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19/11/2024 | FRANCE | N°22VE00368

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 19 novembre 2024, 22VE00368


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Slam Métallerie a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'université Paris-Saclay à lui verser une somme de 303 328,42 euros au titre du solde du marché " Travaux de serrurerie pour la construction de l'Institut de sciences moléculaires d'Orsay à l'université de Paris-Orsay ", et une somme de 4 687 euros, à parfaire, au titre des intérêts moratoires, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2019.




Par un jugement n° 1909162 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Versaill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Slam Métallerie a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'université Paris-Saclay à lui verser une somme de 303 328,42 euros au titre du solde du marché " Travaux de serrurerie pour la construction de l'Institut de sciences moléculaires d'Orsay à l'université de Paris-Orsay ", et une somme de 4 687 euros, à parfaire, au titre des intérêts moratoires, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2019.

Par un jugement n° 1909162 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a condamné la société Slam Métallerie à verser à l'université Paris-Saclay une somme de 72 689,92 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du solde du marché, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 21 février 2022 et 19 janvier 2024, la société Slam Métallerie, représentée par Me Choffrut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'université Paris-Saclay à lui verser la somme totale de 308 015,42 euros TTC, avec les intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2019, au titre du solde du marché " Travaux de serrurerie pour la construction de l'Institut de sciences moléculaires d'Orsay " et des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'université Paris-Saclay la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de plusieurs erreurs manifestes d'appréciation ;

- il est entaché d'une omission à statuer concernant les pénalités de retard dans l'exécution du marché ;

- concernant les travaux supplémentaires, elle a droit au paiement de la somme de 6 528 euros TTC au titre du tôlage du local à vélos, de la somme de 582 euros TTC au titre du déplacement de l'écuyer, de la somme de 278 euros TTC au titre d'un palonnier destiné à l'ouverture de trappes, et de la somme de 6 288 euros TTC au titre des contraintes techniques liées au " cheminement en toiture en grille caillebotis ", soit la somme totale de 13 676 euros TTC ;

- concernant l'indemnisation de ses préjudices résultant des difficultés d'exécution du marché, elle a droit au paiement de la somme de 49 140 euros TTC au titre des 756 heures d'études supplémentaires demandées par la maîtrise d'ouvrage, de la somme de 114 183,44 euros TTC au titre de la réalisation dans les règles de l'art du bardage en ventelle, de la somme de 54 640 euros TTC au titre de l'allongement de 17 mois de la durée d'exécution du marché, imputable à la maîtrise d'ouvrage, de la somme de 19 559,24 euros au titre des surcoûts liés à l'organisation aléatoire du chantier ;

- le jugement doit être confirmé s'agissant des intérêts moratoires à inscrire à son crédit et à son débit ;

- c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser la somme de 45 622,48 euros au titre des pénalités de retard dans l'exécution du marché, dès lors que le retard est imputable, au moins partiellement, à l'université Paris-Saclay ;

- c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser la somme de 29 000 euros au titre des pénalités pour retard dans la levée des réserves ;

- concernant les pénalités pour absences aux réunions de chantier, elle s'en remet à l'appréciation de la cour ;

- les travaux réalisés à ses frais et risques n'étaient pas justifiés ;

- en conséquence, le solde du marché aurait dû être fixé, à son profit, à la somme totale de 308 015,42 euros TTC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2023, l'université Paris-Saclay, représentée par Me Gauch, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de la société Slam Métallerie et de confirmer en tous points le jugement ;

2°) à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement, de rejeter les demandes de la société Slam Métallerie et de la condamner à lui verser la somme de 115 870,68 euros TTC au titre du solde du marché ;

