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05/11/2024 | FRANCE | N°22VE00067

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 05 novembre 2024, 22VE00067


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Beaulieu-Lès-Loches a demandé au tribunal administratif d'Orléans :



1°) de condamner solidairement la société Euro Peinture 37, Mme A..., la société C2A et la société Effilios à lui verser une somme de 10 575,83 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019 avec capitalisation des intérêts échus par année entière, en réparation du préjudice matériel subi du fait de désordres affectant l'isolation thermiq

ue par l'extérieur de l'école maternelle communale ;



2°) de condamner solidairement la société Domi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Beaulieu-Lès-Loches a demandé au tribunal administratif d'Orléans :

1°) de condamner solidairement la société Euro Peinture 37, Mme A..., la société C2A et la société Effilios à lui verser une somme de 10 575,83 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019 avec capitalisation des intérêts échus par année entière, en réparation du préjudice matériel subi du fait de désordres affectant l'isolation thermique par l'extérieur de l'école maternelle communale ;

2°) de condamner solidairement la société Domingues, Mme A..., la société C2A et la société Effilios à lui verser une somme de 93 182,17 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019 avec capitalisation des intérêts échus par année entière, en réparation du préjudice matériel subi du fait de désordres affectant l'isolation des faux-plafonds de l'école communale, ainsi que les gaines de ventilation double-flux situées dans les combles ;

3°) de condamner solidairement la société Euro Peinture 37, la société Effilios, la société Domingues, la société C2A et Mme A... à lui verser une somme de 21 170,62 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019 avec capitalisation des intérêts échus par année entière, en réparation des préjudices de jouissance et financier subis ;

4°) de condamner solidairement la société Euro Peinture 37, la société Effilios, la société Domingues, la société C2A et Mme A... à lui verser une somme de 10 066,80 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019 avec capitalisation des intérêts échus par année entière, correspondant au coût de l'expertise judiciaire, à titre principal, au titre des dépens et, à titre subsidiaire, en réparation du préjudice financier subi.

Par un jugement n° 1901094 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a condamné, dans son article premier, la société Euro Peinture 37, la société C2A, la société Effilios et Mme A... solidairement à verser à la commune de Beaulieu-Lès-Loches la somme de 9 345,18 euros toutes taxes comprises (T.T.C.) au titre des désordres se rapportant à l'isolation thermique par l'extérieur, dans son article 4, condamné la société Euro Peinture 37, la société Domingues, la société C2A, la société Effilios et Mme A... solidairement à verser à la commune de Beaulieu-Lès-Loches la somme de 23 737,42 euros en réparation du préjudice financier subi, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019, avec capitalisation des intérêts à compter du 27 mars 2020 et le cas échéant à chaque échéance annuelle ultérieure, dans son article 5, la société Domingues, la société C2A, la société Effilios, la société Euro Peinture 37 et Mme A... solidairement à verser à la commune de Beaulieu-Lès-Loches la somme de 3 500 euros en réparation du préjudice de jouissance subi, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019, avec capitalisation des intérêts à compter du 27 mars 2020 et le cas échéant à chaque échéance annuelle ultérieure. Par ailleurs, le tribunal a condamné, dans son article 6, la société Euro Peinture 37 à garantir la société C2A, la société Effilios et Mme A... à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre à l'article 1er de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 10 janvier et 20 juillet 2022, la société Euro Peinture 37, représentée par la Selarl Orva-Vaccaro et associés, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement la condamnant solidairement avec la société C2A, la société Effilios et Mme A... à payer la somme de 9 345,38 euros à la commune de Beaulieu-les-Loches, ou à titre subsidiaire de la condamner in solidum mais en limitant sa part de responsabilité à 10 % des désordres relatifs à l'isolation thermique par l'extérieur ;

2°) de réformer le jugement la condamnant au titre du préjudice financier à payer la somme de 23 737,42 euros à la commune de Beaulieu-les-Loches solidairement avec la société Domingues, la société C2A, la société Effilios et Mme A..., ou à titre subsidiaire, de limiter sa condamnation à la somme de 237,37 euros ;

