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05/11/2024 | FRANCE | N°22VE00062

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 05 novembre 2024, 22VE00062


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Compagnie des 7 savonniers et la société Paris Hajj ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 mars 2019 par laquelle le maire de la commune de Puteaux a préempté le droit au bail commercial vendu par la société Compagnie des 7 savonniers à la société Paris Hajj.



Par un jugement n° 1905767 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2022, la commune de Puteaux, repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie des 7 savonniers et la société Paris Hajj ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 mars 2019 par laquelle le maire de la commune de Puteaux a préempté le droit au bail commercial vendu par la société Compagnie des 7 savonniers à la société Paris Hajj.

Par un jugement n° 1905767 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2022, la commune de Puteaux, représentée par Me Sabattier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la société Compagnie des 7 Savonniers et de la société Paris Hajj ;

3°) de mettre à la charge de ces sociétés la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la diversité commerciale n'est pas suffisamment assurée dans le quartier litigieux dès lors qu'y existent de nombreuses agences de voyage et d'agences immobilières et que le nombre de restaurants est insuffisant au regard des besoins de la population.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2022, la société Paris Hajj, représentée par Me Caillet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la ville de Puteaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la ville de Puteaux ne sont pas fondés ;

- la décision du 4 mars 2019 est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par ordonnance du 10 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Compagnie des 7 savonniers exerce une activité de commerce de savons et est titulaire d'un bail commercial pour un local situé au rez-de-chaussée du 39 boulevard Wallace à Puteaux (Hauts-de-Seine). Ce local est situé à l'intérieur d'un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité instauré par deux délibérations du conseil municipal de Puteaux du 8 avril 2010 et du 23 septembre 2011. Cette société a vendu, par acte sous seing privé du 9 octobre 2018, son droit au bail à la société Paris Hajj qui exerce une activité d'agence de voyages sous l'enseigne " Wallace voyages ". Par une décision du 4 mars 2019, la commune de Puteaux a préempté le droit au bail commercial pour le prix convenu entre les deux sociétés. Sur demande formée par ces deux sociétés, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par le jugement n° 1905767 du 9 novembre 2021, annulé cette décision. La ville de Puteaux relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme : " Le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption institué par le présent chapitre les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux. / (...) Chaque aliénation à titre onéreux est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le cédant à la commune. Cette déclaration précise le prix, l'activité de l'acquéreur pressenti, le nombre de salariés du cédant, la nature de leur contrat de travail et les conditions de la cession. Elle comporte également le bail commercial, le cas échéant, et précise le chiffre d'affaires lorsque la cession porte sur un bail commercial ou un fonds artisanal ou commercial. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre " - au sein duquel figurent les dispositions citées au point précédent - " sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets (...) d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les collectivités titulaires du droit de préemption mentionné au point 2 peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien, en l'occurrence le fonds artisanal ou commercial ou le bail commercial, faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

5. La commune de Puteaux fait valoir que le quartier où est implanté le local litigieux est marqué par une trop forte prédominance d'activités de services, qu'il comprend 10 agences de voyages et 14 agences immobilières, alors que le nombre de restaurants est insuffisant au regard des besoins de la population. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le quartier en cause comprend seulement trois agences de voyage généralistes en activité, situées à 300 mètres, 500 mètres et 900 mètres du local litigieux, qu'une vingtaine de restaurants sont situés à moins de 300 mètres de ce local et que le quartier comprend, dans un rayon de 300 mètres, trois commerces de détail alimentaire, deux boucheries-rôtisseries, un chocolatier, un supermarché, un caviste, trois magasins de prêt-à-porter, un opticien, une parfumerie, trois commerces d'appareils électroniques, et un fleuriste. En outre, la décision de préemption attaquée, qui se borne à se référer aux délibérations du 8 avril 2010 et du 23 septembre 2011 et à indiquer que l'activité du cessionnaire est de nature à porter atteinte à la diversité commerciale du quartier, lequel comporte d'ores-et-déjà un nombre important d'activités de services, n'apporte pas de précision quant à la nature du projet poursuivi, notamment la ou les activités commerciales ou artisanales dont l'installation ou le développement seraient organisés dans le périmètre en cause, laquelle ne ressortait pas non plus de la délibération délimitant le périmètre. Ainsi, la mise en œuvre du droit de préemption ne répondait pas à un intérêt général suffisant.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres moyens soulevés par la société Paris Hajj soient susceptibles de fonder l'annulation de la décision litigieuse.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Puteaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 4 mars 2019 par laquelle le maire de la commune de Puteaux a préempté le droit au bail commercial vendu par la société Compagnie des 7 savonniers à la société Paris Hajj.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Compagnie des 7 savonniers et Paris Hajj, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la commune de Puteaux demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la société Paris Hajj sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Puteaux est rejetée.

Article 2 : La commune de Puteaux versera à la société Paris Hajj une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Puteaux, à la société compagnie des 7 savonniers et à la société Paris Hajj.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

La rapporteure,

C. PhamLe président,

F. Etienvre

La greffière,

F. Petit-Galland La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00062
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : HELIANS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;22ve00062 ?
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