La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2024 | FRANCE | N°23VE00773

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 14 novembre 2024, 23VE00773


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI Avenir a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 24 février 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a déclaré d'utilité publique au profit du syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP) le projet d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt.



Par un jugement n° 2004326 et 201333 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 avr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Avenir a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 24 février 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a déclaré d'utilité publique au profit du syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP) le projet d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt.

Par un jugement n° 2004326 et 201333 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 avril 2023 et le 5 août 2024, la SCI Avenir représentée par Me Bousquet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement en litige est entaché d'omissions à statuer sur ses moyens de légalité externe tirés de ce que le dossier soumis à enquête publique est incomplet concernant l'estimation sommaire des dépenses et que l'enquête a été réalisée en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation de la nécessité de l'inclusion de ses parcelles dans le périmètre du projet ;

- le jugement est insuffisamment motivé sur l'utilité publique du projet ;

- l'arrêté attaqué méconnait l'article L. 121-16 du code de l'environnement dès lors qu'il aurait dû être soumis à la Commission nationale du débat public ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une irrégularité dès lors que le dossier soumis à enquête publique est insuffisant concernant l'estimation sommaire des dépenses faute de prendre en compte le montant du programme général des travaux ;

- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le dossier d'enquête publique comportait des analyses réalisées sans les propriétaires concernés et qui étaient uniquement accessibles au siège de l'enquête, en méconnaissance du principe du contradictoire et du principe d'égalité ;

- il méconnait le droit de propriété, le principe de nécessité et le principe d'égalité dès lors que les parcelles dont elle est propriétaire ne sont pas utiles au projet alors qu'elles se situent en périphérie de celui-ci, jouxtent une zone urbanisée, ne sont pas polluées et font l'objet d'une valorisation agricole ;

- le projet litigieux est dépourvu d'intérêt public dès lors que les inconvénients qu'il engendre excèdent les avantages qu'il procure ;

- l'arrêté méconnait le schéma directeur de la région Ile-de-France ;

- les prix pratiqués pour l'indemnisation de l'expropriation sont entachés d'une inégalité de traitement et cette indemnisation n'est pas suffisante ;

- l'arrêté méconnait la charte de l'environnement et le principe pollueur-payeur dès lors que ses terrains auraient dû être dépollués par le pollueur ;

- il est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire enregistré le 5 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et reprend à son compte les écritures produites en défense par le préfet du Val-d'Oise en première instance.

Deux mémoires présentés pour la SCI Avenir, enregistrés les 24 et 30 septembre 2024, n'ont pas été communiqués.

Un courrier a été adressé le 3 septembre 2024 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par les derniers alinéas des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative.

Un avis d'audience a été adressé le 30 septembre 2024 aux parties portant clôture immédiate de l'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations Me Bousquet pour la SCI Avenir.

Une note en délibéré a été produite par la SCI Avenir le 28 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le président du syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP) a, par un courrier du 19 juillet 2018, déposé une demande de déclaration d'utilité publique du projet d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt valant mise en compatibilité de plans locaux d'urbanisme de certaines communes concernées. Par un arrêté du 30 avril 2019 a été prescrite l'ouverture d'une enquête publique préalable à cette déclaration d'utilité publique valant également enquête parcellaire. A l'issue de l'enquête publique, qui s'est déroulée du 5 juin au 5 juillet 2019, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable le 30 septembre 2019. Le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté du 24 février 2020, déclaré d'utilité publique au profit de la Société mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP) le projet d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt, a approuvé la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Frépillon, Bessancourt, Pierrelaye, Méry-sur-Oise et Saint-Ouen l'Aumône, et a autorisé le SMAPP à acquérir, le cas échéant par voie d'expropriation, dans un délai de cinq ans, les immeubles compris dans le périmètre déclaré d'utilité publique. Par un jugement du 10 février 2023, dont la SCI Avenir relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il résulte du mémoire récapitulatif produit par la SCI Avenir le 14 novembre 2022, en réponse à la demande adressée par les premiers juges en application du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, d'une part, que les développements relatifs au financement du projet constituent un argument présenté au soutien du moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir et de procédure et, d'autre part, que les développements relatifs au principe du contradictoire constituent un argument au soutien du moyen du défaut d'utilité publique du projet. Il ne résulte dès lors pas de ce mémoire que la SCI Avenir aurait soulevé des moyens autres que ceux auxquels le jugement attaqué répond. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'une omission à statuer sur ses deux moyens de légalité externe.

