Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par trois demandes séparées, la société Métro France a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :
- d'annuler la décision implicite, née le 17 octobre 2019, de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 19 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. K... D... ensemble cette dernière décision ;
- d'annuler la décision implicite, née le 9 janvier 2020, de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 10 juillet 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a implicitement refusé d'autoriser le licenciement de M. K... D... ensemble cette dernière décision ;
- d'annuler la décision explicite du 9 avril 2020 par laquelle la ministre du travail a expressément rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 10 juillet 2019 précitée ensemble cette dernière décision et d'enjoindre à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de M. D... pour faute grave.
Par un jugement nos 1915828, 2002673 et 2005199 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a joint ces trois demandes, annulé les décisions du 19 avril 2019 et du 10 juillet 2019 de l'inspecteur du travail, ainsi que les décisions du 17 octobre 2019 et du 9 avril 2020 de la ministre du travail, et jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Métro France.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés, sous le n° 23VE00340, les 16 février 2023, 7 avril 2024 et 30 mai 2024, M. K... D..., représenté par Me Condemine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Métro France ;
3°) de mettre à la charge de la société Métro France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularités dès lors que le tribunal n'a pas communiqué un mémoire de M. D... qui apportait un moyen nouveau de nature à faire reconnaître que la procédure disciplinaire suivie par son employeur était irrégulière, n'a pas davantage répondu au mémoire en défense de la ministre et a choisi délibérément de les ignorer ;
- la matérialité des griefs retenus à son encontre n'est pas établie ;
- certains des faits qui lui sont reprochés avaient déjà été invoqués à l'appui de précédentes sanctions disciplinaires prises à son encontre ;
- les cinq demandes d'autorisation de licenciement qui ont été présentées le concernant constituent un contexte au regard duquel doivent être appréciés ses actes ;
- la demande d'autorisation de licenciement sollicitée a un lien avec le mandat syndical qu'il exerce ;
- il fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de son employeur.
Par un mémoire, enregistré le 7 mars 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des demandes de la société Métro France.
Elle reprend les observations qu'elle a formulées en première instance.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 mai et 25 juin 2024, la société Métro France, représentée par Me Desaint, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. D... ;
2°) d'infirmer le jugement attaqué uniquement en ce qu'il prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction qu'elle a présentées ;
3°) d'enjoindre à l'inspecteur du travail, à nouveau saisi des demandes d'autorisation de licenciement de M. D..., d'y faire droit dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à tout le moins, de rendre une nouvelle décision pour chacune des demandes dans ce même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés ;
- les premiers juges ont commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation en considérant qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Métro France, au motif que M. D... était licencié depuis le 9 mars 2022, alors que la décision autorisant son licenciement fait actuellement l'objet d'un recours pendant.
Par ordonnance du 6 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juin 2024 en application de l'article L. 613-1 du code de justice administrative.
II. Par une requête, enregistrée le 10 février 2023, sous le n° 23VE00341, la société Métro France, représentée par Me Desaint, demande à la cour :
1°) d'infirmer le jugement attaqué uniquement en ce qu'il prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction qu'elle a présentées ;
2°) d'enjoindre à l'inspecteur du travail, à nouveau saisi des demandes d'autorisation de licenciement de M. D..., d'y faire droit dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à tout le moins, de rendre une nouvelle décision pour chacune des demandes dans ce même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.
Elle soutient que les premiers juges ont commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation en considérant qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par elle, au motif que M. D... était licencié depuis le 9 mars 2022, alors que la décision autorisant son licenciement fait actuellement l'objet d'un recours pendant.
Par un mémoire, enregistré le 7 mars 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des conclusions de la société Métro France.
Elle reprend les observations qu'elle a formulées en première instance.
La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 18 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mai 2024 en application de l'article L. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- les observations de Me Gandolfo substituant Me Condemine, pour M. D..., de Me Gholami Bavil pour la société Métro France et de M. D....