3°) de réformer le jugement la condamnant au titre du préjudice de jouissance à payer la somme de 3 500 euros à la commune de Beaulieu-les-Loches solidairement avec la société Domingues, la société C2A, la société Effilios et Mme A..., ou à titre subsidiaire, de limiter sa condamnation à la somme de 35 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Beaulieu-les-Loches la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

La société Euro Peinture 37 soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas limité sa responsabilité in solidum à 10 % des désordres survenus concernant l'isolation thermique par l'extérieur ;

- on ne peut retenir à son encontre l'absence de respect du cahier des clauses techniques particulières alors qu'elle a réalisé la prestation prévue au dossier de consultation des entreprises et que le cahier des clauses techniques particulières était peu précis, comme le relève l'expert, en l'absence de détails et de description suffisante par le maître d'œuvre ;

- elle ne pouvait réaliser la prestation complémentaire demandée dès lors que cette prestation n'avait jamais été évoquée et qu'elle était confrontée à une impossibilité technique sans solution proposée par l'architecte ;

- elle a transmis à la commune un devis complémentaire qui a été refusé ;

- sa responsabilité au titre du parfait achèvement ne peut être retenue dès lors qu'il s'agit de travaux complémentaires ;

- sa responsabilité contractuelle ne peut non plus être recherchée au motif qu'elle aurait procédé à une pose non conforme de l'isolation thermique extérieure et n'aurait pas respecté les stipulations contractuelles ; le compte rendu de chantier du 7 septembre 2017 confirme que les travaux de dépose de toiture et le passage de l'isolation n'étaient pas prévus dans la demande initiale ;

- la commune ne lui a pas permis de reprendre les travaux pour mettre fin aux désordres ;

- ainsi, sa responsabilité ne peut être recherchée au titre de la garantie de parfait achèvement ou au titre de la responsabilité contractuelle ; l'absence de présentation des plans EXE résulte d'un oubli de la maîtrise d'œuvre ;

- en ce qui concerne le préjudice financier, aucune responsabilité ne peut être retenue à son encontre dès lors qu'elle a transmis un devis complémentaire le 15 septembre 2017 ; les coûts financiers sont le résultat du manque de précision du CCTP impliquant une expertise et des frais annexes ;

- en ce qui concerne le préjudice de jouissance, ce préjudice est lié à une restriction d'accès à l'école en raison de l'état d'un local d'activités réservé aux enfants et à l'absence d'utilisation du système de ventilation double flux alors qu'elle n'a pas concouru à la réalisation de ce désordre ;

- à titre subsidiaire, sa responsabilité ne peut être recherchée s'agissant des préjudices financiers et de jouissance qu'à hauteur de 1,94 % de l'ensemble du préjudice dès lors qu'elle ne peut être tenue comme responsable qu'à hauteur de 10 % des désordres pour la seule isolation thermique par l'extérieur.

Par deux mémoires, enregistrés les 17 juin 2022 et 3 mai 2024, la SARL Effilios, représentée par Me David, conclut :

- au rejet de la requête de la société Euro Peinture 37 et de l'appel incident de la commune de Beaulieu-les-Loches ;

- à la condamnation de la société Euro Peinture 37, la société Domingues, la société C2A et Mme A... à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- au rejet de l'appel incident de la commune tendant à la voir condamner ;

- à la mise à la charge de toute partie perdante la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- s'agissant des préjudices liés à l'isolation thermique, aucune responsabilité n'a été retenue par l'expert à son encontre ;

- s'agissant des préjudices subis par la commune, rien ne justifie la répartition proposée par la société requérante pour indemniser la commune.

