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05/11/2024 | FRANCE | N°22VE00538

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 05 novembre 2024, 22VE00538


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI Bugati a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Meudon a rejeté sa demande de remboursement de la somme de 685 807,60 euros qu'elle a versée dans le cadre de sa participation au plan d'aménagement d'ensemble (PAE) de la commune de Meudon et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 685 807,60 euros correspondant à l'intégralité de sa participation financière au titre du PAE, augmentée de l'

intérêt au taux légal majoré de cinq points, à compter du premier versement de la pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Bugati a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Meudon a rejeté sa demande de remboursement de la somme de 685 807,60 euros qu'elle a versée dans le cadre de sa participation au plan d'aménagement d'ensemble (PAE) de la commune de Meudon et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 685 807,60 euros correspondant à l'intégralité de sa participation financière au titre du PAE, augmentée de l'intérêt au taux légal majoré de cinq points, à compter du premier versement de la participation, soit le 13 janvier 2016.

Par un jugement n°s 1901807-2001118 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision implicite par laquelle la commune de Meudon a rejeté la demande de remboursement de la SCI Bugati et l'a condamnée à rembourser à celle-ci, à hauteur de 530 223,60 euros, la participation à laquelle elle a été assujettie à raison du permis de construire qui lui a été délivré le 4 août 2011, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mars 2022 et 8 octobre 2023, la commune de Meudon, représentée par Me Isabelle Cassin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Bugati ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Bugati la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Meudon soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas tenu compte que des modifications du programme d'aménagement et d'équipements étaient rendues nécessaires en raison d'évènements extérieurs, à savoir, des recours contre la délibération du 19 octobre 2006 et un incendie survenu en 2015 ayant obligé la commune à proroger le délai initial d'achèvement des équipements ;

- le tribunal administratif aurait par ailleurs dû retenir une proratisation des sommes à restituer au regard des équipements déjà réalisés ou au regard d'évènements extérieurs indépendants de la volonté de la commune.

Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2023, la SCI Bugati, représentée par Me Olivier Guitton, conclut :

1°) au rejet de la requête de la commune de Meudon ;

2°) à la mise à la charge de la commune de Meudon de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'action en répétition se fondait à bon droit sur les dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme dès lors que les équipements publics prévus par la délibération du 19 octobre 2006 n'ont pas été réalisés avant le 26 octobre 2016 et que certains équipements ont été remplacés par des immeubles d'habitation, tels des crèches ou un gymnase ou encore une passerelle, un cheminement piéton, des places de parking et un jardin public ;

- le contexte local mis en avant par la commune, tenant à des recours et à un incendie, ainsi que la circonstance que 90 % des équipements avaient été réalisés en 2019 ne peut être retenu ; les délibérations des 3 juillet 2012 et 25 juin 2019 ne peuvent lui être opposées ; la circonstance qu'une partie des équipements ait été réalisée dans les temps ne peut être retenue pour établir une restitution partielle ;

- la délibération du 25 juin 2019 ne pouvait proroger les délais en se fondant sur des aléas économiques, techniques ou financiers et les motifs invoqués ne peuvent être regardés comme une modification substantielle justifiant une prorogation des délais ;

- l'action en répétition de l'indu se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ;

- la proratisation demandée par la commune de Meudon en fonction des équipements réalisés ne peut être retenue dès lors qu'elle n'est pas prévue par le code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Menesplier, pour la commune de Meudon et de Me Mathevon pour la SCI Bugati.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 22 mars 2000, le conseil municipal de la commune de Meudon a instauré un plan d'aménagement d'ensemble (PAE) sur une partie du quartier de Meudon-sur-Seine. Le périmètre de ce plan a été étendu à l'ensemble du secteur de Meudon-sur-Seine par une délibération du 19 octobre 2006, qui a également approuvé le nouveau programme des équipements publics rendu nécessaire par l'urbanisation de ce secteur et fixé le délai d'achèvement de ces équipements publics à dix ans suivant le caractère exécutoire de la délibération. Le maire de Meudon, par un arrêté du 4 août 2011, a délivré à la SCI Bugati un permis de construire pour un immeuble à usage d'habitation et d'activité sur un terrain situé dans le périmètre du PAE. Cette société a versé en 2016 une somme de 685 807,60 euros correspondant au montant de sa participation au financement des équipements publics prévus par le plan d'aménagement. Par un courrier du 1er octobre 2019, la SCI Bugati a sollicité, sur le fondement de l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme, la restitution de l'intégralité de sa contribution au PAE au motif que les équipements publics projetés n'avaient pas été achevés avant le terme prévu par la délibération du 19 octobre 2006. Cette demande ayant été implicitement rejetée par la commune, la SCI Bugati a demandé au tribunal administratif d'annuler cette décision et de condamner la commune de Meudon à lui restituer la somme de 685 807,60 euros. La commune de Meudon demande l'annulation du jugement du 7 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision implicite par laquelle la commune a rejeté la demande de remboursement présentée par la SCI Bugati et l'a condamnée à lui verser la somme de 530 223,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2019.