3°) de mettre à la charge de la société Slam Métallerie la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- en cas d'annulation du jugement, la cour jugera que la requérante n'a droit ni à la somme de 1 575 euros TTC au titre des études supplémentaires relatives au " cheminement en toiture en grille caillebotis ", ni à la somme de 5 803,65 euros TTC au titre du bardage en ventelle, comme l'a jugé à tort le tribunal, et que les intérêts moratoires à inscrire au crédit de la requérante seront limités à la somme de 1 500,47 euros, et non 4 687 euros comme l'a également jugé à tort le tribunal ; le solde du marché devra être fixé, au crédit de l'université Paris-Saclay, à la somme de 115 872,47 euros TTC.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Millard, substituant Me Gauch, pour l'université Paris-Saclay.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l'opération de construction de l'Institut de sciences moléculaires d'Orsay, l'université Paris-Saclay a attribué en 2014 à la société Slam Métallerie le lot n° 7 " Travaux de serrurerie ", pour un montant initial de 505 606,41 euros HT (606 727,89 euros TTC), porté par avenant à la somme de 512 612,20 euros HT (615 134,64 euros TTC). La durée initiale d'exécution du marché, fixée à vingt mois, a été prolongée de huit mois par un avenant du 12 février 2016. La réception des travaux, assortie de réserves, a eu lieu le 12 juillet 2017 et l'université Paris-Saclay a demandé à la société Slam Métallerie de lever ces réserves avant le 29 juillet 2017. Considérant que toutes les réserves n'avaient pas été levées, l'université Paris-Saclay a adressé une mise en demeure à la société Slam Métallerie le 21 septembre 2017. A l'issue d'une réunion de conciliation organisée le 26 janvier 2018, la société Slam Métallerie a indiqué à l'université Paris-Saclay qu'elle considérait que les réserves étaient intégralement levées. Par un courrier du 31 mai 2018, l'université Paris-Saclay a prononcé la résiliation du marché aux frais et risques de la société Slam Métallerie. Par un courrier du 23 avril 2019, la société Slam Métallerie a adressé à l'université Paris-Saclay un projet de décompte final, mentionnant un montant restant à lui de régler de 324 356,35 euros TTC. Après avoir conclu plusieurs marchés de substitution au cours de l'année 2019, l'université Paris-Saclay a établi le 27 juillet 2020 le décompte général du marché, mentionnant un solde de 115 870,68 euros TTC au débit de la société Slam Métallerie, assorti des intérêts moratoires pour un montant de 1 500,74 euros. La société Slam Métallerie relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles, d'une part, a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'université Paris-Saclay soit condamnée à lui verser la somme de 303 328,42 euros au titre du solde du marché et, d'autre part, l'a condamnée à verser à l'université Paris-Saclay la somme de 72 689,92 euros TTC au titre de ce solde.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si la société requérante soutient que les premiers juges ont commis des erreurs manifestes d'appréciation, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, est sans incidence sur la régularité du jugement.

3. En second lieu, la société Slam Métallerie soutient que le jugement est entaché d'une omission à statuer, dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de ce que les pénalités de retard dans l'exécution du marché qui lui ont été infligées ne sont pas justifiées, le retard résultant pour l'essentiel de l'inertie de l'université Paris-Saclay qui n'a pas usé de ses pouvoirs de contrôle et de direction pour coordonner et organiser le chantier dans de bonnes conditions. Il ressort du point 30 du jugement attaqué que, pour accorder à l'université Paris-Saclay la somme de 45 622,48 euros au titre des pénalités de retard dans l'exécution du marché, le tribunal s'est borné à relever, sans répondre au moyen susmentionné qui n'était pas inopérant, qu'" alors que les travaux devaient s'achever le 3 octobre 2016 aux termes de l'avenant n°1, ils ont été achevés le 29 juin 2017, soit 267 jours de retard ". Par suite, son jugement est entaché d'irrégularité en tant qu'il ne se prononce pas sur ce moyen et doit être annulé dans la mesure où il statue sur les conclusions de la requérante relatives aux pénalités de retard dans l'exécution du marché.

4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer sur cette partie de la demande par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.

Au fond :

En ce qui concerne les sommes à inscrire au crédit du titulaire :

S'agissant des travaux supplémentaires :

5. Le prestataire a droit au paiement des travaux supplémentaires demandés par le maître d'ouvrage et d'être indemnisé du coût des prestations supplémentaires indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art, sauf dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation.

6. La société Slam Métallerie soutient qu'elle a droit au paiement de la somme de 6 528 euros TTC au titre du tôlage du local à vélos, de la somme de 582 euros TTC au titre du déplacement de l'écuyer d'une main-courante extérieure, de la somme de 278 euros TTC au titre du palonnier destiné à l'ouverture de trappes et de la somme de 6 288 euros TTC au titre des contraintes techniques liées au " cheminement en toiture en grille caillebotis ", soit la somme totale de 13 676 euros TTC.