Par deux mémoires, enregistrés les 7 juillet 2022 et 6 mai 2024, la SARL Domingues, représentée par la SCP Cornu Sadania Paillot, avocat, conclut :

- au rejet de la requête de la société requérante et des conclusions de la société Effilios d'appel en garantie ;

- à l'annulation de l'article 5 du jugement la condamnant ;

- à titre subsidiaire, à retenir la répartition des condamnations proposée par la société requérante ;

- au rejet de la demande d'appel incident de la commune ;

- à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle n'est pas concernée par le préjudice relatif aux désordres de l'isolation par l'extérieur ;

- s'agissant des préjudices financiers et de perte de jouissance, le raisonnement de la société requérante ne peut être suivi ;

- s'agissant de l'appel incident de la commune de Beaulieu-les-Loches, aucun élément ne permet de faire droit à l'augmentation de la réparation demandée par la commune ;

- le préjudice de jouissance de la commune n'est pas établi et sa condamnation à ce titre n'a pas lieu d'être.

Par deux mémoires, enregistrés les 8 avril 2024 et 15 mai 2024, la commune de Beaulieu-les-Loches, représentée par la Selarl Walter et Garance Avocats, conclut :

- au rejet de la requête de la société Euro Peinture 37 ;

- par un appel incident, à ce que la somme due au titre de l'isolation thermique par l'extérieur soit portée à la somme de 10 578,83 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019 et de la capitalisation et à ce que la somme due au titre du préjudice de jouissance soit portée à 7 500 euros ;

- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la société requérante n'est pas fondée à contester sa responsabilité dans la survenue des désordres liés à l'isolation par l'extérieur et reste responsable à titre contractuel ou au titre de la garantie de parfait achèvement ;

- elle est responsable aussi solidairement des désordres au titre des préjudices matériels, financier et de jouissance ;

- il y a lieu, par voie de l'appel incident, de retenir des préjudices indemnisables d'un montant de 10 575,83 euros au titre du préjudice matériel et 7 500 euros au titre du préjudice de jouissance et de condamner solidairement les intervenants retenus par le tribunal administratif.

Par ordonnance du 24 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- les observations de Me Bernardin pour la société Euro Peinture 37 et de Me Tuilleaux pour la commune de Beaulieu-Lès-Loches.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 19 novembre 2015, la commune de Beaulieu-Lès-Loches a confié au groupement constitué de la société Effilios, bureau d'étude fluides, de la société C2A, économiste de la construction, et de Mme A..., architecte mandataire, la maîtrise d'œuvre des travaux de rénovation de l'école maternelle communale. Le lot n° 2, qui concernait l'isolation par l'extérieur, a été confié à la société Euro Peinture 37. Le lot n° 4 qui concernait la plâtrerie, l'isolation et les raccords sol et peinture a été confié à la société Domingues. La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 3 août 2017. En l'absence de levée des réserves à l'issue des délais convenus, par une ordonnance du 27 mars 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours a prescrit une mesure d'expertise. L'expert a déposé son rapport le 10 décembre 2018. La commune de Beaulieu-Lès-Loches a demandé au tribunal de condamner la société Euro Peinture 37, la société Effilios, la société C2A, la société Domingues et Mme A... à l'indemniser des préjudices subis.

2. La société Euro Peinture 37 demande en appel de réformer le jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a condamné solidairement, dans son article premier, la société Euro Peinture 37, la société C2A, la société Effilios et Mme A... à verser à la commune de Beaulieu-Lès-Loches la somme de 9 345,18 euros T.T.C. au titre des désordres se rapportant à l'isolation thermique par l'extérieur, dans son article 4, la société Euro Peinture 37, la société Domingues, la société C2A, la société Effilios et Mme A... à verser à la commune de Beaulieu-Lès-Loches la somme de 23 737,42 euros en réparation du préjudice financier subi, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019, avec capitalisation des intérêts à compter du 27 mars 2020 et le cas échéant à chaque échéance annuelle ultérieure, dans son article 5, la société Domingues, la société C2A, la société Effilios, la société Euro Peinture 37 et Mme A... à verser à la commune de Beaulieu-Lès-Loches la somme de 3 500 euros en réparation du préjudice de jouissance subi, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019, avec capitalisation des intérêts à compter du 27 mars 2020 et le cas échéant à chaque échéance annuelle ultérieure. Par ailleurs, le tribunal a condamné, dans son article 6, la société Euro Peinture 37 à garantir la société C2A, la société Effilios et Mme A... à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre à l'article 1er de ce jugement.

