Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 25 août 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2311311 du 19 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2023, M. E..., représenté par Me Alagapin-Graillot, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en raison du défaut de réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être préalablement entendu garanti par les dispositions du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 423-21 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant fixation du pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... sont infondés et renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- et les observations de Me Alagapin-Graillot pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant camerounais, né le 16 décembre 2001 à Yaoundé (Cameroun), affirme être entré en France en 2009. Par un arrêté du 25 août 2023, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. E... fait appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur d'appréciation qu'auraient commises le premier juge pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.
3. En second lieu, aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Il ressort des termes de la demande de première instance que M. E... a invoqué le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. En omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le premier juge a entaché son jugement d'une irrégularité. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
5. Il y a lieu de statuer, par voie d'évocation, sur les conclusions présentées par M. E... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " L'autorité administrative compétente pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police ".
7. Le préfet territorialement compétent pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) est celui qui constate l'irrégularité de la situation au regard du séjour de l'étranger concerné, que cette mesure soit liée à une décision refusant à ce dernier un titre de séjour ou son renouvellement, au refus de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, ou encore au fait que l'étranger se trouve dans un autre des cas énumérés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Tel est, en toute hypothèse, le cas du préfet du département où se trouve le lieu de résidence ou de domiciliation de l'étranger. Si l'irrégularité de sa situation a été constatée dans un autre département, le préfet de ce département est également compétent.
8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté est consécutif à l'interpellation de M. E... à Puteaux, commune du département des Hauts-de-Seine, ce qu'il ne conteste pas sérieusement. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine était territorialement incompétent pour prendre la décision attaquée doit être écarté.
9. En deuxième lieu, M. A... C..., adjoint au chef de bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, a, par application de l'arrêté n° 2023-49 du 30 juin 2023, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine du même jour, reçu délégation pour signer en cas d'absence ou d'empêchement de Mme F... B..., directrice des migrations et de l'intégration, et de la chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire français assorties ou non d'un délai de départ volontaire. Il n'est pas établi que Mme F... B... ou la chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement n'auraient pas été absentes ou empêchées le jour de la signature de la décision attaquée. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...). ".
11. La décision attaquée vise les dispositions de droit dont le préfet a fait application et mentionne les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de M. E..., notamment qu'il se trouve en situation irrégulière sur le territoire français depuis le 29 septembre 2022, qu'il est célibataire et sans charge de famille et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et permettent notamment à l'intéressé de connaître et de comprendre la base légale de la décision qui lui a été opposée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
12. En quatrième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté contesté qu'avant de prendre la décision litigieuse, le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation de l'intéressé.
13. En cinquième lieu, il ressort des stipulations du paragraphe 2). a) de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux, que toute personne a le droit : " (...) d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ".
14. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
15. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition de l'intéressé par les services de police sur sa situation administrative ainsi que de la notice de renseignement, établie lors de son audition du 6 mars 2023 au centre pénitentiaire de Nanterre, que M. E... a été avisé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il a pu présenter les éléments relatifs à sa situation personnelle avant l'édiction de la décision litigieuse. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté.
16. En sixième lieu, l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans avec au moins un de ses parents se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ". L'article L. 611-3 du même code ajoute que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; ".
17. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., né le 16 décembre 2001, soutient être entré sur le territoire français au cours de l'année 2009 et n'avoir pas cessé d'y résider depuis. Il ressort en particulier du document de circulation pour étranger mineur délivré le 17 janvier 2011, des certificats de scolarité et des bulletins de notes produits par l'intéressé, que sa présence en France est établie pour la première fois en janvier 2011, alors qu'il était âgé de neuf ans et qu'il s'y est maintenu jusqu'en juin 2018 de sorte que sa résidence habituelle en France est établie au cours de cette période. La résidence habituelle du requérant est également établie pour la période allant du 11 décembre 2020 au 10 mai 2021 puis à compter du 1er mars 2023 compte tenu de son incarcération. Toutefois, au titre des années 2019 et 2020, le requérant se borne à produire un extrait de son casier judiciaire mentionnant l'existence d'une condamnation prononcée par le Tribunal pour enfant D... le 15 mai 2019 pour des faits qui se sont produits en janvier 2019, un document médical faisant état d'une hospitalisation le 1er juin 2019, ainsi que le récépissé d'une demande de titre de séjour daté du 28 juillet 2020. L'intéressé a déclaré être retourné au Cameroun en 2020-2021 et avoir obtenu un permis de conduire camerounais. Pour l'année 2022, sa présence sur le territoire français n'est établie que le 27 juin 2022, date à laquelle il a été placé en garde à vue pour des faits de " violences volontaires sur conjoint ", ainsi qu'au mois de novembre lors de son incarcération au centre pénitentiaire D... La Santé. Ces éléments produits au titre des années 2019, 2020 et 2022, s'ils établissent la présence ponctuelle du requérant en France, ne sont pas de nature à établir qu'il y a résidé habituellement au cours de ces années. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. E... se trouve en situation irrégulière depuis le 29 septembre 2022, de sorte qu'il ne justifiait pas, à la date de la décision contestée, résider régulièrement en France depuis plus de dix ans. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'existence d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 2° et 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
18. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 15 du présent arrêt, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait pu bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-21 du même code.