Une note en délibéré présentée par M. D... a été enregistrée le 8 octobre 2024 dans le dossier n° 23VE00341.
Considérant ce qui suit :
1. M. K... D... a été recruté par la société Métro France par contrat de travail à durée indéterminée conclu le 31 juillet 2001. Il exerçait, en dernier lieu, les fonctions d'organisateur et détenait le mandat de délégué du personnel suppléant sur l'établissement de Métro Cash et Carry France Services Centraux. Le 20 février 2019, la société Métro France a sollicité l'autorisation de licencier M. D... pour faute grave. Par une décision du 19 avril 2019, l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à cette demande. La société a formé un recours hiérarchique le 17 juin 2019, qui a été implicitement rejeté par la ministre du travail le 17 octobre 2019. Le 9 mai 2019, la société Métro France a présenté une nouvelle demande d'autorisation de licenciement de M. D... pour faute grave. Du silence gardé par l'inspection du travail est née le 10 juillet 2019 une décision implicite de rejet. La société a formé un recours hiérarchique, qui a été implicitement rejeté par la ministre du travail. Le 9 avril 2020, la ministre du travail a explicitement confirmé la décision de l'inspection du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de M. D.... Par trois demandes distinctes, la société Métro France a formé un recours contentieux à l'encontre des décisions de l'inspecteur du travail lui refusant l'autorisation de licencier M. D... et de celles de la ministre du travail rejetant ses recours hiérarchiques. Par un jugement nos 1915828, 2002673 et 2005199 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a joint ces trois demandes, a annulé les décisions du 19 avril 2019 et du 10 juillet 2019 de l'inspecteur du travail, ainsi que les décisions du 17 octobre 2019 et du 9 avril 2020 de la ministre du travail, et a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Métro France. Par la requête n° 23VE00340, M. D... relève appel de ce jugement en ce qu'il a annulé les décisions précitées. Par la requête n° 23VE00341, la société Métro France relève appel de ce jugement uniquement en ce qu'il a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par elle. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu pour la cour de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'appel de M. D... :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. D... se plaint de ce que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas communiqué, dans l'instance n° 1915828, un mémoire produit par lui avant la clôture de l'instruction dans lequel il faisait valoir qu'il avait récusé pour partialité plusieurs membres de la commission ad hoc. Toutefois, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui ne s'est pas appuyé sur des éléments contenus dans ce mémoire pour motiver son jugement, n'avait pas d'obligation de le communiquer. Les premiers juges n'avaient pas non plus à répondre à l'argument avancé par M. D... dans ce mémoire, qui n'était pas un moyen.
3. En second lieu, les premiers juges n'avaient pas à répondre expressément au mémoire en défense produit par la ministre du travail.
En ce qui concerne la légalité des décisions du 19 avril 2019 et du 17 octobre 2019 :
S'agissant du motif d'annulation retenu :
4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
5. Pour refuser de faire droit à la demande d'autorisation de licenciement de M. D... formulée par la société Métro France, l'inspecteur du travail s'est fondé sur l'absence de faute commise par l'intéressé de nature à justifier un licenciement ainsi que sur l'existence d'un lien avec son mandat.
6. En premier lieu, la demande d'autorisation de licenciement était fondée sur l'existence d'un harcèlement moral exercé par M. D... à l'encontre de la directrice des ressources humaines, Mme H....
7. D'une part, il est constant que les agissements reprochés à M. D... sont intervenus dans l'exercice de son mandat, en dehors de l'exécution de son contrat de travail et ne peuvent motiver un licenciement pour faute, sauf s'ils traduisent la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
8. D'autre part, il est constant que la directrice des ressources humaines a été placée en arrêt maladie après la réunion des délégués du personnel du 12 octobre 2018. Le 18 octobre 2018, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a sollicité une réunion dont l'ordre du jour était " les agissements verbaux inadmissibles, graves et répétés de M. D..., délégué du personnel, qui ont des conséquences graves sur les conditions de travail, la santé et la sécurité des collaborateurs ". La commission d'enquête constituée par la direction de la société à la demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a auditionné 23 salariés de l'entreprise.