3. La SARL Effilios demande que la société Euro Peinture 37, la société Domingues, la société C2A et Mme A... la garantissent de toute condamnation prononcée à son encontre. Enfin, la commune de Beaulieu-lès-Loches, demande, par un appel incident, à ce que la somme due au titre de l'isolation thermique par l'extérieur soit portée à la somme de 10 578,83 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2019 et de la capitalisation et à ce que la somme due au titre du préjudice de jouissance soit portée à 7 500 euros.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation de la société Euro Peinture 37 :

En ce qui concerne les responsabilités :

S'agissant de la responsabilité de la société Euro Peintures 37 au titre de la garantie de parfait achèvement :

4. Aux termes de l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG-Travaux) dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014, applicable aux lots n° 2 et 4 du marché en vertu de l'article 37 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) commun à tous les lots, lequel n'y déroge pas : " Le délai de garantie est, sauf prolongation décidée comme il est précisé à l'article 44.2, d'un an à compter de la date d'effet de la réception. / Pendant le délai de garantie, outre les obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application de l'article 41.4, le titulaire est tenu à une obligation dite " obligation de parfait achèvement ", au titre de laquelle il doit : / a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux articles 41.5 et 41.6 ; / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ; / c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs, dont la nécessité serait apparue à l'issue des épreuves effectuées conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché (...) ".

5. La garantie de parfait achèvement s'étend à la reprise, d'une part, des désordres ayant fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d'autre part, de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l'année suivant la date de réception.

6. Il résulte de l'instruction que les désordres consistant en un défaut de continuité de l'isolation thermique par l'extérieur au niveau de la liaison entre le mur et la toiture sous rampants ont été mentionnés aux termes du procès-verbal de réception des travaux du 3 août 2017 et que ces réserves n'ont pas été levées à l'issue du délai consenti par le maître de l'ouvrage expirant au 1er septembre 2017.

7. La société Euro Peinture 37 soutient que sa responsabilité ne peut être recherchée au titre de la garantie de parfait achèvement dès lors qu'elle a réalisé la prestation prévue au dossier de consultation des entreprises et au cahier des clauses techniques particulières, que les travaux en litige seraient des travaux complémentaires à ceux prévus au marché, et que l'insuffisance constatée de l'isolation par l'extérieur relèverait d'un défaut de conception à la charge des maîtres d'œuvre.

8. Toutefois, et bien qu'il résulte du rapport d'expertise que la maîtrise d'œuvre n'ait pas décrit avec suffisamment de précisions au cahier des clauses techniques particulières les travaux d'isolation à réaliser de nature à permettre la dépose de la toiture et le passage de l'isolant thermique extérieur, opération qualifiée de complexe par l'expert judiciaire, ce dernier relève, d'une part, que le profil de départ de l'isolation extérieure aurait pu descendre plus bas sans pour autant recouvrir le solin ou y porter atteinte et, d'autre part, qu'il appartenait à la société requérante, au vu de la mission qui lui était confiée, de réaliser les plans d'exécution, ce qui aurait eu pour effet d'identifier avant le début des travaux les insuffisances de la maîtrise d'œuvre. Il lui appartenait par ailleurs, dans le cadre de son obligation de conseil de constater que l'absence d'isolant sur une surface de 10 à 15 cm au-dessus de la toiture crée des ponts thermiques, non conformes aux règles de l'art. La société Euro Peinture 37 n'est donc pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne pouvait être recherchée sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, ces désordres ayant fait l'objet de réserves lors de la réception des travaux.

