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14/11/2024 | FRANCE | N°23VE00774

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 14 novembre 2024, 23VE00774


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Récup Pièces Automobile Mario a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 24 février 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a déclaré d'utilité public au profit du syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP) le projet d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2004

326 et 2013331 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Récup Pièces Automobile Mario a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 24 février 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a déclaré d'utilité public au profit du syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP) le projet d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2004326 et 2013331 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2023, la société Récup Pièces Automobile Mario, représentée par Me Bousquet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'une qualité lui donnant intérêt à agir ;

- les premiers juges n'ont pas formellement statué sur son moyen tiré de ce que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation de l'inclusion des parcelles qu'elle occupe dans le périmètre du projet ;

- le jugement est insuffisamment motivé sur l'utilité publique du projet ;

- le dossier soumis à enquête publique est erroné et incomplet concernant les parcelles qu'elle occupe dès lors qu'il ne justifie pas de l'inclusion de ces parcelles alors qu'elles ne constituent pas des forêts, qu'elles ne sont pas concernées par l'enquête parcellaire et que l'arrêté en litige ne vaut pas mise en compatibilité du plan local d'urbanisme d'Herblay-sur-Seine ;

- l'inclusion des parcelles précitées dans le périmètre de l'opération est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir compte tenu de l'incidence de la déclaration d'utilité publique sur le plan local d'urbanisme ;

- le projet litigieux est dépourvu d'intérêt public dès lors que les inconvénients qu'il engendre excèdent les avantages qu'il procure.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et reprend à son compte les écritures produites en défense par le préfet du Val-d'Oise en première instance.

Un mémoire présenté pour la société Récup pièces automobiles Mario, enregistré le 23 septembre 2024, n'a pas été communiqué.

Un courrier a été adressé le 3 septembre 2024 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par les derniers alinéas des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative.

Un avis d'audience a été adressé le 30 septembre 2024 aux parties portant clôture immédiate de l'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Bousquet pour la société requérante.

Considérant ce qui suit :

1. Le président du syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP) a, par un courrier du 19 juillet 2018, déposé une demande de déclaration d'utilité publique du projet d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt valant mise en compatibilité de plans locaux d'urbanisme de certaines communes concernées. Par un arrêté du 30 avril 2019, a été prescrite l'ouverture d'une enquête publique préalable à cette déclaration d'utilité publique valant également enquête parcellaire. A l'issue de l'enquête publique, qui s'est déroulée du 5 juin au 5 juillet 2019, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable le 30 septembre 2019. Le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté du 24 février 2020, déclaré d'utilité publique au profit de la Société mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP) le projet d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt, a approuvé la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Frépillon, Bessancourt, Pierrelaye, Méry-sur-Oise et Saint-Ouen l'Aumône, et a autorisé le SMAPP à acquérir le cas échéant par voie d'expropriation, dans un délai de cinq ans, les immeubles compris dans le périmètre déclaré d'utilité publique. Par un jugement du 10 février 2023, dont la société Récup Pièces Automobile Mario relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que de la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En première instance, la société Récup Pièces Automobile Mario soutenait que le préfet avait commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation de l'inclusion des parcelles qu'elle occupe dans le périmètre du projet. Si le tribunal administratif a visé ce moyen, qui n'était pas inopérant et qui était distinct de celui du contrôle de l'intérêt public du projet au regard de ses avantages et de ses inconvénients, il n'y a pas répondu. Par suite, sans qu'il ne soit besoin de statuer sur l'autre moyen de régularité, son jugement est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Récup Pièces Automobiles Mario devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 février 2020 ainsi que de la décision de rejet du recours gracieux :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; (...). ". Aux termes de l'article R. 112-6 du même code : " La notice explicative prévue aux articles R. 112-4 et R. 112-5 indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu, notamment du point de vue de son insertion dans l'environnement. ".

5. D'une part, les dispositions précitées n'imposent pas que le dossier soumis à enquête publique dans le cadre d'une déclaration d'utilité publique justifie de l'inclusion de chacune des parcelles concernées dans le périmètre du projet. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le plan d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt, soumis à l'enquête publique, et intitulé " aménagement forestier ", représente le plan de l'aménagement projeté, conformément à ces dispositions, et n'a pas pour objet de représenter l'usage actuel des terrains concernés. La circonstance que l'enquête parcellaire ne porte que sur une partie des parcelles cessibles (secteur 1) et que les autres parcelles et notamment celles concernant la commune d'Herblay feront l'objet d'une procédure de cessibilité ultérieure, de même que celle que l'arrêté en litige n'emporte pas mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de cette commune ne sont pas davantage de nature à démontrer que le dossier serait erroné. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure du fait du caractère erroné du dossier d'enquête publique ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. Il appartient également au juge, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité des atteintes au droit de propriété, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre du projet n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.