9. Il ressort des pièces du dossier que, alors que l'article L. 1221-15 du code du travail indique que le registre unique du personnel est mis à la disposition des élus sans préciser aucune modalité pratique de consultation, la direction a souhaité subordonner l'accès de ce registre à la présence de Mme H.... Par ailleurs, lors de son audition, un salarié a déclaré que la consigne donnée par Mme H... était d'ignorer M. D... quand il venait consulter ce registre et de ne pas lui donner de documents. Il s'en est ensuivi de grandes tensions entre Mme H... et M. D..., imputables non à ce dernier mais aux modalités de consultation déterminées par son employeur. Par ailleurs, M. D... a fait l'objet de quatre demandes d'autorisation de licenciement entre le 5 janvier 2018 et le 9 mai 2019, qui ont toutes été rejetées par l'inspection du travail.
10. La société Métro se fonde exclusivement sur treize témoignages recueillis par la commission d'enquête, les dix autres témoignages n'ayant pas été produits, pour mettre en cause le comportement de M. D... vis-à-vis de Mme H.... Lors de ces treize témoignages, les personnes interrogées ont surtout fait part de leur ressenti, ont accusé M. D... de sexisme, de poser à Mme H... toujours les mêmes questions de manière insistante et n'ont rapporté de faits précis qu'en ce qui concerne la réunion de délégués du personnel du 12 octobre 2018. Or, il ressort du compte rendu de cette réunion que M. D... a qualifié le service de Mme H..., et non Mme H... elle-même, de " nul, niveau zéro ", a dit à Mme H... qu'elle manquait de courage, qu'il ne pouvait tolérer le fait qu'elle préside les réunions de délégués du personnel, l'a interpelée en lui ordonnant de faire autre chose, a déclaré qu'il allait écrire à M. F... pour lui demander de la changer car elle ne répondait pas à ses questions, et qu'il préférait avoir à faire à M. C..., qui n'avait pas peur de prendre ses responsabilités. Plus tard dans la réunion, il affirmera également que sa collaboratrice, Mme M..., serait plus à même de répondre aux questions qu'elle. Ce compte rendu indique également que M. D... s'est emporté et parlait fort, alors que Mme H... lui a demandé de s'adresser à elle sur un ton et avec une attitude plus respectueux. Cette attitude, bien qu'excessive, ne traduit néanmoins pas un harcèlement moral exercé à l'encontre de Mme H... dès lors que M. D... a mis en cause la qualité de son service sans porter d'attaques personnelles à son encontre et que les propos sexistes qu'une salariée affirme avoir entendus lors de cette réunion ne figurent pas dans ce compte rendu. Par ailleurs, M. D... n'a pas excédé son rôle de délégué du personnel en posant les mêmes questions à Mme H..., dont il estimait les réponses insatisfaisantes, et en la prenant à partie pour son absence de réponse. Par suite, il n'est pas établi que M. D... aurait exercé un harcèlement moral à l'encontre de Mme H... et manqué ainsi à une obligation découlant de son contrat.
11. En second lieu, il est également fait grief à M. D... d'adopter un comportement inapproprié instaurant un climat conflictuel et une dégradation des conditions de travail des collaborateurs.
12. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de contre-enquête de l'inspecteur du travail, que certains des comportements reprochés à M. D..., à savoir son altercation avec Mme L..., son altercation avec Mme A... concernant les procès-verbaux du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le fait de faire marche arrière en scooter pour évoquer un dossier avec un salarié le 14 septembre 2018, son différend avec M. J... concernant l'accès administrateur ou le mail transmis à Mme H... le 17 septembre 2018 concernant le fait que M. E... serait bien plus qualifié pour protéger son équipe, ont fondé les deux avertissements et la mise à pied infligés à M. D... postérieurement à la première demande d'autorisation de licenciement. Du fait de ces sanctions, ces faits ne peuvent plus fonder la procédure de licenciement litigieuse.