Quant au tôlage du local à vélos :

7. La société requérante soutient, s'agissant du tôlage du local à vélos, que l'architecte en a demandé la modification alors que l'ensemble de l'ossature était déjà réalisé et que cette modification consistait à remplacer le tôlage d'habillage, qui était en tôle perforée, par de la tôle pleine, et le lettrage en tôle pleine par de la tôle perforée. Si l'intéressée fait valoir qu'elle n'avait aucun intérêt à effectuer une telle modification et que l'université Paris-Saclay n'a d'ailleurs émis aucune réserve sur ce point lors de la réception des travaux, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à établir que ces travaux supplémentaires auraient été demandés par l'architecte. Elle n'établit pas davantage que ces prestations supplémentaires auraient été indispensables à l'exécution de l'ouvrage dans les règles de l'art. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

Quant à l'écuyer d'une main-courante extérieure :

8. La société requérante soutient, s'agissant de l'écuyer d'une main-courante extérieure, qu'il lui a été demandé de le supprimer ou de le modifier, et que cette intervention a nécessairement entraîné un surcoût. Si cette demande ressort d'un compte-rendu de chantier du 2 février 2017, il résulte de l'instruction que cet écuyer n'a pas été posé sur le muret destiné à le recevoir, mais sur le côté, alors que le cahier des clauses techniques particulières prévoit à son article 2.4.4 une " main courante en tête de muret et en continuité en rampant le long des escaliers extérieurs ". En outre, il résulte de la mention figurant au compte-rendu n° 125 que la pose de cet écuyer n'a pas été conforme aux plans de l'architecte et n'a pas été réalisée dans les règles de l'art. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

Quant au palonnier destiné à l'ouverture de trappes :

9. Si la société requérante soutient, s'agissant du palonnier destiné à l'ouverture de trappes, que cet équipement n'était pas prévu initialement, qu'elle n'avait aucun intérêt à le fournir de sa propre initiative, et que l'université Paris-Saclay n'a d'ailleurs émis aucune réserve sur ce point lors de la réception des travaux, elle ne produit en tout état de cause aucun élément de nature à établir que l'installation de cet équipement résulterait d'une demande de la maîtrise d'œuvre ou que cette prestation supplémentaire aurait été indispensable à l'exécution de l'ouvrage dans les règles de l'art. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

Quant au " cheminement en toiture en grille caillebotis " :

10. La société requérante soutient, s'agissant de la réalisation par ses soins d'un " cheminement en toiture en grille caillebotis ", que les aménagements en toiture réalisés par les autres intervenants n'ont fait l'objet d'aucun plan fiable de conception et d'exécution, ce qui l'a contrainte à réaliser elle-même des relevés sur site afin de pouvoir exécuter sa prestation. Comme l'ont relevé les premiers juges, ces allégations sont corroborées par un courrier de l'architecte en date du 20 décembre 2016, indiquant " qu'il existe de grandes disparités entre les plans de synthèse et ce qui a été exécuté " et que les plans de la requérante " sont basés sur un relevé de l'environnement ". Si la société requérante soutient qu'elle a été contrainte de procéder à une partie de la fabrication sur site, laquelle a nécessairement entraîné des contraintes techniques supplémentaires imprévues, elle n'établit pas la réalité de cette fabrication sur site ni, en tout état de cause, la réalité du surcoût allégué d'un montant de 6 288 euros TTC. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

S'agissant de l'indemnisation des préjudices résultant des difficultés d'exécution du marché :

11. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

12. La société Slam Métallerie soutient qu'elle a droit à l'indemnisation de ses préjudices résultant, selon elle, des difficultés d'exécution du marché. Elle fait valoir que ces difficultés l'ont contrainte à réaliser des études supplémentaires pour un montant de 49 140 euros TTC, que la réalisation dans les règles de l'art du bardage en ventelle lui a causé un préjudice qui peut être évalué à la somme de 114 183,44 euros TTC, que l'allongement de dix-sept mois de la durée d'exécution du marché, imputable à la maîtrise d'ouvrage, lui a causé un préjudice qui peut être évalué à la somme de 54 640 euros TTC, et que les surcoûts résultant de l'organisation aléatoire du chantier peuvent être évalués à la somme de 19 559,24 euros TTC.

