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15/10/2024 | FRANCE | N°21VE01589

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 15 octobre 2024, 21VE01589


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



MM. C... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de constater l'emprise irrégulière commise par la commune de Leuville-sur-Orge sur la parcelle B 426, de condamner la commune de Leuville-sur-Orge à démolir le trottoir réalisé au droit de cette parcelle B 426 dans toute sa largeur jusqu'au chemin rural CR 41 et sur une longueur de 4 mètres aux fins de rouvrir l'accès de la parcelle B 426 au CR 41, dans un délai de 15 jours à compter du jugement à int

ervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de condamner la commune de Le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. C... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de constater l'emprise irrégulière commise par la commune de Leuville-sur-Orge sur la parcelle B 426, de condamner la commune de Leuville-sur-Orge à démolir le trottoir réalisé au droit de cette parcelle B 426 dans toute sa largeur jusqu'au chemin rural CR 41 et sur une longueur de 4 mètres aux fins de rouvrir l'accès de la parcelle B 426 au CR 41, dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de condamner la commune de Leuville-sur-Orge à les indemniser de leur préjudice tiré de l'absence de valorisation de la parcelle B 426 du fait de l'enclavement créé par l'emprise irrégulière, à hauteur de 6 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2017, dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de condamner la commune de Leuville-sur-Orge à les indemniser de leur appauvrissement à hauteur de 1 800 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2017, dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de condamner la commune de Leuville-sur-Orge à les indemniser de leur préjudice moral à hauteur de 3 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2017, dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1802958 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Leuville-sur-Orge à verser à M. C... A... et à M. B... A... la somme de 300 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2017 et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mai 2021 et 26 septembre 2024, MM. C... et B... A..., représentés par Me Benjamin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions à fin de démolition et a limité leur indemnisation à la somme de 300 euros ;

2°) de condamner la commune de Leuville-sur-Orge à démolir l'ouvrage irrégulièrement implanté réalisé au droit de la parcelle B 426 dans toute sa largeur jusqu'au CR 41 et sur une longueur de 4 mètres aux fins de rouvrir l'accès de la parcelle B 426 au CR 41, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de condamner la commune de Leuville-sur-Orge à les indemniser du préjudice tiré de la perte de valorisation de la parcelle B 426 du fait de l'enclavement créé par l'emprise irrégulière, pour un montant de 10 000 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2017, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune de Leuville-sur-Orge à les indemniser de leur appauvrissement pour un montant de 1 200 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2017, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de condamner la commune de Leuville-sur-Orge à les indemniser de leur préjudice moral pour un montant de 3 000 euros, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Leuville-sur-Orge le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la démolition de l'ouvrage irrégulièrement implanté nécessite de prendre en compte les conséquences pour l'intérêt général, ce que n'a pas fait le tribunal administratif, ce dernier se bornant à prendre en compte les inconvénients de l'ouvrage public envers les divers intérêts publics ou privés en présence ;

- les requérants subissent des inconvénients dès lors qu'ils doivent demander une servitude de passage, ce qui nécessitera d'engager diverses procédures ; aucune prise en compte des divers intérêts en présence n'a été effectuée par le tribunal administratif ;

- l'accès au terrain était possible avant la réalisation des travaux contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, comme cela avait été reconnu par la commune elle-même ;

- l'évolution du mode d'exploitation de la parcelle n'est pas hypothétique comme l'a retenu le tribunal administratif, leur terrain étant enclavé ce qui constitue une difficulté en cas de vente ;

- les conséquences de la démolition demandée sont minimes car il n'est demandé qu'une démolition partielle très limitée, ce qui n'aura par ailleurs que peu d'effets sur la circulation des piétons ; l'injonction peut dès lors être prononcée ;

- les requérants ont subi un préjudice en raison de cette décision illégale de l'administration, fondé sur l'absence de possibilité de valoriser la parcelle de 177 mètres carrés pour un montant de 10 000 euros, un préjudice dû à l'appauvrissement des requérants pour un montant de 1 200 euros et un préjudice moral pour un montant de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2024, la commune de Leuville-sur-Orge, représentée par Me Ramdenie, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteur publique,

- et les observations de Me Bourdin pour la commune de Leuville-sur-Orge.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Leuville-sur-Orge a été enregistrée le 3 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. En 2012, la commune de Leuville-sur-Orge a décidé d'engager des travaux d'élargissement et d'aménagement, notamment par la création d'un trottoir, du chemin rural (CR) 41, en bordure duquel M. C... A... et M. B... A... sont copropriétaires d'un terrain agricole cadastré B 426. Par un courrier du 3 décembre 2012, la commune leur a indiqué que le projet porterait sur une surface de 177 m² et proposait l'achat du terrain au prix de 3 euros le m². En l'absence de réponse des requérants, la commune leur a adressé un nouveau courrier, le 29 janvier 2013, leur demandant de signer et de retourner les documents d'arpentage. Par un courrier du 18 février 2013, la commune de Leuville-sur-Orge a informé le Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du Déluge, en charge de la culture des terrains concernés, que la totalité des propriétaires avaient donné leur accord. Le procès-verbal de délimitation et les documents d'arpentage ont été signés par les requérants le 26 février 2013. Par une délibération du 28 février 2013, le conseil municipal de Leuville-sur-Orge a approuvé l'acquisition des terrains nécessaires à la réalisation du projet et autorisé le maire à signer les actes d'acquisition de ces terrains auprès du notaire. Les travaux de voirie ont été réalisés entre les mois de mai et août 2013.