7. D'abord, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la création d'un nouvel espace forestier de 1 350 hectares dans la plaine de Pierrelaye-Bessancourt afin de créer le maillon manquant à la liaison des forêts de l'Isle-Adam et Montmorency, au nord-est, et celle de Saint-Germain-en-Laye, au sud-ouest, faisant partie de l'arc boisé entre Chantilly et Rambouillet et répond à une finalité d'intérêt général liée à l'amélioration du cadre de vie des habitants et au maintien de la biodiversité.

8. Ensuite, le périmètre de cet aménagement forestier porte sur un parcellaire morcelé, comportant environ 6 000 parcelles appartenant pour un peu plus de la moitié à des propriétaires privés. Ce périmètre tient compte d'une part, de la nécessité de réaliser un aménagement d'un seul tenant, dont la forme est cohérente et permet d'assurer les liaisons écologiques en intégrant les bois communaux pertinents et, d'autre part, d'inclure les zones polluées. Son périmètre a également été déterminé, sur les franges, en tenant compte des projets urbains actés par les communes riveraines. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le SMAPP pourrait réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation.

9. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les parcelles sur lesquelles la société Récup Pièces Auto Mario exerce son activité sont incluses dans le corridor qui relie l'espace boisé situé à l'Est de Pierrelaye avec celui situé au Sud. Il n'est pas contesté qu'elles sont classées en zone naturelle et qu'elles accueillent des constructions irrégulières. En se bornant à indiquer qu'elles abritent une activité commerciale, ne sont pas boisées et que leur cessibilité n'est pas autorisée, la société n'apporte aucun élément de nature à établir que l'inclusion de ces parcelles dans le périmètre d'expropriation serait sans rapport avec ce projet.

10. Enfin, la société requérante soutient que le projet entraîne des inconvénients liés à la cessation de la destination commerciale, artisanale et industrielle des parcelles et aux risques qui en résultent pour la pérennité de son activité économique ainsi qu'à la disparition de la vocation agricole de la plaine, qui excèdent les avantages procurés par le projet. Toutefois, le projet de création d'un espace boisé de plus de 1 300 hectares sur un site largement pollué et dégradé, permettra d'améliorer le cadre de vie de ses habitants en limitant cette dégradation, notamment par une occupation durable des sols. Le boisement prévu permettra de contrôler les risques liés à la pollution des sols, notamment en contenant les métaux lourds dans les couches superficielles du sol. Il a également vocation à préserver la biodiversité en créant des corridors écologiques et une zone de 21 hectares inaccessible au public, abritant un nombre important d'espèces faunistiques et floristiques patrimoniales protégées. Enfin, l'aménagement d'une telle forêt, en Ile-de-France, permettra l'accueil d'environ 5 millions de visiteurs pratiquant des activités de plein air. S'il conduit à la disparition de parcelles sur lesquelles s'exerce une activité commerciale, industrielle et artisanale, en méconnaissance de la vocation de la zone naturelle dans laquelle elles sont classées et à la disparition d'une activité agricole résiduelle, de tels impacts n'apparaissent pas excessifs eu égard aux intérêts que présente le projet. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

11. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige serait entaché d'un détournement de pouvoir.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Récup Pièces Auto Mario aux fins d'annulation de l'arrêté du 24 février 2020 ainsi que de la décision de rejet du recours gracieux doivent être rejetées ainsi que par voie de conséquence les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n°2004326 et 2013331 du 10 février 2023 est annulé en tant qu'il se prononce sur la requête de la société Récup Pièces Auto Mario enregistrée sous le n° 2013331.

Article 2 : La demande de première instance de la société Récup Pièces Auto Mario et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Récup Pièces Auto Mario et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise et au syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.

La rapporteure,

B. AventinoLe président,

B. Even

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE00774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00774
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SELARL ROCHE BOUSQUET;SELARL ROCHE BOUSQUET;SELARL ROCHE BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;23ve00774 ?
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