Sur la demande de restitution de la SCI Bugati des sommes versées au titre du financement des équipements publics du PAE de la commune de Meudon :

2. Aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. (...) Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. (...) ". Aux termes de l'article L. 332-11 du même code : " Lorsque le programme d'aménagement d'ensemble fait l'objet d'une modification substantielle, le conseil municipal peut, pour les autorisations à venir, réviser le régime de la participation dans les conditions prévues à l'article L. 332-9. Si les équipements publics annoncés n'ont pas été réalisés dans le délai fixé par la délibération instituant ou modifiant la participation, la restitution des sommes éventuellement versées ou de celles qui correspondent au coût des prestations fournies peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire. Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, la taxe est alors rétablie de plein droit dans le secteur concerné et la restitution de ces sommes peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire pour la part excédant le montant de la taxe locale d'équipement qui aurait été exigible en l'absence de la délibération prévue à l'article L. 332-9. Les sommes à rembourser portent intérêt au taux légal. (...) ". Enfin aux termes de l'article 28 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 : " 4. Les articles L. 332-9 à L. 332-11 du même code demeurent applicables dans les secteurs des communes où un programme d'aménagement d'ensemble a été institué antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, et ce jusqu'à ce que le conseil municipal décide de clore le programme d'aménagement d'ensemble. ". Le programme d'aménagement d'ensemble du secteur de Meudon-sur-Seine ayant été institué par une délibération du 19 octobre 2006 du conseil municipal de Meudon et n'ayant pas été clos, les dispositions des articles L. 332-9 et L. 332-11 du code de l'urbanisme précitées, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, sont applicables au litige.

3. II résulte des dispositions précitées du code de l'urbanisme que l'adoption d'un programme d'aménagement d'ensemble doit permettre, à l'occasion d'un projet d'urbanisme, de faire réaliser, dans un ou plusieurs secteurs du territoire communal, dans un délai et pour un coût déterminés, un ensemble d'équipements publics, dont tout ou partie des dépenses peut être mis à la charge des constructeurs, correspondant aux besoins actuels des habitants du secteur et à ceux qui résulteront d'une ou plusieurs opérations de construction, sans que ces équipements soient uniquement liés à une opération de construction isolée. L'absence de réalisation de l'intégralité des équipements publics annoncés à la date prévue par la délibération du conseil municipal approuvant un programme d'aménagement d'ensemble entraîne la restitution des sommes versées antérieurement à cette date, si elle est demandée, ou l'impossibilité de percevoir la participation correspondante, lorsque cette dernière est établie postérieurement à cette date. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 332-11 du même code que la taxe locale d'équipement, si elle avait été instituée dans la commune concernée, redevient exigible en l'absence de réalisation de l'intégralité des équipements publics annoncés à la date prévue par la délibération du conseil municipal approuvant un programme d'aménagement d'ensemble. Il appartient alors au juge qui estime que la participation, à caractère non fiscal, instituée en application de l'article L. 332-9 précité, n'est pas due, de rechercher d'office si le rétablissement de plein droit de la taxe locale d'équipement est susceptible de limiter le montant de la restitution ou de la décharge qu'il prononce. La restitution ou la décharge intégrale ne peut être prononcée que si l'instruction ne permet pas d'établir si la commune avait établi, et à quel taux, la taxe locale d'équipement à la date de délivrance du permis de construire.

