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17/10/2024 | FRANCE | N°22VE00830

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 17 octobre 2024, 22VE00830


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs, venant aux droits de l'établissement public SNCF Mobilités, ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner in solidum Tours Métropole Val de Loire et la société Smacl Assurances à verser la somme de 504 553,69 euros à SNCF Réseau et la somme de 161 364,41 euros à SNCF Voyageurs au titre des préjudices résultant d'un incendie survenu le 11 juillet 2015 sur le pont de Grammont à Tours, ces sommes étant assorties

des intérêts au taux légal et de la capitalisation, et de condamner in solidum Tours Métropo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs, venant aux droits de l'établissement public SNCF Mobilités, ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner in solidum Tours Métropole Val de Loire et la société Smacl Assurances à verser la somme de 504 553,69 euros à SNCF Réseau et la somme de 161 364,41 euros à SNCF Voyageurs au titre des préjudices résultant d'un incendie survenu le 11 juillet 2015 sur le pont de Grammont à Tours, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation, et de condamner in solidum Tours Métropole Val de Loire et la société Smacl Assurances à garantir la société SNCF Réseau de toute condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Tours dans le cadre du litige opposant cette dernière à la société Keolis et son assureur Generali.

Par un jugement n° 1904608 du 10 février 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande des sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs et les conclusions de Tours Métropole Val de Loire et de la société Smacl assurances tendant à être garanties par la société SNCF Réseau.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 avril 2022 et 11 février 2024, les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs, représentées par Me Hansen, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement Tours Métropole Val de Loire et son assureur la société Smacl Assurances à verser la somme de 504 553,69 euros à SNCF Réseau et la somme de 161 364,41 euros à SNCF Voyageurs ;

3°) de condamner solidairement Tours Métropole Val de Loire et son assureur la société Smacl Assurances à garantir la société SNCF Réseau de toute condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Tours dans le cadre du litige opposant cette dernière à la société Keolis et son assureur Generali et de toute condamnation qui pourrait être prononcée en appel et dans tout contentieux ultérieur ;

4°) de mettre à la charge solidaire de Tours Métropole Val de Loire et de la société Smacl Assurances la somme de 3 000 euros à la société SNCF Réseau et de 3 000 euros à la société SNCF Voyageurs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'appréciation ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré du rôle causal de la présence des câbles de précontraintes et de leur enrobage de cire pétrolière ;

- la responsabilité contractuelle de Tours Métropole Val de Loire est engagée à l'égard de SNCF Réseau ; la convention de gestion du pont-route prévoit un régime de responsabilité sans faute de la métropole à son égard ; seule l'existence d'un lien de causalité entre la présence, l'entretien, l'exploitation de l'ouvrage ou l'exécution de travaux et les dommages subis doit être démontrée ; les dommages subis par la société SNCF Réseau ne seraient pas survenus si le pont-route n'avait pas été constitué de gaines contenant de la cire pétrolière dont l'inflammation a affecté l'ensemble du pont ; à titre subsidiaire, les caractéristiques du pont-route ont contribué à l'aggravation des dommages ; le sinistre a été considérablement aggravé par l'inflammation de la cire pétrolière contenue dans les gaines de protection des câbles de précontrainte du pont-route ;

- la responsabilité sans faute de Tours Métropole Val de Loire est engagée à l'égard de la société SNCF Voyageurs, tiers par rapport à l'ouvrage ; le dommage est accidentel ; la société SNCF Voyageurs n'a pas à démontrer le caractère grave et spécial de son préjudice ; les dommages ont été causés, exclusivement, par l'inflammation de la cire pétrolière contenue dans les gaines des câbles de précontrainte ; aucun dommage n'aurait été causé aux installations ferroviaires si l'incendie s'était cantonné aux traverses ; la circonstance que l'incendie ait trouvé son origine dans les traverses n'exonère pas la métropole ; les désordres ont été considérablement aggravés par la propagation de l'incendie causée par l'inflammation du pont ; en tout état de cause, Tours Métropole Val de Loire a également commis une faute contractuelle au titre du défaut d'information quant à la présence de cire pétrolière ;

- les dommages causés aux infrastructures ferroviaires représentent la somme de 504 553,69 euros et les perturbations causées au transport ferroviaire s'élèvent à 161 364,41 euros ;

- Tours Métropole Val de Loire doit garantir la société SNCF Réseau des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal de commerce de Tours ;