13. Parmi les treize auditions versées aux débats, si certains salariés remettent en cause le comportement de M. D..., la majorité d'entre eux admettent que celui-ci n'a adopté à leur égard aucun comportement ou propos déplacé. En revanche, ils font état d'un ressenti négatif à son égard, déclarant en avoir peur, et se réfèrent soit aux incidents précités au point précédent, soit à son comportement vis-à-vis de Mme H..., soit à d'autres incidents dont ils ont entendu parler, sans en être les témoins directs. Deux salariés l'accusent de leur avoir envoyé des courriels menaçants afin de les dissuader de témoigner, mais ces courriels ne sont pas produits et il ressort des pièces du dossier que par courriel du 19 novembre 2018 qui a été adressé à M. B... et dont ils ont été mis en copie, M. D... a seulement affirmé qu'en cas de fausse déclaration, il n'hésiterait pas à poursuivre les personnes intéressées pour délit de faux témoignage, ce qui ne constitue pas des menaces mais des avertissements légitimes. Si les salariés de la direction des ressources humaines affirment ressentir un stress à l'arrivée de M. D... et perçoivent ses demandes comme oppressantes, cette situation trouve principalement son origine dans les obstacles mis par la direction du personnel à la consultation du registre unique du personnel. La circonstance que M. D... aurait dit à une salariée " tais toi " et aurait demandé à une autre de sortir lors d'une réunion de délégués du personnel, faits rapportés par quelques salariés auditionnés, ne permet pas, à elle seule, de caractériser un comportement sexiste. Ainsi, depuis le prononcé des sanctions d'avertissement et de mise à pied, il n'est pas établi que M. D... aurait adopté des comportements ou des propos déplacés de nature à dégrader les conditions de travail des salariés.
14. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les décisions du 19 avril 2019 et du 17 octobre 2019 au motif qu'il aurait commis des fautes de nature à justifier son licenciement.
15. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Métro France devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la cour.
S'agissant des autres motifs soulevés par la société Métro France :
16. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ". L'inspecteur du travail n'a pas suffisamment motivé le motif de refus tiré de l'existence d'un lien entre la demande de licenciement et les mandats détenus par M. D.... Toutefois, il aurait pris la même décision s'il s'était fondé exclusivement sur le motif tiré de l'absence de faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, qui est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du motif de refus tiré de l'existence d'un lien entre la demande de licenciement et les mandats détenus par M. D... doit être écarté comme inopérant.
17. En second lieu, lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement formée par un employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre cette décision. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du ministre du 17 octobre 2019 doit donc être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la légalité des décisions du 10 juillet 2019 et du 9 avril 2020 :
S'agissant du motif d'annulation retenu :
18. En premier lieu, il était reproché à M. D... d'avoir envoyé le 12 mars 2019 un courriel à l'inspecteur du travail, en mettant en copie non seulement M. G... mais également les collaborateurs de celui-ci, dans lequel il dénonçait le témoignage de M. G... comme faux et mensonger, et accusait celui-ci d'être " un faiseur d'attestation aux ordres de M. C... ". L'envoi d'un tel courriel aux collaborateurs de M. G... constitue une faute.
19. Il est également fait grief à M. D... de s'être rapproché de Mme L... le 30 avril 2019 afin de la questionner sur le déroulement de l'enquête diligentée par la commission ad hoc. Toutefois, M. D... avait été autorisé à se rendre dans l'entreprise le 30 avril 2019 par le directeur des ressources humaines pour consulter le registre unique du personnel dans le cadre de ses mandats syndicaux. Sa présence sur site en période de mise à pied n'était donc pas irrégulière. Par ailleurs, il n'est pas établi que M. D... aurait tenu des propos déplacés lors de son échange avec Mme L..., le doute devant lui profiter et Mme L... ayant seulement évoqué des propos confus et insistants. Ce grief ne peut être retenu à l'encontre de M. D....