S'agissant de la responsabilité solidaire de la société C2A, de la société Effilios et de Mme A... :

9. Par ailleurs, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, de retenir que les membres du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre, la société C2A, la société Effilios et Mme A... étaient tenus, en l'absence de convention à laquelle le maître de l'ouvrage aurait été partie, à une responsabilité solidaire, au sens d'" in solidum ", en raison des fautes commises, du fait de l'insuffisante précision de la description des travaux d'isolation par l'extérieur à réaliser, notamment pour la partie située au niveau du solin. Il y a ainsi lieu de retenir une responsabilité in solidum de la société Euro Peinture 37 et des membres du groupement de maîtrise d'œuvre dans la réalisation de ce désordre.

En ce qui concerne les préjudices :

10. La société Euro Peinture 37, dont la commune de Beaulieu-lès-Loches recherchait la responsabilité solidairement avec celle du groupement de maîtrise d'œuvre, pouvait demander aux premiers juges de procéder au partage des responsabilités entre elle-même et le groupement de maîtrise d'œuvre sans être tenue de présenter contre celui-ci des conclusions d'appel en garantie.

S'agissant du préjudice matériel relatif à l'isolation thermique par l'extérieur :

11. La société requérante ne remet pas en cause le partage de responsabilité retenu par les premiers juges, fixant sa part de responsabilité à 10 % dans la survenue des désordres survenus lors de la pose de l'isolation thermique par l'extérieur. Elle ne remet pas non plus en cause sérieusement le montant de 9 345,18 euros retenu par les premiers juges au titre de la réparation de ce préjudice par le groupement de maîtrise d'œuvre et par elle-même, en se bornant à soutenir qu'elle a transmis un devis complémentaire le 15 septembre 2017, pour un montant de 2 999,88 euros toutes taxes comprises, qui aurait été de nature à résoudre le désordre subi pour l'isolation thermique par l'extérieur, dès lors que la réalisation de ces travaux qu'elle présente comme complémentaires étaient prévus au contrat initial.

S'agissant du préjudice financier :

12. Si la société requérante soutient qu'en tout état de cause elle n'est pas responsable du préjudice matériel subi par la commune, en l'absence de précisions au cahier des clauses techniques particulières, ayant eu pour conséquences des frais financiers tenant à l'intervention d'un huissier, d'un expert judiciaire et à une nouvelle mise en concurrence, il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt que la responsabilité de la société requérante dans la survenue du dommage matériel, relatif à l'isolation thermique par l'extérieur, doit être retenue. Par ailleurs, aucune règle n'imposait à la commune d'accepter le nouveau devis présenté le 15 septembre 2017 pour des prestations qui étaient prévues dans le marché initial.

13. Il y a ainsi lieu, comme l'a jugé à bon droit par le tribunal administratif, de retenir une condamnation in solidum de la société Euro Peinture 37, de la société Domingues, de la société C2A, de la société Effilios et de Mme A... en réparation de ses préjudices financiers.

14. La société requérante demande que sa part de responsabilité soit ramenée à 1,94 % des préjudices subis à ce titre par la commune de Beaulieu-lès-Loches, en se fondant, pour retenir ce pourcentage, sur sa part de responsabilité retenue au titre du préjudice relatif à l'isolation thermique par l'extérieur, rapporté à l'ensemble des préjudices matériels, comprenant aussi ceux relatifs à la pose de l'isolant dans les combles perdus et au défaut d'isolation des gaines de ventilation double-flux.