- dès lors que la responsabilité de Tours Métropole Val de Loire est établie, elles peuvent demander la condamnation de son assureur.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 12 décembre 2023 et 14 mars 2024, Tours Métropole Val de Loire et la société Smacl Assurances, représentées par Me Jacq-Moreau, avocate, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête des sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs ;

2°) de mettre à la charge des sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la demande de la société SNCF Voyageurs, qui vient aux droits de l'établissement public SNCF Mobilités, sur un fondement contractuel est irrecevable, SNCF Mobilités n'ayant pas été partie à la convention de gestion ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre les désordres et le pont-route ;

- la demande subsidiaire de partage de responsabilité doit être rejetée ; le fondement contractuel étant exclusif de tout autre fondement, la demande de la société SNCF Réseau est vouée au rejet ; les dommages causés aux ouvrages ferroviaires ne sont pas liés à l'existence du pont ou à une défaut d'entretien mais sont consécutifs à la destruction de cet ouvrage ;

- les demandes formées sur un fondement extracontractuel doivent être rejetées, en l'absence de lien de causalité entre l'ouvrage et le dommage aux installations ferroviaires ;

- les demandes contre l'assureur doivent également être rejetées ;

- la SNCF n'a fait preuve d'aucune coopération pour l'évaluation de son préjudice ;

- la responsabilité de Tours Métropole Val de Loire n'étant pas engagée, elle ne peut être condamnée à garantir la société SNCF Réseau des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal de commerce de Tours.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- les observations de Me Gauthier substituant Me Hansen, pour les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs et celles de Me Jacq-Moreau, pour Tours Métropole Val de Loire et la société Smacl Assurances.

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs relèvent appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la condamnation in solidum de Tours Métropole Val de Loire et de la société Smacl Assurances à verser la somme de 504 553,69 euros à la société SNCF Réseau et la somme de 161 364,41 euros à la société SNCF Voyageurs au titre de leurs préjudices résultant d'un incendie survenu le 11 juillet 2015 sous le pont de Grammont à Tours, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation, et à la condamnation in solidum de Tours Métropole Val de Loire et de la société Smacl Assurances à garantir la société SNCF Réseau de toute condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Tours dans le cadre du litige opposant cette dernière à la société Keolis et son assureur Generali.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le jugement attaqué au point 9 relève qu'il " s'ensuit, ainsi que le font valoir TMVL et la SMACL, que l'incendie s'est propagé depuis le domaine ferroviaire vers le pont de Grammont et que, contrairement à ce que soutient la société SNCF Réseau, l'incendie et les conséquences dommageables du sinistre pour les installations ferroviaires ne trouvent pas leur origine dans l'existence, l'entretien ou l'exploitation du pont-route du pont, et notamment ses caractéristiques tenant à la cire pétrolière contenue dans les gaines des câbles de précontrainte, mais dans le stockage, sous le pont-route, des traverses de chemin de fer ". Le tribunal administratif a ainsi suffisamment répondu au moyen tiré du rôle causal de la présence des câbles de précontrainte et de leur enrobage de cire pétrolière dans l'aggravation du sinistre et dans les désordres occasionnés aux installations de la société SNCF Réseau.

3. En second lieu, les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs ne peuvent utilement soutenir devant le juge d'appel que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit ou d'appréciation.

Au fond :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de la société SNCF Réseau et ses conclusions tendant à être garantie par Tours Métropole Val de Loire et son assureur :

4. Aux termes de l'article 9.1 des conditions particulières de la convention relative à la gestion et à l'entretien du pont-route situé sur l'avenue de Grammont à Tours conclue le 22 février 2012 entre la communauté d'agglomération de Tours, la ville de Tours, le syndicat intercommunal des transports en commun de l'agglomération tourangelles, Réseau ferré de France et la SNCF : " Responsabilités de la communauté d'agglomération et du SITCAT : Les dommages causés aux installations de RFF et/ou la gêne apportée à leur exploitation du fait de l'existence, de l'entretien ou de l'exploitation du pont-route et des équipements affectés au transport en commun en site propre, seront couverts par la communauté d'agglomération ou le SITCAT, chacun pour ce qui les concerne en fonction des compétences dévolues à chacun. Il en est de même pour les travaux y afférent, sous réserve que RFF établisse le lien de causalité entre les dommages (et/ou la gêne constatés) et la présence, l'entretien, l'exploitation de l'ouvrage ou encore l'exécution de travaux sur ledit ouvrage. / Si les dommages constatés génèrent des préjudices envers les tiers, les usagers, les agents de RFF ou de la SNCF, la communauté d'agglomération ou le SITCAT chacun pour ce qui les concerne en fonction des compétences dévolues à chacun, se substituera à RFF ou le garantira de toute action en responsabilité qui serait engagée à son encontre. ".

5. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire du 31 mai 2018, qu'un important incendie est survenu dans la nuit du vendredi 10 au samedi 11 juillet 2015 sous le pont de Grammont à Tours dont la circulation en centre-ville est accessible aux piétons, aux cycles, aux véhicules ainsi qu'aux tramways et qui permet de franchir à cet endroit le réseau ferré national. Ce sinistre a entraîné des dégâts considérables, en particulier pour Tours Métropole Val de Loire et la SNCF. Plusieurs canalisations ont été détruites ainsi que le tablier ouest du pont en quasi-totalité. Des caténaires ont également été détruites et les circulations ferroviaires ont été fortement perturbées.

6. Il résulte également de l'instruction qu'avant la survenance de ce sinistre, aux mois de mai et juin 2015, des travaux de remplacement des traverses de chemin de fer usagées ont été engagés par la SNCF sous le pont de Grammont et confiés par un marché à bons de commandes à la société CLMTP. Cette dernière est intervenue pour réaliser une opération de remplacement de traverses de chemin de fer en bois sur la voie principale Paris-Bordeaux, sans avoir pour mission la gestion de l'approvisionnement du stockage en traverses neuves et l'évacuation des traverses usagées en dehors de l'emprise du réseau ferroviaire. L'emplacement du stockage des traverses a été déterminé le 30 avril 2015 par SNCF Réseau en présence de l'entreprise CLMTP. Ce stockage a été réalisé par l'entreprise CLMTP conformément aux instructions qu'elle a reçues, le choix de l'emplacement des stocks de traverses de chemin de fer en bois, sous le pont de Grammont, ayant été décidé par la SNCF qui estimait alors que cet endroit serait le plus approprié dans l'attente de la reprise du chantier. La fin du chantier est intervenue le 5 juin 2015. Un procès-verbal de réception des travaux a été établi le 25 juin 2015 et la réception prononcée sans réserve le 1er juillet 2015 avec effet au 5 juin 2015. A la suite de ces travaux et lors de la survenance du sinistre, étaient ainsi temporairement entreposées sous le pont de Grammont 50 traverses de chemin de fer neuves ainsi que 254 traverses anciennes traitées à la créosote, produit particulièrement inflammable.

7. Le rapport d'expertise judiciaire précité indique, sans être sérieusement contesté, que " le départ du feu se situe au niveau du stockage des traverses de chemin de fer en bois de la SNCF ". L'expert précise que l'origine du sinistre est soit un acte accidentel, soit un acte de malveillance ne relevant pas d'un conflit social. A la suite de cet acte accidentel ou de malveillance, les traverses de chemin de fer se sont enflammées et ont entraîné les désordres à l'origine du présent litige.

8. Si les travaux de remplacement des traverses usagées entrepris à la demande de la SNCF étaient achevés et réceptionnés lors de la survenance du sinistre dans la nuit du 10 au 11 juillet 2015, le point de départ de l'incendie était situé, selon l'expert, sous ou sur les traverses entreposées sous le pont de Grammont. La combustion de ces traverses de chemin de fer est à l'origine du sinistre et notamment des désordres qui en ont résulté pour les infrastructures de la société SNCF Réseau, ainsi qu'il résulte notamment des explications apportées à l'expert par le service départemental d'incendie et de secours de Touraine qui est intervenu sur place. Il existe donc un lien de causalité direct entre les travaux de remplacement des traverses de chemin de fer et les dommages subis par la société SNCF Réseau, alors même que l'expert n'a pas été en mesure de déterminer si l'incendie provenait d'un acte accidentel ou d'un acte de malveillance et qu'il a exclu tout phénomène d'auto-inflammation des traverses. Il n'est nullement établi, en particulier par le rapport d'expertise judiciaire, que l'incendie trouverait son origine dans l'existence, l'entretien ou l'exploitation du pont-route au sens des stipulations précitées de l'article 9.1 des conditions particulières de la convention relative à la gestion et à l'entretien du pont-route, et qu'il serait en particulier imputable à la présence de cire pétrolière dans les câbles de précontrainte de ce pont, le point d'éclair de cette cire étant d'environ 200° contre 75° pour la créosote présente dans les traverses. Par suite, la société SNCF Réseau n'est pas fondée à soutenir que la cause du départ de l'incendie lui est étrangère, que la seule présence de traverses de chemin de fer en bordure des voies ne saurait engager sa responsabilité et que ses désordres seraient en lien direct avec le pont-route et notamment avec la présence de cire pétrolière dans les câbles de précontrainte, de sorte que ses préjudices seraient exclusivement imputables à Tours Métropole Val de Loire.