20. Enfin, si la société Métro France soutient qu'étaient aussi invoqués, à l'appui de cette quatrième demande d'autorisation de licenciement, les faits que M. D... exerçait un harcèlement moral sur Mme H... et avait eu un comportement inapproprié ayant dégradé les relations au travail, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la matérialité de ces fautes n'a pas été établie.
21. En second lieu, la société Métro France soutient que la gravité de ces fautes doit être appréciée au regard des antécédents disciplinaires de M. D.... Toutefois, les faits reprochés à l'occasion de l'avertissement prononcé le 7 mai 2018, à savoir la non-restitution d'entretiens professionnels et de matériel informatique, ne sont pas de même nature que les actes reprochés dans le présent litige. En ce qui concerne l'antécédent constitué par les propos déplacés que M. D... aurait tenus à l'égard de Mme H... lors de la réunion des délégués du personnel du 17 septembre 2018, la matérialité de ce grief ne ressort pas du compte rendu de cette réunion. Si l'avertissement du 4 juillet 2018 et la mise à pied disciplinaire du 12 octobre 2018 sont fondés sur deux altercations, l'une avec Mme L..., l'autre avec une collaboratrice de la direction comptable, sur la tentative d'intimidation de Mme I..., ainsi que sur l'attitude violente et agressive de M. D... à l'égard des collaborateurs, ces antécédents ne peuvent être pris en compte, en l'espèce, pour apprécier la gravité des fautes de M. D..., dès lors que la société Métro France n'a pas explicité les circonstances dans lesquelles sont intervenues ces sanctions, ni précisé suffisamment les agissements sanctionnés.
22. La gravité de la seule faute constituée par l'envoi du courriel du 12 mars 2019 doit être relativisée par la circonstance que ce courriel faisait suite à une quatrième demande d'autorisation de son licenciement en moins de deux ans, les trois précédentes demandes d'autorisation ayant été rejetées par l'inspecteur du travail et la ministre du travail, et à la découverte par M. D... de deux versions d'une même attestation rédigée par M. G.... Compte tenu de ce contexte, la faute commise par M. D... ne présente pas un caractère de gravité suffisante pour justifier son licenciement.
23. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les décisions du 10 juillet 2019 et du 9 avril 2020 au motif qu'il aurait commis des fautes de nature à justifier son licenciement.
24. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Métro France devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la cour.
S'agissant des autres moyens soulevés par la société Métro France :
25. En premier lieu, le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, mais ne l'oblige pas à transmettre automatiquement tous les documents qu'aurait pu lui communiquer le salarié. En l'espèce, si la société Métro reproche à l'inspecteur du travail de ne pas lui avoir communiqué l'ensemble des documents transmis par M. D... au cours de l'enquête contradictoire, le ministre chargé du travail soutient, dans ses écritures en défense, qu'aucun élément déterminant n'a été recueilli auprès de M. D... et que l'inspecteur du travail s'est fondé principalement sur les auditions faites par lui, ce que ne conteste pas utilement la société Métro France, qui ne cite aucun document particulier. Le moyen tiré du caractère non contradictoire de l'enquête doit en conséquence être écarté.
26. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 17 du présent arrêt, doit être écarté comme inopérant le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du ministre rejetant le recours hiérarchique dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail.
27. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur l'appel de la société Métro France :
28. Etant donné l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la société Métro France tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre du travail d'autoriser le licenciement de M. D... sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Métro France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Métro France une somme de 2 000 euros à verser à M. D... sur le fondement des mêmes dispositions.
Sur les dépens :
30. La société Métro France ne justifiant pas avoir, au cours de l'instance, exposé de dépens, au sens et pour l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ses conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement nos 1915828, 2002673 et 2005199 du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Métro France dans sa requête d'appel.
Article 3 : Les demandes et le surplus des conclusions de la société Métro France sont rejetées.
Article 4 : La société Métro France versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... D..., à la société Métro France et à la ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public après mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Pham Le président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
Nos 23VE00340, 23VE00341