15. Toutefois, le préjudice financier subi par la commune, tenant aux frais relatifs à un constat d'huissier et à une expertise judiciaire, qui ont été utiles dans le cadre de cette procédure pour apprécier, d'une part, la réalité des désordres, et d'autre part, la circonstance de la survenue des dommages et le coût des réparations, trouve son origine dans les fautes de la maitrise d'œuvre et des constructeurs de sorte qu'il y a lieu de retenir, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, que la société requérante est responsable des désordres survenus à hauteur de la somme de 470 euros au titre du constat et de 10 066,80 euros au titre de l'expertise judiciaire. S'agissant des frais de publicité et de mise en concurrence pour la passation du marché de reprise, il y a lieu de retenir que seuls les coûts de publicité du marché nécessaire à la reprise de l'isolation par l'extérieur peuvent être mis à la charge de la société requérante, soit la somme de 193,92 euros, correspondant au tiers de la somme demandée. S'agissant des frais de maîtrise d'œuvre, la rémunération du maître d'œuvre ayant été établie au vu d'un pourcentage sur le quantum des travaux, soit 9 % de la somme de 109 809,60 euros, il y a lieu de retenir que la responsabilité de la société requérante doit être fixée solidairement à 9 % de la somme de 9 346,18 euros, somme chiffrée par l'expert judiciaire pour la reprise de l'isolation par l'extérieur, soit la somme de 841,16 euros. S'agissant des coûts de contrôle technique ou de CSPS, ces coûts ne peuvent faire l'objet d'une répartition selon les préjudices matériels subis. Il y a ainsi lieu de retenir que la responsabilité solidaire de la société requérante doit être fixée à la somme de 2 736 euros. Par suite, il y a lieu de retenir une condamnation in solidum de la société Euro Peinture 37 au titre des sommes portant sur le constat d'huissier, les frais d'expertise, les frais de passation du nouveau marché, les frais de maîtrise d'œuvre, les frais de CPCR et contrôle technique pour un montant total de 14 307,88 euros et de rejeter la demande de la société requérante tendant à ce que sa part de responsabilité soit ramenée à 1,94 % du préjudice financier subi par la commune ou à ce que la somme à laquelle elle a été condamnée à verser à la commune à ce titre soit ramenée à 237,37 euros.

S'agissant du préjudice relatif à la perte de jouissance du bâtiment :

16. La commune de Beaulieu-lès-Loches soutenait en première instance n'avoir pu utiliser l'ensemble des locaux à compter du 3 août 2017 jusqu'au 9 octobre 2017, date de la rentrée des classes reportée en raison de l'importance des désordres constatés, et n'avoir eu l'usage que de quelques locaux après cette date jusqu'au 10 décembre 2018. Toutefois, le rapport de l'expert judiciaire ne se prononce que très sommairement sur ce préjudice, en retenant de surcroît des manquements de la maîtrise d'œuvre n'ayant eu de conséquences que dans l'impossibilité d'utiliser le local d'activités des enfants et le système de ventilation double flux. La commune n'apporte aucun élément de nature à justifier en quoi le défaut d'isolation par l'extérieur aurait pu avoir pour effet l'interdiction d'utilisation de l'ensemble du bâtiment et, en tout état de cause, de certaines pièces, alors que ce défaut d'isolation ne portait que sur une hauteur de 10 à 15 cm et qu'aucun relevé de température n'a été produit pour établir l'impossibilité d'usage des salles du bâtiment durant la période froide. La société requérante est dès lors fondée à demander que sa responsabilité ne soit pas retenue pour ce préjudice et à réformer le jugement attaqué dans cette mesure.

En ce qui concerne l'appel incident de la commune :

17. La commune de Beaulieu-lès-Loches n'apporte en appel aucun élément complémentaire de nature à établir d'une part que le préjudice matériel subi soit porté à la somme de 10 578,83 euros au titre du désordre relatif à l'isolation thermique par l'extérieur, les surcoûts dont elle se prévaut n'étant pas suffisamment établis par les factures produites en première instance.

18. La commune n'apporte non plus, s'agissant du préjudice lié à la perte de jouissance du bâtiment, d'éléments complémentaires de nature à établir les motifs exacts de restrictions d'usage ainsi que les températures existant dans les pièces du bâtiment en période froide. La commune de Beaulieu-lès-Loches n'est ainsi pas fondée à demander que le préjudice de perte de jouissance soit porté à la somme de 7 500 euros.