3. En deuxième lieu, en indiquant aux points 4 à 11 du jugement les motifs de droit et de fait l'ayant conduit à écarter le moyen tiré de l'absence d'utilité publique du projet, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit, par suite, être écarté.

4. En troisième et dernier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la SCI Avenir ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une erreur d'appréciation des faits qu'auraient commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 février 2020 :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'environnement : " I.- La Commission nationale du débat public est saisie de tous les projets d'aménagement ou d'équipement qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel, tel qu'il peut être évalué lors de la phase d'élaboration, répondent à des critères ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) IV.- La Commission nationale du débat public est également saisie des plans et programmes de niveau national faisant l'objet d'une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-4. (...) ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet d'aménagement forestier de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt valant mise en compatibilité de plans locaux d'urbanisme de certaines communes concernées entrent dans le champ des dispositions précitées aux termes desquelles la saisine de la Commission nationale du débat publique est obligatoire. Par suite le moyen tiré de ce que cette commission aurait dû être saisie sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'environnement dès lors que le projet porte sur une surface supérieure à 100 hectares ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; (...). ".

8. L'appréciation sommaire des dépenses jointe au dossier d'enquête publique a pour objet de permettre à tous les intéressés de s'assurer que les travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement estimé à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique. Toutefois, la seule circonstance que certaines dépenses auraient été omises n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure si, compte tenu de leur nature, leur montant apparaît limité au regard du coût global de l'opération et ne peut être effectivement apprécié qu'au vu d'études complémentaires postérieures, rendant ainsi incertaine leur estimation au moment de l'enquête.

9. Il ressort du dossier soumis à l'enquête publique qu'il comporte l'indication des dépenses d'un montant total de 84,5 millions d'euros. Il précise que 45 millions d'euros sont prévus au titre des acquisitions foncières, tenant compte de l'évaluation effectuée par France domaine et incluant les indemnités d'éviction des exploitants agricoles. Il comporte également l'indication du montant des travaux, estimé à 37 millions d'euros et incluant la mise en état des sols, le boisement et la restauration des bois existants, les aménagements, les mesures destinées à éviter, réduire ou composer les effets du projet sur l'environnement ainsi que les honoraires et aléas. Enfin 2,5 millions d'euros de ces dépenses sont consacrées aux frais d'études, frais divers et aléas.

10. D'une part, dès lors que la déclaration d'utilité publique résultant du décret attaqué ne porte que sur les travaux de création d'une forêt, seules les dépenses nécessaires à la réalisation de cet aménagement devaient faire l'objet de l'appréciation sommaire exigée par le 5° de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Par suite, la circonstance que l'appréciation sommaire des dépenses figurant dans le dossier soumis à l'enquête publique ne comporte pas les frais de fonctionnement de cet aménagement, notamment de lutte contre les risques incendie, ainsi que les dépenses engagées par les collectivités locales pour mettre fin aux dépôts illégaux de déchets ou pour effectuer des démolitions en urgence n'est pas de nature à la rendre incomplète.

11. D'autre part, en se bornant à faire état des différences des montants au mètre carré proposés aux propriétaires expropriés et à alléguer que ces montants ne couvrent pas les frais d'avocat pour contester l'indemnité d'expropriation ni ceux nécessaires à l'acquisition de terrain équivalent, la SCI Avenir n'établit pas que l'appréciation sommaire des dépenses des acquisitions foncières telle qu'elle figure dans le dossier de la déclaration d'utilité publique, serait manifestement sous-évaluée. Elle n'apporte en outre aucun élément probant de nature à établir que l'appréciation sommaire des dépenses d'élimination des déchets et des frais d'intervention du maître d'ouvrage pourrait être regardée comme étant manifestement sous-évaluée sur ces points.

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance dans le dossier d'enquête publique de l'appréciation sommaire des dépenses doit être écarté.

13. En troisième lieu, si la société soutient que le dossier d'enquête comportait le dossier soumis à la concertation du public mais pas les analyses des sols sur lesquelles l'administration s'est fondée pour tenter de justifier de l'utilité publique de projet, elle n'indique pas quel texte imposerait de faire figurer au dossier d'enquête de telles analyses. Le moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 112-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le préfet, après avoir consulté le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête, prévoit les conditions d'ouverture et de déroulement de l'enquête publique (...). Il détermine également les heures et le lieu où le public pourra prendre connaissance du dossier et formuler ses observations sur un registre ouvert à cet effet. Ce registre, à feuillets non mobiles, est coté et paraphé par le commissaire enquêteur, le président de la commission d'enquête ou l'un des membres de celle-ci. Enfin, il désigne le lieu où siégera le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête. S'il en existe un, il peut indiquer l'adresse du site internet sur lequel les informations relatives à l'enquête pourront être consultées. Si cela lui paraît approprié, il peut prévoir les moyens offerts aux personnes intéressées afin qu'elles puissent communiquer leurs observations par voie électronique. ".

