Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 17 juin 2020 par laquelle la ministre des armées lui a infligé la sanction de blâme.
Par un jugement n° 2002184 du 8 mars 2022, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette sanction.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mai 2022, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Orléans.
Elle soutient que :
- la matérialité des faits reprochés est établie ;
- le manquement au devoir de réserve était constitué par l'envoi même du courrier litigieux à un tiers, peu important que M. B... ait demandé que ce texte ne soit pas publié, cette demande ayant pu être rédigée après concertation dans le seul but d'échapper à une sanction disciplinaire ;
- aucune pièce du dossier ne permet d'établir l'existence d'une relation amicale ou de confiance entre MM. A... et B..., le directeur de publication n'ayant par ailleurs jamais indiqué qu'il avait pris sur lui de publier le texte en cause ;
- ainsi, M. B... ne pouvait ignorer que le texte et les documents transmis seraient publiés par M. A... ; à titre subsidiaire, il ne pouvait ignorer qu'en transmettant ces texte et documents à M. A..., il prenait un risque significatif de voir ces documents publiés sur le blog tenu par le destinataire ; à titre infiniment subsidiaire, il ne pouvait ignorer qu'il prenait à tout le moins un risque significatif de voir ces texte et documents être finalement transmis à des personnes autres que leur destinataire.
La requête a été communiquée à M. C... B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par la présente requête, la ministre des armées relève appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la sanction de blâme infligée par décision du 17 juin 2020 à M. C... B..., sous-officier de l'armée de terre.
2. Aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : (...) / f) Le blâme du ministre (...). ". Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code : " Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. / Elles ne peuvent cependant être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire. Cette règle s'applique à tous les moyens d'expression (...) / Indépendamment des dispositions du code pénal relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel, les militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la loi, les militaires ne peuvent être déliés de cette obligation que par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent (...). ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis, s'ils constituent une faute de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. Il ressort des pièces du dossier que la sanction litigieuse est fondée sur la circonstance que M. B... a fourni des documents permettant, au cours du mois de mai 2018, la publication sans autorisation sur le blog de l'association des forces armées réunies (AFAR) " Armée-Média " d'un texte virulent à l'encontre de sa hiérarchie et de l'armée de terre et de plusieurs documents issus de son dossier militaire de sous-officier.
5. S'il ressort des pièces du dossier et n'est, au demeurant, pas contesté que M. B... a envoyé, le 29 mars 2018, un courrier électronique à M. A..., capitaine de gendarmerie et président de l'AFAR, auquel il a joint un certain nombre de documents de son dossier personnel pour illustrer le récit d'un harcèlement moral qu'il estimait avoir subi en Polynésie Française et dont le contenu met en cause son supérieur hiérarchique, il ressort de ce même courrier électronique que M. B... avait expressément demandé à M. A... de ne pas diffuser ce récit au risque d'être radié des cadres, indiquant : " Je te fais confiance pour ne pas que ce soit diffusé, ils seraient capables de me virer pour blasphème ". M. A... atteste également que M. B... n'est pas l'instigateur de cette publication. Si M. B... ne précise pas pour quels motifs ces documents ont été transmis au président de l'AFAR, ce récit porte les mentions " attestation sur l'honneur ", " j'ai pris connaissance des sanctions pénales encourues par l'auteur d'une fausse attestation " et " fait pour servir et valoir ce que de droit ". Elle a, par ailleurs, été publiée par M. A... plus d'un mois après sa transmission par M. B... dans le cadre d'un article intitulé " Plainte pour diffamation du DGGN : révélations : jour J+16 ", alors qu'à cette époque, M. A... était poursuivi pour diffamation et a été condamné le 27 juillet 2018 par un jugement du tribunal correctionnel de Perpignan. Enfin, l'examen des courriers électroniques échangés en mars 2018 entre les intéressés révèle l'existence d'une relation de confiance, dans le cadre de laquelle M. A... appelle M. B... " mon ami " et les intéressés échangent spontanément sur leur mal être professionnel respectif. Dès lors, ainsi qu'il le soutient, en fournissant ces documents, M. B... a pu légitimement considérer, de surcroît à la suite de sa mise en garde expresse, que M. A..., bien que président de l'association des forces armées réunies et rédacteur en chef du site internet " Armée média, le journal de l'AFAR ", ne publierait pas ce récit, lequel avait selon toute vraisemblance vocation à être produit en justice. Par suite, compte tenu du contexte dans lequel il a été procédé à l'envoi de ces documents, la transmission reprochée à M. B... ne peut être regardée comme fautive et ne constitue ni un manquement à son obligation de respect et d'obéissance hiérarchique, ni à son devoir de réserve au sens des dispositions de l'article L. 4121-2 du code de la défense.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision du 17 juin 2020.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE01177 2