2. Par un courrier du 1er juin 2015, les requérants, estimant que les travaux avaient été réalisés sans que la commune ne se soit rendue propriétaire des terrains nécessaires et considérant qu'il y avait une emprise irrégulière sur leur propriété, ont proposé à la commune, soit la remise en l'état initial du terrain, soit l'acquisition de la totalité de leur parcelle de 3 610 m², au prix de 10 euros le m². Par un courrier du 15 juillet 2015, la commune a proposé aux requérants l'acquisition de la partie de la parcelle nécessaire aux travaux au prix de 10 euros le m². Les requérants ont refusé cette proposition et, par un courrier du 22 décembre 2017, ont adressé à la commune une nouvelle demande de rétablissement de l'accès à leur terrain depuis le CR 41, afin de permettre la circulation des engins agricoles, ainsi qu'une demande préalable d'indemnisation, à laquelle la commune n'a pas répondu. Les requérants ont demandé au tribunal administratif de Versailles de constater l'emprise irrégulière de la commune de Leuville-sur-Orge sur leur parcelle, de condamner la commune à démolir le trottoir réalisé au droit de leur parcelle B 426 dans toute sa largeur et sur une longueur de 4 mètres et à les indemniser des préjudices subis. Ils forment appel du jugement du 16 mars 2021 par lequel le tribunal administratif a limité la condamnation de la commune à les indemniser d'une somme de 300 euros en rejetant le surplus de leurs conclusions.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

3. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté puis, si tel est le cas, de rechercher d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

4. Il résulte de l'instruction que la commune a proposé aux requérants un prix de 3 euros le m² pour une surface de 177 m², que les requérants ont signé les documents d'arpentage le 26 février 2013, que le conseil municipal a voté, après avoir informé le GAEC du Déluge que la totalité des propriétaires avaient donné leur accord pour la cession de terrains nécessaire à la construction du trottoir, une délibération le 28 février 2013 approuvant l'acquisition des terrains nécessaires à la réalisation du projet. Toutefois, il n'est pas contesté qu'aucune vente concernant la surface de 177 m² de la parcelle B 426 n'a été réalisée par le notaire en charge de cette opération et qu'aucune expropriation n'a été réalisée par la commune de telle sorte qu'en l'absence d'acte de propriété, la commune doit être regardée comme ayant réalisé une emprise irrégulière sur le terrain des requérants.

5. Les requérants ont refusé la cession à l'amiable de la parcelle de 177 m², la commune de Leuville-sur-Orge n'a pas eu recours à une procédure d'expropriation et la tentative de médiation entre les parties n'a pas abouti de sorte qu'une régularisation ne peut être retenue.

6. MM. A... soutiennent que la seule solution envisageable consisterait à détruire une partie du trottoir sur une largeur de 4,2 mètres de nature à permettre un accès à leur parcelle depuis le CR 41. Ils précisent que cette démolition serait très limitée, qu'elle n'aurait que peu d'effets sur la circulation des piétons et ne porterait pas atteinte à l'intérêt général et enfin, qu'en cas de revente de leur parcelle, cela permettrait au futur acquéreur de ne pas se trouver dans une situation de terrain totalement enclavé. Toutefois, les requérants continuent à bénéficier d'un accès à leur parcelle, exploitée en commun dans le cadre du GAEC du Déluge, en accédant par la parcelle 423, la distance à parcourir n'étant que d'une cinquantaine de mètres. Il n'est pas non plus allégué que cette servitude de passage de fait serait assortie d'une indemnisation versée aux fonds servants pour accéder à la parcelle B 426 et il ne résulte pas non plus de l'instruction que d'autres exploitants se soient plaints de la construction de ce trottoir et de l'absence d'accès direct à leur parcelle depuis le CR 41. Enfin, si les requérants font état de difficultés en cas de vente, dans la configuration actuelle de leur terrain avec une absence d'accès direct au CR 41, ils n'apportent aucun élément sur un tel projet de vente qui n'est qu'hypothétique. En revanche, la destruction d'une partie de l'ouvrage public, outre son coût, aurait pour effet la nécessité de réaliser une pente douce pour aménager un accès à leur propriété, en raison de l'élévation de la route, et de modifier l'éclairage sur le chemin rural. Ainsi, cette démolition même partielle, pour satisfaire les intérêts privés des requérants, constituerait une atteinte excessive à l'intérêt général.

7. Enfin, les requérants font valoir qu'ils pourraient prétendre à la démolition partielle de l'ouvrage sur le fondement de l'accessoire du droit de propriété, constitué par l'accès à la voie publique. Toutefois, outre des considérations liées notamment à la sécurité de la circulation, le maire peut subordonner l'autorisation de réaliser un tel aménagement à la condition que le pétitionnaire accepte de prendre en charge tout ou partie du coût de la réalisation et de l'entretien de cet aménagement. Or, les requérants ont demandé la démolition partielle de l'ouvrage aux seuls frais de la commune de sorte qu'il ne peut être fait droit à leur demande sur ce fondement.

8. Par suite, la demande des requérants tendant à enjoindre à la commune de Leuville-sur-Orge de procéder à une démolition partielle du trottoir construit le long du CR 41 au droit de leur parcelle B 426 ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne les demandes indemnitaires :

9. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, de rejeter les demandes formées à titre d'indemnisation par les requérants.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées en première instance, M. C... A... et M. B... A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. La commune de Leuville-sur-Orge n'étant pas la partie perdante, les conclusions de MM. A... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge solidaire des requérants à verser à la commune de Leuville-sur-Orge en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... A... et M. B... A... est rejetée.

Article 2 : M. C... A... et M. B... A... verseront solidairement la somme de 1 500 euros à la commune de Leuville-sur-Orge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à M. B... A... et à la commune de Leuville-sur-Orge.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.

Le rapporteur,

J-E. PilvenLe président,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE01589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01589
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;21ve01589 ?
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