Quant aux études supplémentaires :

13. La société requérante soutient que les demandes de modifications substantielles de l'université Paris-Saclay concernant la soute, l'escalier hélicoïdal, les trappes et rideaux coupe-feu, les enjambeurs et le local vélo ont nécessité des études supplémentaires de faisabilité importantes. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que seules les demandes relatives à la soute peuvent être regardées comme des demandes supplémentaires, lesquelles ont été prises en compte par l'avenant mentionné au point 1 du présent arrêt. D'autre part, l'intéressée n'établit par aucune pièce que ces sujétions imprévues, à les supposer même établies, auraient eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ou qu'elles seraient imputables à une faute de l'université Paris-Saclay dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre. En tout état de cause, et comme l'ont relevé les premiers juges, les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir le caractère nécessaire de ces études complémentaires. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

Quant au bardage en ventelle :

14. La société requérante soutient que le maître d'ouvrage a, dès l'origine, minimisé à tort les travaux nécessaires et que c'est la raison pour laquelle le montant cette prestation, initialement évalué par elle à la somme de 244 752,41 euros TTC, a été ramené à la somme de 130 568,97 euros TTC. Elle fait également valoir que, pour rendre l'ouvrage conforme aux règles de l'art, elle a été contrainte de reprendre les caractéristiques et les quantités qu'elle avait initialement prévues, ce qui justifie le paiement de la somme de 114 183,44 euros TTC, correspondant à la différence entre le montant initialement retenu et le montant finalement imposé par le maître d'ouvrage. Toutefois, en se bornant à verser au dossier deux devis établis par elle respectivement le 17 septembre 2013 et le 4 avril 2014, la requérante n'établit pas, d'une part, que les prestations supplémentaires pour lesquelles elle demande la somme de 114 183,44 euros auraient été effectivement réalisées ou qu'elles auraient, en tout état de cause, été indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art et, d'autre part, que les sujétions qu'elle invoque auraient eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ou qu'elles seraient imputables à une faute de l'université Paris-Saclay dans l'estimation de ses besoins. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

Quant à l'allongement des délais d'exécution :

15. Le titulaire du marché a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice qu'il a subi du fait de retards dans l'exécution du marché imputables au maître de l'ouvrage ou à ses autres cocontractants et distincts de l'allongement de la durée du chantier due à la réalisation des travaux supplémentaires, dès lors que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité directe.

16. La société requérante soutient qu'elle doit être indemnisée du préjudice résultant de l'allongement de dix-sept mois de la durée d'exécution du marché, imputable, selon elle, à la maîtrise d'ouvrage. Toutefois, d'une part, il est constant que la durée d'exécution du marché, initialement fixée à vingt mois, a été prolongée de huit mois par un avenant du 12 février 2016, signé par la requérante et dont il ressort que cette prolongation est sans incidence sur le montant du marché. D'autre part, s'il est vrai que la fin des travaux a été fixée au 29 juin 2017 lors de leur réception par le maître d'ouvrage, soit presque neuf mois après la date de livraison fixée par l'avenant susmentionné au 3 octobre 2016, cette circonstance ne saurait être regardée comme un bouleversement de l'économie du contrat de nature à ouvrir droit à indemnité. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que ce retard serait imputable, comme le soutient la requérante, à une faute du maître d'ouvrage commise dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché ou dans sa mise en œuvre. A cet égard, si l'intéressée fait valoir que la maîtrise d'ouvrage était absente lors de la réunion de conciliation organisée le 26 janvier 2018 et qu'elle n'a pas donné suite à son courrier du 12 janvier 2017 dans lequel elle signalait les insuffisances de la maîtrise d'œuvre, ces seules circonstances, isolées, ne sont pas de nature à établir la faute qu'elle invoque. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

Quant à l'organisation aléatoire du chantier :

17. En premier lieu, la société requérante soutient que l'impossibilité de fabriquer les mains-courantes en atelier compte tenu des imprécisions du plan et l'impossibilité de poser ces dernières de manière continue compte tenu du manque d'organisation du chantier ont engendré pour elle des surcoûts. Toutefois, l'impossibilité alléguée de fabriquer les mains-courantes en atelier n'est établie par aucune des pièces du dossier. En outre, il ressort d'un courriel du 16 janvier 2017 adressé à la requérante que le maître d'œuvre s'est borné à lui demander de ne poser les mains-courantes qu'après l'achèvement des travaux de finition du peintre, sans la contraindre pour autant à les poser au fur et à mesure de l'avancement des travaux de peinture. En tout état de cause, les surcoûts invoqués par la société requérante ne sont pas établis par les pièces du dossier. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

18. En deuxième lieu, la société requérante soutient que la soute a été l'un des premiers ouvrages demandés prioritairement et prématurément par le maître d'œuvre, dont la réception a eu lieu en novembre 2015, alors que sa pose nécessitait préalablement la réalisation des travaux de voirie et de réseaux divers (VRD), lesquels n'ont eu lieu qu'en fin de projet, la contraignant ainsi à stocker cet ouvrage jusqu'à son installation en octobre 2016, pour un coût de 9 870 euros. Toutefois, la seule circonstance que cet ouvrage a fait l'objet d'une réception partielle le 19 novembre 2015 n'est pas de nature à établir que la réalisation de cet ouvrage aurait été demandée de façon prématurée par le maître d'œuvre. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être en tout état de cause rejetée.

19. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 1.2.3.2 du cahier des clauses techniques particulières : " Pendant toute la durée des travaux, l'entreprise sera responsable de ses ouvrages. Elle en assurera donc une protection efficace et adaptée aux matériaux afin d'éviter tous risques de détérioration. Elle aura à sa charge l'enlèvement des protections de toute nature. L'entreprise titulaire du présent marché de travaux conservera, jusqu'à la réception, la responsabilité, la garde et la surveillance de ses ouvrages et des accessoires, qu'elle aura mis en place. Tous les ouvrages devront être livrés en parfait état d'achèvement, de finition et de propreté ".

20. Si la société requérante soutient que la maîtrise d'œuvre lui a imposé d'installer des garde-corps en verre alors que l'avancement du chantier ne permettait pas d'en assurer la protection, les travaux de pose de plaques de plâtre, les faux-plafonds et les enduits n'étant pas encore réalisés, cette protection des garde-corps lui incombait en vertu des stipulations précitées, applicables en l'espèce contrairement aux affirmations de la requérante, qui ne peut invoquer une mauvaise organisation du chantier par le maître d'œuvre, laquelle n'est pas établie par les pièces du dossier. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être en tout état de cause rejetée.

21. Il résulte de ce qui précède que la société Slam Métallerie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, au point 24 de son jugement, limité à 8 539,38 euros TTC la somme totale à laquelle elle a droit au titre des études supplémentaires sur le cheminement en terrasse et au titre du bardage en ventelle.

En ce qui concerne les sommes à inscrire au débit du titulaire :

S'agissant des pénalités de retard dans l'exécution du marché :

22. Aux termes de l'article 7.3.1 du cahier des clauses administratives particulières : " En cas de retard sur le délai global précisé pour ce lot ou sur chaque phase intermédiaire assortie d'un délai partiel, l'Entrepreneur subira, par jour calendaire de retard dans l'achèvement des travaux, une pénalité de 1/3000 du montant de l'ensemble du marché (Article 20.1 du C.C.A.G. Travaux), sans préjudice, des dédommagements du Maître de l'Ouvrage, consécutif à l'incidence des majorations des révisions de prix pour l'ensemble des corps d'état concernés. Ces pénalités pourront être appliquées sans mise en demeure préalable, sur simple confrontation de la date réelle d'achèvement et de la date d'expiration du délai contractuel d'exécution de chaque phase fixée au planning d'exécution des travaux ".

23. La société requérante soutient que c'est à tort que des pénalités de retard dans l'exécution du marché lui ont été infligées, dès lors que le retard est imputable, au moins partiellement, à l'université Paris-Saclay. Toutefois, il résulte de l'instruction que les travaux devaient s'achever le 3 octobre 2016, date fixée par l'avenant du 12 février 2016, et qu'ils n'ont été achevés que le 29 juin 2017, soit avec 267 jours de retard. Or, et ainsi qu'il a été dit au point 16 du présent arrêt, la même instruction ne révèle pas que l'université Paris-Saclay aurait commis, à cet égard, une faute, notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché ou dans sa mise en œuvre. En revanche, il résulte de l'instruction, et en particulier de plusieurs comptes rendus de chantier, que la requérante n'a pas respecté le planning prévu par le contrat et l'ordonnancement des travaux, notamment en ne participant pas à un nombre important de réunions de chantier. Par suite, la demande de décharge présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

S'agissant des pénalités pour retard dans la levée des réserves :

24. Aux termes de l'article 7.3.5 du cahier des clauses administratives particulières : " Par dérogation à l'article 20 du C.C.A.G. Travaux, en cas de retard pour les levées des réserves mentionnées dans le procès-verbal des opérations préalables à la réception suivant le délai prescrit, l'Entrepreneur sera pénalisé. Cette pénalité sera de cinq cents (500) euros H.T. par jour calendaire de retard. Elles seront retenues sur le règlement du dernier acompte en cours ou sur le solde ".