9. Cependant, la société SNCF Réseau soutient que la présence de cire pétrolière sur les câbles de précontrainte du pont de Grammont et destinée à les protéger de la corrosion, a contribué à la propagation de l'incendie et aux désordres qui en ont résulté et qu'elle est de nature à engager la responsabilité de Tours Métropole Val de Loire et de son assureur pour tout ou partie de ses dommages. Il résulte toutefois de l'instruction que l'expert a pris en compte dans son rapport la présence de cire pétrolière sur les câbles de précontrainte du pont et a exclu qu'elle puisse être à l'origine du sinistre. Si ce produit a pu contribuer à la propagation de l'incendie, il n'est pas établi, notamment par le rapport d'expertise, qu'il a contribué à aggraver les désordres subis par la société SNCF Réseau, ou que son utilisation dans les câbles de précontrainte du pont-route serait constitutive d'une faute de nature à exonérer en tout ou partie cette dernière de sa responsabilité.

10. Enfin, la société SNCF Réseau soutient que Tours Métropole Val de Loire a commis une faute contractuelle en s'abstenant de l'informer de la présence de cire pétrolière dans les câbles de précontrainte du pont-route. Toutefois, la SNCF a été étroitement associée aux travaux de renforcement du pont-route en 2012 compte tenu de la nécessité pour les entreprises d'intervenir sur le domaine ferroviaire et dans la mesure où elle a été amenée à intervenir elle-même concomitamment pour opérer des ajustements au niveau des caténaires fixées sur le pont. Les conditions techniques particulières du marché de " travaux de renforcement d'un ouvrage d'art en béton armé au-dessus des voies ferrées (OA2) " prévoyaient ainsi les conditions de la coordination avec la SNCF. Une réunion de coordination s'est notamment tenue le 21 juin 2012 durant laquelle les solutions techniques ont été présentées à la SNCF, à savoir la mise en place des gaines PEHD contenant les câbles de précontrainte avant injection de la cire, suivie d'une visite sur site le 27 juin en présence du maître d'œuvre et de l'entreprise chargée des travaux. De plus, l'injection de cire ayant été effectuée sur le site, la SNCF a nécessairement autorisé l'accès à son domaine pour cette intervention. La société SNCF Réseau ne pouvait donc ignorer les solutions techniques de renforcement du pont-route mises en œuvre dès lors qu'elle était régulièrement associée aux réunions de travail au cours desquelles la nature des travaux et leurs conditions d'exécution étaient discutées. Ainsi, et en tout état de cause, aucune faute n'est imputable à Tours Métropole Val de Loire.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de la société SNCF Réseau doivent être rejetées, ainsi que, et en tout état de cause, ses conclusions tendant à être garantie par Tours Métropole Val de Loire et son assureur dans le litige l'opposant à la société Keolis et son assureur Generali.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de la société SNCF Voyageurs :

12. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

13. La société SNCF Voyageurs sollicite la condamnation de Tours Métropole Val de Loire à l'indemniser de son préjudice résultant de l'incendie survenu dans la nuit du vendredi 10 au samedi 11 juillet 2015, évalué par l'expert à la somme de 161 364,41 euros et provenant non seulement des perturbations du trafic ferroviaire mais aussi de la mise en place de solutions de substitution par voie routière. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la combustion des traverses de chemin de fer est à l'origine du sinistre et notamment des désordres qui en ont résulté pour la société SNCF Voyageurs. Il existe un lien de causalité direct entre les travaux de remplacement des traverses de chemin de fer et les dommages subis par la société SNCF Voyageurs. Ainsi, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que son préjudice serait directement lié au pont de Grammont et notamment à la présence de cire pétrolière dans les câbles de précontrainte. Par suite, les conclusions indemnitaires de la société SNCF Voyageurs doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Tours Métropole Val de Loire et de la société Smacl Assurances, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société SNCF Réseau et de la société SNCF Voyageurs, chacune le versement à Tours Métropole Val de Loire, d'une part, et à la société Smacl Assurances, d'autre part, de la somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs est rejetée.

Article 2 : Les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs verseront chacune la somme de 500 euros, d'une part, à Tours Métropole Val de Loire et, d'autre part, à la société Smacl Assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SNCF Réseau, à la société SNCF Voyageurs, à Tours Métropole Val de Loire et à la société Smacl Assurances.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

Le rapporteur,

G. CAMENENLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00830
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : JACQ-MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22ve00830 ?
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