15. Il ne résulte pas de ces dispositions que les pièces du dossier d'enquête doivent être obligatoirement mises à la disposition du public sur un site internet. La société requérante indique elle-même que l'ensemble de ces pièces étaient consultables au siège de l'enquête. Elle n'établit pas en outre, ni même n'allègue, ne pas avoir été en mesure de faire valoir ses observations sur ce point, tant dans le cadre de la concertation que durant la phase d'enquête publique. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière et méconnaitrait le principe du contradictoire et d'égalité ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

16. En premier lieu, il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. Il appartient également au juge, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité des atteintes au droit de propriété, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre du projet n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.

17. D'abord, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la création d'un nouvel espace forestier de 1 350 hectares dans la plaine de Pierrelaye-Bessancourt afin de créer le maillon manquant à la liaison des forêts de l'Isle-Adam et Montmorency, au nord-est, et celle de Saint-Germain-en-Laye, au sud-ouest, faisant partie de l'arc boisé entre Chantilly et Rambouillet et répond à une finalité d'intérêt général liée à l'amélioration du cadre de vie des habitants et au maintien de la biodiversité.

18. Ensuite, le périmètre de cet aménagement forestier porte sur un parcellaire morcelé, comportant environ 6 000 parcelles appartenant pour un peu plus de la moitié à des propriétaires privés. Ce périmètre tient compte d'une part, de la nécessité de réaliser un aménagement d'un seul tenant, dont la forme est cohérente et permet d'assurer les liaisons écologiques en intégrant les bois communaux pertinents et, d'autre part, d'inclure les zones polluées. Son périmètre a également été déterminé, sur les franges, en tenant compte des projets urbains actés par les communes riveraines. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le SMAPP pourrait réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation.

19. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la parcelle AB 136 est incluse dans le périmètre précité constitué notamment par un vaste ensemble boisé au Nord de Pierrelaye. La parcelle AR 414 est incluse dans le corridor qui relie l'espace boisé situé à l'Est de Pierrelaye avec celui situé au Sud. Il n'est pas contesté qu'elles sont classées en zone naturelle et ne sont pas urbanisées. En indiquant qu'elles se situent en périphérie du périmètre, qu'elles jouxtent une zone urbanisée, à moins de deux kilomètres d'une gare, qu'elles ne sont pas polluées et font l'objet d'une valorisation agricole, la SCI Avenir n'apporte aucun élément de nature à établir que l'inclusion de ces deux parcelles dans le périmètre d'expropriation serait sans rapport avec ce projet.