En ce qui concerne l'appel provoqué de la société Domingues :

19. Le présent arrêt, qui réforme le jugement attaqué du tribunal administratif d'Orléans en réduisant la part de responsabilité retenue à l'encontre de la société Euro Peinture 37 s'agissant du préjudice financier et en l'excluant s'agissant du préjudice de jouissance, a pour effet d'aggraver la situation de la société Domingues. Par suite, l'appel provoqué présenté par cette société et tendant à annuler ou réformer les articles 4 et 5 du jugement attaqué est recevable. Par ailleurs, cette société n'est pas fondée à demander que sa responsabilité ne soit pas retenue, s'agissant du préjudice relatif à la perte de jouissance du bâtiment, dès lors que, pour les motifs retenus par les premiers juges, elle doit être regardée comme n'ayant pas procédé à l'exécution dans les règles de l'art des travaux prévus au lot n° 4 relatifs à la pose d'un isolant dans les combles perdus. Dès lors sa demande tendant à ce qu'elle ne soit pas condamnée in solidum avec la maîtrise d'œuvre, responsable sur le fondement de la garantie décennale, à indemniser le désordre subi par la commune pour le préjudice relatif à la perte de jouissance du bâtiment ne peut qu'être écartée.

20. Toutefois, dès lors que la responsabilité de cette société ne peut être retenue qu'en ce qui concerne le désordre lié à l'isolation des combles, il y a lieu de retenir qu'elle n'est responsable, s'agissant des frais de maîtrise d'œuvre qu'à hauteur de 9 % de la somme de 33 246,50 euros, soit la somme de 2 992,19 euros et s'agissant des frais de passation du marché que du tiers du quantum soit la somme de 193,92 euros. Par suite, il y a lieu de retenir une condamnation in solidum de la société Domingues au titre des sommes portant sur le préjudice financier pour un montant de 16 458,90 euros. Il y a, par suite, lieu de réformer le jugement attaqué dans cette mesure.

En ce qui concerne l'appel provoqué formé par la société Effilios :

21. Le présent arrêt, qui réforme le jugement attaqué du tribunal administratif d'Orléans, a pour effet d'aggraver la situation de la société Effilios. Dès lors, l'appel provoqué présentée par cette dernière et tendant à la réformation du jugement attaqué est recevable.

22. La Sarl Effilios n'apporte en appel aucun élément de nature à l'exonérer de sa responsabilité in solidum avec les autres constructeurs dans la survenue des dommages relatifs à l'isolation thermique par l'extérieur, à la pose de l'isolant dans les combles perdus ou à l'isolation des gaines de ventilation double-flux. Toutefois, s'agissant des frais de maîtrise d'œuvre, le tribunal administratif a retenu le coût des travaux réalisés par la commune, largement supérieur à celui chiffré par l'expert judiciaire, sans qu'il ne soit apporté d'éléments probants de nature à justifier cette différence. Dès lors, s'agissant de ces frais, seuls 9 % du coût des travaux chiffrés par l'expert peuvent être mis à la charge solidaire de cette société, soit la somme de 4 333,38 euros, correspondant à 9 % de la somme de 48 148,68 euros, de sorte qu'il y a lieu de retenir une condamnation solidaire au titre du préjudice financier mis à la charge de cette société à hauteur de la somme de 18 187,94 euros.

En ce qui concerne les appels en garantie formés par les sociétés Domingues et Effilios :

23. La Sarl Effilios n'apporte en appel aucun élément de nature à modifier les appels en garantie retenus par les premiers juges et dirigés à l'encontre de la société Euro Peinture 37, de la Sarl Domingues, de la société C2A et de Mme A..., et se borne seulement à demander à être garantie au prorata des montants définitivement supportés par chaque partie condamnée en première instance et en appel. La société Domingues demande de son côté à être garantie par les autres parties condamnées au prorata du quantum retenu à leur encontre.

24. Au titre du préjudice financier, la société Euro Peinture 37, la société Domingues, la société C2A, la société Effilios et Mme A... sont condamnées in solidum à réparer le préjudice financier subi par la commune, à hauteur de la somme de 23 737,42 euros s'agissant de Mme A... et de la société C2A, à hauteur de la somme de 14 307,88 euros s'agissant de la société Euro Peinture 37, à hauteur de la somme de 16 458,90 euros s'agissant de la société Domingues, et à hauteur de la somme de 18 187,94 euros s'agissant de la société Effilios. Il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité de ces cinq participants au marché en cause en la fixant à 20 % dans la limite toutefois des montants fixés plus haut. La société Euro Peinture 37, la société C2A, la société Effilios et Mme A... sont ainsi condamnées à garantir la société Domingues à hauteur de 20 % dans les limites des sommes fixées plus haut et la société Euro Peinture 37, la société C2A, la société Domingues et Mme A... sont condamnées à garantir la société Effilios à hauteur de 20 % dans les limites des sommes fixées plus haut.