19. En huitième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
20. Si M. E... soutient qu'il est entré sur le territoire français en 2009, il n'en justifie qu'à compter du mois de mai 2011 et il n'établit pas avoir résidé habituellement en France depuis lors. S'il fait aussi état de la présence en France de plusieurs membres de sa famille, notamment sa mère, ses frères et ses tantes, seule la présence de sa mère sur le territoire est établie par les pièces qu'il produit. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, M. E... était célibataire et sans charge de famille et il n'allègue pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Enfin, si M. E... se prévaut d'une promesse d'embauche datée du 13 juin 2023, cet élément n'est pas suffisant pour établir une insertion sociale et professionnelle particulière en France d'autant que son comportement ne démontre pas sa volonté de s'insérer dans la société française. Il est de plus constant que M. E... a été condamné par le tribunal correctionnel D..., par un jugement du 13 décembre 2022, à une peine de huit mois d'emprisonnement pour des faits de violence sans incapacité sur conjoint et par un jugement du 21 octobre 2020 à une peine de deux mois d'emprisonnement pour des faits de refus d'obtempérer. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'il a été l'objet de dix-sept signalements auprès de la police entre 2019 et 2023, notamment pour des faits de vol aggravé, violence, détention de stupéfiants et de conduite sans permis. Eu égard à la persistance de ce comportement au cours de la période récente et de la menace que celui-ci constitue donc pour l'ordre public, l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale n'apparait pas disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle du requérant.
21. Enfin, si M. E... soutient que la décision en litige méconnait les stipulations de l'article 3 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
22. En premier lieu, il ne ressort pas de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
23. En second lieu, M. E... ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France et ne démontre pas davantage être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier, notamment de la notice de renseignement produite par le préfet des Hauts-de-Seine ainsi que du procès-verbal d'audition établi lors de sa garde à vue du 1er mars 2023, que l'intéressé a déclaré être retourné au Cameroun en 2020-2021 et avoir obtenu un permis de conduire camerounais. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant le Cameroun comme pays de destination.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans :
24. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aussi, l'article L. 612-10 du même code dispose que " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
25. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
26. En premier lieu, la décision attaquée vise les dispositions de droit dont le préfet a fait application et mentionne les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de M. E..., notamment que l'intéressé aurait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, que son comportement est de nature à troubler l'ordre public, qu'il ne justifie pas de liens personnels et familiaux sur le territoire national et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine. La décision précise en outre que M. E... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, et que la durée de cette interdiction devait être fixée à trois ans. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans au regard de l'ensemble des critères fixés par la loi. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
27. Si contrairement à ce que soutient le préfet des Hauts-de-Seine, l'intéressé ne s'est précédemment soustrait à aucune mesure d'éloignement, sa présence sur le territoire français représente, ainsi qu'il a été dit au point 18 du présent arrêt, une menace pour l'ordre public et il n'établit pas disposer de liens personnels et familiaux suffisamment anciens, intenses et stables sur le territoire français susceptibles de justifier le prononcé d'une interdiction de retour d'une durée inférieure à trois ans. Par suite, et en l'absence de circonstances humanitaires ou exceptionnelles qui justifieraient que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour, le préfet des Hauts-de-Seine a pu, sans commettre d'erreur de droit, prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
28. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président par du tribunal administratif de Cergy - Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et, d'autre part, qu'il n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2311311 du 19 septembre 2023 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 25 août 2023 obligeant M. E... à quitter le territoire français.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 25 août 2023 portant obligation de quitter le territoire français sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. E... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
Le rapporteur,
B. Even
L'assesseure la plus ancienne,
B. Aventino
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE02303 2