20. Enfin, la société requérante soutient que le projet entraîne des inconvénients notamment liés à la disparition de la vocation agricole et maraîchère du site, à l'abandon de son utilisation pour le traitement des eaux usées, à la disparition de la vocation commerciale, industrielle et artisanale de certaines parcelles, à ce qu'il ne puisse être requalifié pour accueillir du logement ainsi qu'à son coût, qui excèdent les avantages procurés en ce qui concerne la gestion des pollutions. Toutefois, le projet de création d'un espace boisé de plus de 1 300 hectares sur un site largement pollué et dégradé, permettra d'améliorer le cadre de vie de ses habitants en limitant cette dégradation, notamment par une occupation durable des sols. Le boisement prévu permettra de contrôler les risques liés à la pollution des sols, notamment en contenant les métaux lourds dans les couches superficielles du sol. Il a également vocation à préserver la biodiversité en créant des corridors écologiques et une zone de 21 hectares inaccessible au public, abritant un nombre important d'espèces faunistiques et floristiques patrimoniales protégées. Enfin, l'aménagement d'une telle forêt, en Ile-de-France, permettra l'accueil d'environ 5 millions de visiteurs pratiquant des activités de plein air. Si la société appelante produit une étude de l'Institut national de la recherche agronomique de 2003 indiquant dans ses préconisations : " éviter la création d'espaces récréatifs y compris de type forêt, tant que des études sur la qualité sanitaire des sols et la présence éventuelles d'opportunistes ou de pathogènes n'est pas vérifiées ", il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude d'impact que des essais de phytostabilisation ont été réalisés et ont montré des effets positifs. Sur la base de ces études, la notice explicative précise que les essences des arbres seront choisies et des actions de chaulage seront menées tous les dix ans afin de limiter l'acidification des sols favorable à la propagation des polluants. Un suivi de la pollution sera effectué, les zones concentrant le plus de polluant seront inaccessibles au public et la cueillette et la chasse seront interdites. Si le projet conduit à la disparition de la vocation agricole et maraîchère du site et empêche son urbanisation, ces inconvénients sont à relativiser compte tenu de l'importante pollution aux métaux lourds du site incompatible avec la création de logements et certaines activités agricoles. L'opération prévoit l'accompagnement au relogement des familles de gens du voyage présentes sur place, à travers une mission de maîtrise d'œuvre urbaine et sociale, et réserve au moins 5 hectares aux franges de la Plaine pour une telle relocalisation. Si, par ailleurs, le projet aboutit à l'abandon de l'utilisation des eaux traitées par l'usine d'Achères et à la disparition de quelques parcelles sur lesquelles s'exerce une activité commerciale, industrielle et artisanale, de tels impacts négatifs demeurent limités. Il en va de même du coût de l'opération, évalué à 84,5 millions d'euros, eu égard à la surface à reboiser, de l'ordre de 13 km², et alors qu'il n'est pas établi que ce budget serait insuffisant. Il en résulte que les inconvénients du projet, notamment en ce qui concerne les atteintes à la propriété privée, n'apparaissent pas excessifs eu égard aux intérêts qu'il présente. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

21. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-22 du code de l'urbanisme : " La déclaration d'utilité publique ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, la déclaration de projet d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions du schéma directeur de la région d'Ile-de-France ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique, réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique de l'opération et sur la mise en compatibilité du schéma qui en est la conséquence ; / 2° La déclaration d'utilité publique ou la déclaration de projet est prononcée après que les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du schéma ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de la région d'Ile-de-France, du conseil économique, social et environnemental régional, des départements et des chambres consulaires. (...) ".

22. Il résulte de ces dispositions qu'au sein de la région d'Ile-de-France les schémas de cohérence territoriale et, en leur absence, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont soumis à une obligation de compatibilité avec le schéma directeur de cette région. Si les objectifs et caractéristiques essentielles d'un projet déclaré d'utilité publique doivent être compatibles avec les orientations générales du schéma directeur de la région d'Ile-de-France (SDRIF), prises globalement à l'échelle du territoire considéré, ils n'ont toutefois pas à se conformer à telle ou telle orientation particulière du SDRIF. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour prendre en compte les prescriptions du schéma directeur de la région, si la déclaration d'utilité publique ne contrarie pas les objectifs et les orientations d'aménagement et de développement fixés par le schéma, compte tenu du degré de précision des orientations adoptées, sans rechercher l'adéquation du projet soumis à déclaration à chaque orientation ou objectif particulier.

23. En l'espèce, contrairement à ce qu'indique la société requérante, le périmètre de l'aménagement en litige est compatible avec la mention du SDRIF d'un espace forestier couvrant environ la moitié de la plaine de 2 000 m² sur les terres agricoles polluées. En outre la circonstance que le SDRIF identifie certains secteurs autour des gares comme des secteurs de développement de l'urbanisation ne permet pas d'établir que l'arrêté en litige serait incompatible avec ce document.

24. En troisième et dernier lieu, en se bornant à soutenir que ses parcelles étant en frange du projet, elles ont en réalité vocation à être rétrocédées à un promoteur pour un projet immobilier, que le projet prévoit de développer de l'habitat touristique et d'activités de loisirs et que la plaine a été délibérément laissée à l'abandon pour ensuite permettre une expropriation à moindre coût, la société requérante ne fait état d'aucun élément suffisamment circonstancié, compte tenu par ailleurs de ce qui a été dit aux points 17 à 20 du présent arrêt, de nature à établir que l'arrêté en litige serait entaché d'un détournement de procédure ou d'un détournement de pouvoir.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Avenir n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions qu'elle présente au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Avenir est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Avenir et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise et au syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.

La rapporteure,

B. AventinoLe président,

B. Even

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00773
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SELARL ROCHE BOUSQUET;SELARL ROCHE BOUSQUET;SELARL ROCHE BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;23ve00773 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award