25. Au titre du préjudice de jouissance, la société Domingues, la société C2A, la société Effilios et Mme A... sont condamnées in solidum à réparer le préjudice de jouissance subi par la commune, à hauteur de la somme de 3 500 euros. Il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité de ces quatre participants au marché en cause en la fixant à 25 % de cette somme. La société C2A, la société Effilios et Mme A... sont ainsi condamnées à garantir la société Domingues à hauteur de 25 % de la somme de 3 500 euros et la société C2A, la société Domingues et Mme A... sont condamnées à garantir la société Effilios à hauteur de 25 % de cette somme de 3 500 euros.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Beaulieu-lès-Loches. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Beaulieu-lès-Loches une somme de 1 500 euros à verser à la société Euro Peinture 37 au titre des mêmes dispositions. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la SARL Effilios, et la SARL Domingues.

D E C I D E :

Article 1er : La somme à laquelle la société Euro Peinture 37 a été condamnée in solidum par l'article 4 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2021 est ramenée à la somme totale de 14 307,87 euros au titre de la réparation du préjudice financier subi par la commune de Beaulieu-lès-Loches.

Article 2 : La Sarl Domingues, la société C2A, la société Effilios et Mme A... sont condamnées in solidum à verser à la commune de Beaulieu-lès-Loches la somme de 3 500 euros en réparation du préjudice de jouissance subi.

Article 3 : La somme à laquelle la société Effilios a été condamnée in solidum à verser à la commune de Beaulieu-lès-Loches au titre du préjudice financier est ramenée à 18 187,94 euros.

Article 4 : La somme à laquelle la société Domingues a été condamnée in solidum à verser à la commune de Beaulieu-lès-Loches au titre du préjudice financier est ramenée à 16 458,90 euros.

Article 5 : La société C2A, la société Effilios, Mme A..., la société Euro Peinture 37 garantiront la société Domingues à hauteur de 20 % chacune au titre du préjudice financier dans la limite des montants fixés au point 24 du présent arrêt.

Article 6 : La société C2A, la société Domingues, Mme A..., la société Euro Peinture 37 garantiront la société Effilios à hauteur de 20 % chacune au titre du préjudice financier dans la limite des montants fixés au point 24 du présent arrêt.

Article 7 : La société C2A, la société Effilios et Mme A... garantiront la société Domingues à hauteur de 25 % chacune au titre du préjudice financier dans la limite des montants fixés au point 25 du présent arrêt.

Article 8 : La société C2A, la société Domingues et Mme A... garantiront la société Effilios à hauteur de 25 % chacune au titre du préjudice financier dans la limite des montants fixés au point 25 du présent arrêt.

Article 9 : La commune de Beaulieu-lès-Loches versera la somme de 1 500 euros à la société Euro Peinture 37 en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la commune de Beaulieu-lès-Loches et par les sociétés Effilios et Domingues sur ce fondement sont rejetées.

Article 10 : Le surplus des conclusions de la société Euro Peinture 37 et l'appel incident de la commune de Beaulieu-lès-Loches sont rejetés.

Article 11 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 12 : Le présent arrêt sera notifié à la société Euro Peinture 37, à la commune de Beaulieu-lès-Loches, à la Sarl Domingues, à la Sarl Effilios, à Mme A... et à la société C2A.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

Le rapporteur,

J-E. PilvenLe président,

F. EtienvreLa greffière,

F. Petit-Galland

La République mande et ordonne à la préfète d'Indre-et-Loire en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE00067 2


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