loire, notamment les titulaires de droits de la propriété foncière et lutter contre toutes les formes d'atteinte à la propriété privée ; / Mener toute action en justice, se constituer partie civile et réclamer des dommages et intérêts en faveur du respect de la propriété privée ; / Défendre en justice l'ensemble de ses membres. ". Or, selon la décision n° 2024-1109 QPC du 18 octobre 2024, il résulte du droit de propriété le droit pour le propriétaire de clore son bien foncier. Par suite, l'association requérante justifie d'un intérêt à agir lui donnant qualité pour demander l'annulation des décisions attaquées.

5. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué, qui a rejeté la demande de l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire comme irrecevable, est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de cette association.

Sur la légalité du SRADDET :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4251-13 du code général des collectivités territoriales : " Les annexes du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires comportent : / 1° Le rapport sur les incidences environnementales établi dans le cadre de l'évaluation environnementale du schéma réalisée dans les conditions prévues par le chapitre II du titre II du livre Ier du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / 1° Lorsque le projet fait l'objet d'une évaluation environnementale : (...) c) L'avis de l'autorité environnementale mentionné au III de l'article L. 122-1, le cas échéant, au III de l'article L. 122-1-1, à l'article L. 122-7 du présent code ou à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme, ainsi que la réponse écrite du maître d'ouvrage à l'avis de l'autorité environnementale (...) ". En l'espèce, il est constant que le SRADDET comprenait en annexe l'évaluation environnementale mentionnée à l'article R. 4251-13 du code général des collectivités territoriales. L'autorité environnementale a émis quelques critiques sur le contenu de cette évaluation en relevant qu'elle ne permet pas de questionner les ambitions affichées et ne s'interroge pas suffisamment sur l'efficience des cibles, auxquelles la région a globalement répondu en indiquant que certaines analyses relèvent de l'élaboration de documents distincts qui n'a pu être menée de front avec celle du SRADDET. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que cette évaluation comprendrait des erreurs et imprécisions et n'a pas suffisamment analysé les risques d'inondation et les problématiques liées à l'assainissement des collectivités, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'importance de ces erreurs, imprécisions ou lacunes serait telle qu'elle entacherait d'insuffisance cette évaluation ou qu'elles auraient pu induire en erreur le public sur les incidences environnementales du SRADDET. Ainsi, la requérante se borne à reprendre les critiques émises par l'autorité environnementale, qui n'a pas pour autant estimé que l'évaluation environnementale était insuffisante. Le moyen tiré de l'insuffisance manifeste de cette évaluation environnementale doit en conséquence être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-9 du code de l'environnement : " I. L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté les informations mentionnées à l'article L. 123-10, quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête. (...) ". Si la requérante soutient que le président de la commission d'enquête n'a pas été consulté avant l'adoption de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique, le rapport de la commission d'enquête fait état de plusieurs échanges préalables entre son président et la région sur les modalités d'organisation de l'enquête et la présentation du projet. Le moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.

8. En troisième lieu, si l'association requérante soutient que le SRADDET porte gravement atteinte au droit de propriété, elle ne met en cause, à l'appui de ce moyen, que les trois derniers alinéas de la règle générale n° 39, qui imposent que toute nouvelle construction de clôture en forêt devra respecter une hauteur maximale à 1,20 mètre et une hauteur minimum de 30 centimètres au-dessus du sol concernant les systèmes à mailles. Toutefois, ces règles sont limitées dans leur champ d'application, dès lors qu'elles ne concernent que les clôtures en forêt et comportent des exceptions, et proportionnées à l'objectif de valeur constitutionnelle poursuivi de protection de l'environnement. Le moyen tiré de l'atteinte au droit de propriété doit en conséquence être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, les trois derniers alinéas de la règle générale n° 39 du SRADDET énoncent en revanche une règle précise et impérative, et non une orientation. Par suite, ces dispositions ne sont pas au nombre de celles que les auteurs d'un tel règlement ont compétence pour édicter. Ainsi, il y a lieu d'annuler les trois derniers alinéas de la règle générale n° 39 du SRADDET et, par voie de conséquence, l'arrêté du 4 février 2020 en tant qu'il les approuve.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire est fondée à demander l'annulation des trois derniers alinéas de la règle générale n° 39 du SRADDET ainsi que de l'arrêté du 4 février 2020 du préfet de la région Centre-Val de Loire en tant qu'il les approuve.

Sur les frais de première instance :

11. Etant donné l'annulation du jugement attaqué, il n'y a plus lieu d'examiner le moyen de l'association requérante tiré de ce que la région Centre-Val de Loire, qui n'était qu'intervenante, ne pouvait se voir attribuer des frais irrépétibles et de statuer sur ses conclusions tendant au remboursement de ces frais.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre-Val de Loire, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la région Centre-Val de Loire au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros et une somme identique à la charge de la région Centre-Val de Loire au titre des frais exposés par l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2002940 du 13 juillet 2022 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : Les trois derniers alinéas de la règle n° 39 du SRADDET de la région Centre-Val de Loire sont annulés ainsi que l'arrêté du 4 février 2020 du préfet de la région Centre-Val de Loire en tant qu'il approuve ces trois derniers alinéas.

Article 3 : La région Centre-Val de Loire et l'Etat verseront chacun à l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre-Val de Loire une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre-Val de Loire est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la défense et la protection de la propriété privée pour la région Centre Val-de-Loire, au conseil régional Centre-Val de Loire et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la région Centre-Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

La rapporteure,

C. Pham Le président,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE02219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02219
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-04-02-02 Procédure. - Introduction de l'instance. - Intérêt pour agir. - Existence d'un intérêt. - Syndicats, groupements et associations.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : CABINET LAPISARDI AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;22ve02219 ?
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