Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 juin 2021 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2106423 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2021, et deux mémoires enregistrés le 15 avril 2022, M. B..., représenté par Me Monconduit, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions de délai, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail pour la durée de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et médicale ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2024, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de M. Ablard et les observations de Me Veillat, substituant Me Monconduit, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 21 avril 1986 à Tiznit, est entré en France en 2013 selon ses déclarations. Il a sollicité le 25 novembre 2020 la délivrance d'un titre de séjour pour soins sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 juin 2021, le préfet des Yvelines a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 10 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le requérant soutient que les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et entaché leur jugement de contradictions de motifs, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, sont sans incidence sur la régularité du jugement.
Au fond :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte, en toutes ses décisions, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est ainsi suffisamment motivé, alors même qu'il ne présente pas une description exhaustive de la situation du requérant. Cette motivation ne révèle en outre aucun défaut d'examen de sa situation personnelle et médicale.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent article par le service médical de l'office ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Pour rejeter la demande de titre de séjour pour soins présentée par M. B..., le préfet des Yvelines s'est notamment fondé sur l'avis émis le 15 mars 2021 par le collège des médecins de l'OFII indiquant que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié et effectif dans son pays d'origine à destination duquel il peut voyager sans risque. M. B... soutient qu'il souffre d'une forme de schizophrénie pouvant avoir des conséquences graves et violentes pour lui et son entourage, nécessitant un suivi médical régulier en France, ainsi qu'un traitement médicamenteux composé de neuroleptiques, d'anxiolytiques et d'antidépresseurs. Il fait à cet égard valoir que son traitement, composé des médicaments Tercian, Risperdal, Valium, Deroxat et Lepticur, n'est pas disponible au Maroc et qu'aucun de ces médicaments n'est substituable. Toutefois, si l'intéressé verse au dossier plusieurs certificats médicaux établis par des médecins marocains, respectivement les 15 juillet 2021, 26 novembre 2021 et 25 février 2022, ainsi que des courriers des laboratoires Delbert et Sanofi des 31 janvier 2022 et 8 mars 2023, indiquant que certains de ces médicaments ne seraient pas disponibles au Maroc, ces documents, à l'exception du certificat du 15 juillet 2021, sont tous postérieurs à l'arrêté attaqué du 18 juin 2021 et sont en tout état de cause insuffisamment circonstanciés. Par ailleurs, si le requérant produit deux certificats établis les 13 juillet 2021 et 21 janvier 2023 par le docteur D..., ainsi que deux certificats établis les 24 août 2020 et 19 juillet 2021 par le docteur C..., ces documents, qui indiquent de manière très laconique que les médicaments susmentionnés ne sont pas substituables, sont insuffisants pour remettre en cause l'appréciation du collège des médecins de l'OFII et celle du préfet des Yvelines. En outre, il ressort de la " liste des médicaments commercialisés au Maroc ", produite par le requérant lui-même, que les médicaments Deroxat, Risperdal et Valium sont disponibles au Maroc. Dans son mémoire en défense, le préfet des Yvelines soutient, sans être contredit par le requérant, que des molécules équivalentes peuvent être substituées aux médicaments Tercian et Lepticur. Enfin, la documentation et les articles de presse produits par l'intéressé ne sont pas de nature à établir que l'administration aurait inexactement apprécié sa situation ou les capacités de prise en charge des pathologies psychiatriques par les infrastructures médicales marocaines. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions précitées et d'une erreur d'appréciation commise par le préfet des Yvelines doivent être écartés.
7. En troisième lieu, M. B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ", dès lors qu'il réside en France depuis 2013 et que son état de santé nécessite son maintien sur le territoire national. Toutefois, et alors que l'ancienneté du séjour en France de l'intéressé ne caractérise pas, à elle seule, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, celui-ci était, à la date de l'arrêté attaqué, célibataire et sans charge de famille. Il n'était par ailleurs pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. En outre, M. B... n'établit aucune insertion particulière au sein de la société française. Enfin, et ainsi qu'il a été dit, le requérant n'établit pas que la prise en charge médicale requise par son état de santé ne pourrait avoir lieu dans son pays d'origine. Par suite, le moyen doit être écarté, ainsi que celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet des Yvelines.
8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français. De même, les moyens tirés de ce que cette décision serait contraire aux dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 6 et 7 du présent arrêt.
9. En cinquième et dernier lieu, si le requérant soutient que, compte tenu de son état de santé, un retour au Maroc l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen doit être écarté pour les motifs exposés au point 6 du présent arrêt.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe du 15 octobre 2024.
Le rapporteur,
T. AblardLe président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE03359