25. La société requérante soutient que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser la somme de 29 000 euros au titre des pénalités pour retard dans la levée des réserves. Si elle fait valoir que toutes les réserves ont été levées au 29 juillet 2017, date limite fixée lors de la réception des travaux, il résulte de l'instruction, et en particulier de l'état des réserves non levées du 28 juillet 2017, que des difficultés persistantes et nombreuses ont été relevées par l'architecte, notamment concernant l'implantation des câbles de la porte du parking, le raccordement définitif de la " trappe charge lourde " et son fonctionnement, la reprise du laquage de la trappe, les essais en charge du rail palan et les essais du chariot, la qualité des reprises sur les mains-courantes, la conformité aux normes de sécurité de l'escalier hélicoïdal, ainsi que l'accès et l'utilisation des compartiments à vélos. Si la société requérante soutient que l'escalier hélicoïdal a été réalisé conformément aux exigences du marché et aux plans validés par la maîtrise d'œuvre, en dépit des avertissements qu'elle a adressés à cette dernière, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle verse au dossier. Les autres difficultés mentionnées dans l'état des réserves non levées ne sont pas sérieusement contestées par la requérante dans ses écritures. Par suite, la demande présentée sur ce point par la société Slam Métallerie doit être rejetée.

S'agissant des pénalités pour absences aux réunions de chantier :

26. Aux termes de l'article 7.3.2 du cahier des clauses administratives particulières : " Le représentant de l'Entrepreneur devra être dûment mandaté pour prendre tout engagement. Par dérogation à l'article 20 du C.C.A.G. Travaux, l'Entrepreneur non représenté ou non excusé pour une raison valable ou arrivant à un rendez-vous avec plus d'un quart d'heure de retard sera pénalisé. Cette pénalité sera de cent (100) euros H.T. par rendez-vous et portée à cent cinquante (150) euros H.T, après trois (3) retards, ou absences consécutives. Ces pénalités seront retenues automatiquement sur les situations de travaux, sans procédure préalable ".

27. L'université Paris-Saclay fait valoir que la société requérante a été absente à quarante-six reprises aux réunions de chantier, ce que l'intéressée ne conteste pas, en se bornant à indiquer qu'elle s'est abstenue d'assister à ces réunions lorsque sa présence n'était pas indispensable. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur que le tribunal a accordé à l'université Paris-Saclay la somme de 6 750 euros au titre des pénalités pour absences aux réunions de chantier.

S'agissant des travaux exécutés aux frais et risques de la société Slam Métallerie :

28. Aux termes de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicables en matière de travaux : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse ".

29. Il résulte de l'instruction que l'université Paris-Saclay a adressé le 21 septembre 2017 à la société requérante une mise en demeure d'exécuter la totalité de ses obligations contractuelles dans un délai d'un mois. Cette mise en demeure étant restée infructueuse, l'université Paris-Saclay a fait réaliser par d'autres entreprises, aux frais et risques de la requérante, les travaux portant sur la main-courante de l'escalier hélicoïdal, les vérins du local à vélos et les châssis à panneaux amovibles. Si la société requérante soutient que les travaux concernant l'escalier hélicoïdal et le local à vélos ne pouvaient être mis à sa charge, dès lors, d'une part, que l'escalier hélicoïdal a été réalisé par elle conformément aux exigences du marché et aux plans validés par la maîtrise d'œuvre et, d'autre part, qu'elle a réalisé à plusieurs reprises les réglages du local à vélo et levé ainsi les réserves sur ce point, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle produit. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur que le tribunal a mis à sa charge la somme de 16 024,80 euros au titre des travaux de reprise.

30. Il résulte de tout ce qui précède que la société Slam Métallerie n'est pas fondée à soutenir que le solde du marché aurait dû être fixé, à son crédit, à la somme totale de 308 015,42 euros TTC et que c'est à tort que le tribunal a fixé ce solde à la somme de 72 689,22 euros TTC au crédit de l'université Paris-Saclay et rejeté sa demande tendant au paiement des intérêts au taux contractuel sur la somme due au titre de ce solde.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université Paris-Saclay, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Slam Métallerie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Slam Métallerie le versement à l'université Paris-Saclay d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1909162 du 16 décembre 2021 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Slam Métallerie relatives aux pénalités de retard dans l'exécution du marché.

Article 2 : Les conclusions de première instance de la société Slam Métallerie relatives aux pénalités de retard dans l'exécution du marché et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : La société Slam Métallerie versera la somme de 2 000 euros à l'université Paris-Saclay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par l'université Paris-Saclay est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Slam Métallerie et à l'université Paris-Saclay.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

Le rapporteur,

T. AblardLe président,

F. EtienvreLa greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne à la préfète de l'Essonne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00368
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : CABINET SEBAN & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;22ve00368 ?
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