4. La commune de Meudon soutient, en premier lieu, qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de proroger le délai de réalisation des équipements publics en portant le délai d'achèvement initialement prévu, par la délibération du 3 juillet 2012, le 26 octobre 2016 au 10 juillet 2019, en raison de recours gracieux et contentieux à l'encontre des permis accordés dans le périmètre du PAE et de la survenue d'un incendie en 2015. La commune justifiait aussi la modification du PAE par la suppression de la surface hors œuvre nette estimée et par l'évolution du programme des équipements publics afin de tenir compte des besoins des habitants et des usagers, en qualifiant ces modifications de substantielles. Toutefois, comme l'a retenu à bon droit le tribunal administratif, l'absence de réalisation de l'intégralité des équipements publics annoncés à la date prévue par la délibération du conseil municipal approuvant un programme d'aménagement d'ensemble entraîne la restitution des sommes versées antérieurement, sans que puissent être pris en compte les aléas et imprévus relatifs à la réalisation des équipements prévus. Par ailleurs, si la commune de Meudon fait état de modifications substantielles du PAE ayant conduit à repousser l'échéance du délai de réalisation initialement prévu, l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme prévoit qu'une telle révision du régime de participation n'a d'incidence que pour les autorisations à venir de sorte que, et à supposer même que le PAE ait connu des modifications substantielles, cette modification ne pouvait concerner la SCI Bugati, qui avait bénéficié d'une permis de construire le 4 août 2011, soit antérieurement aux délibérations des 3 juillet 2012 et 25 juin 2019, prorogeant le délai de réalisation des équipements.

5. En vertu du I de l'article 1585 D du code général des impôts, alors en vigueur, l'assiette de la taxe locale d'équipement " est constituée par la valeur de l'ensemble immobilier comprenant les terrains nécessaires à la construction et les bâtiments dont l'édification doit faire l'objet de l'autorisation de construire. Cette valeur est déterminée forfaitairement en appliquant à la surface de plancher développée hors œuvre une valeur au mètre carré variable selon la catégorie des immeubles. À compter du 1er janvier 2007, cette valeur est la suivante : (...) 7° Parties des locaux à usage d'habitation principale et leurs annexes, autres que ceux entrant dans les 2e et 4e catégories et dont la surface hors œuvre nette excède 170 mètres carrés : 640 ; (...) 9° Autres constructions soumises à la réglementation des permis de construire : 640. Ces valeurs sont majorées de 10 % dans les communes de la région d'Île-de-France (...). ".

6. La commune de Meudon soutient, en second lieu, que la réalisation du programme d'aménagement et d'équipements était achevée à 90 % en 2019 et à 99 % en 2022 et qu'il conviendrait de proratiser les sommes dont la restitution est demandée en ne prenant en compte que les équipements non réalisés pour déterminer le montant que la société Bugati serait en droit de se voir restituer. Toutefois, l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme précité prévoit uniquement que, dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, en l'absence de réalisation dans les délais des équipements prévus, cette taxe est rétablie de plein droit dans le secteur concerné par le programme d'aménagement, de sorte que la restitution des sommes est limitée à la part excédant le montant de la taxe d'équipement qui aurait été exigible en l'absence de délibération créant le programme d'aménagement d'ensemble. Or, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que par une délibération du 25 janvier 1990, la commune de Meudon a fixé le taux de la taxe locale d'équipement pour toutes catégories d'immeubles à 5 % de sorte que le montant de cette taxe qui aurait été exigible en l'absence de programme d'aménagement d'ensemble, se monte à la somme de 155 574 euros. La commune n'est donc pas fondée à soutenir que la SCI Bugati n'aurait dû bénéficier de la restitution que d'une somme calculée au prorata des équipements réalisés et non de celle de 530 223,60 euros.

7. La commune requérante n'est dès lors pas fondée à se plaindre que, par le jugement contesté du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser à la SCI Bugati la somme de 530 223,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2019.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Meudon. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Meudon une somme de 1 500 euros à verser à la SCI Bugati au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Meudon est rejetée.

Article 2 : La commune de Meudon versera la somme de 1 500 euros à la SCI Bugati en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Meudon et à la SCI Bugati.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

Le rapporteur,

J-E. PilvenLe président,

F. EtienvreLa greffière,

F. Petit-galland

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE00538 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00538
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-024 Urbanisme et aménagement du territoire. - Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;22ve00538 ?
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