Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le maire de la commune de Mantes-la-Jolie a, par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mai et le 18 juin 2024, demandé au tribunal administratif de Versailles de déclarer M. Daff démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal.
Par un jugement n° 2404330 du 21 juin 2024 le tribunal administratif de Versailles a déclaré M. A... D... E... démissionnaire d'office du conseil municipal de Mantes-la-Jolie.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2024, M. Daff, représenté par Me Blanchetier, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande du maire de Mantes-la-Jolie ;
3°) et de mettre à la charge de la commune de Mantes-la-Jolie la somme de 1 800 euros à lui verser titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas expressément été désigné comme président ou assesseur d'un bureau de vote ;
- il n'a pas reçu l'avertissement prévu à l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales, les courriers adressés n'évoquant pas les sanctions applicables ;
- il justifie de deux excuses valables ;
- la sanction qui lui a été infligée est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 5 août 2024, le maire de la commune de Mantes-la-Jolie, représenté par Me Bouvier, avocat, conclut à la recevabilité de son intervention et au rejet de la requête.
Il soutient que son intervention est recevable et que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 27 août 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer précise qu'il s'en remet à la sagesse de la cour et aux observations produites par le maire de la commune qu'il entend ainsi régulariser.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even, président-rapporteur,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Blanchetier pour M. Daff.
Considérant ce qui suit :
1. Le tribunal administratif de Versailles a, sur demande de M. C... B..., maire de la commune de Mantes-la-Jolie, déclaré M. Daff démissionnaire d'office du conseil municipal de cette commune au motif qu'il a refusé, sans excuse valable, de remplir les fonctions d'assesseur d'un bureau de vote de la commune pour le scrutin des élections européennes le 9 juin 2024.
Sur l'intervention du maire de la commune de Mantes-la-Jolie :
2. Lorsqu'il saisit le tribunal administratif d'une demande de démission d'office d'un membre du conseil municipal, le maire d'une commune agit en tant qu'autorité de l'Etat. Seul le ministre de l'intérieur a ainsi qualité pour représenter l'Etat dans la présente instance d'appel. Par suite, le mémoire présenté devant la cour par le maire de la commune de Mantes-la-Jolie doit être regardé comme constituant un mémoire en intervention présenté à l'appui des conclusions du ministre. Le ministre de l'intérieur a produit un mémoire en appel précisant qu'il s'en remet à la sagesse de la cour et aux observations produites par le maire de la commune qu'il entend ainsi régulariser. Par suite, l'intervention du maire de la commune de Mantes-la-Jolie doit être admise.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes des dispositions de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif. / Le refus résulte soit d'une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l'abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation. / Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d'un an ". Aux termes des dispositions de l'article R. 2121-5 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L 2121-5, la démission d'office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif. / Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l'article L. 2121-5 saisit dans le délai d'un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif. / Faute d'avoir statué dans le délai fixé à l'alinéa précédent, le tribunal administratif est dessaisi (...) / Lorsque le tribunal administratif prononce la démission d'un conseiller municipal, le greffier en chef en informe l'intéressé en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois pour se pourvoir devant la cour administrative d'appel (...) ".
4. Aux termes des dispositions de l'article R. 44 du code électoral : " Les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : / - Chaque candidat ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; / - Des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l'ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. / Le jour du scrutin, si, pour une cause quelconque, le nombre des assesseurs se trouve être inférieur à deux, les assesseurs manquants sont pris parmi les électeurs présents sachant lire et écrire le français, selon l'ordre de priorité suivant : l'électeur le plus âgé, puis l'électeur le plus jeune ".
5. Il résulte de l'instruction, qu'en réponse à une lettre du maire lui demandant de confirmer sa présence au bureau de vote pour les élections européennes du 9 juin 2024, M. Daff, conseiller municipal de Mantes-la-Jolie, a, par un courrier électronique du 13 mai 2024, indiqué que " je serai hors du territoire national du 25 mai au 9 juin. Je rentre le 9 juin au matin par conséquent je ne serai pas en mesure de tenir un bureau de vote ".
6. En premier lieu, les fonctions de président ou d'assesseur d'un bureau de vote prévues aux articles R43 et R44 du code électoral comptent parmi les fonctions dévolues par la loi à un conseiller municipal au sens de l'article L 2121-5 du code général des collectivités territoriales. Le requérant ayant refusé d'exercer cette fonction, le maire n'avait pas lieu de le faire figurer sur le tableau organisant les bureaux de vote et de procéder à une désignation le concernant. Ceci ne fait donc pas obstacle à l'engagement à son encontre d'une procédure de démission d'office en application des dispositions précitées.
7. En second lieu, la formalité procédurale de l'avertissement préalable ne s'impose, aux termes du 3ème alinéa de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales que dans le cas où le refus de remplir une des fonctions dévolues par les lois résulte d'une " abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation " et non dans le cas ce refus résulte d'une déclaration expresse rendue publique par son auteur. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire a omis d'adresser au requérant l'avertissement prévu par ces dispositions ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales énonçant les fonctions qu'un conseiller municipal est tenu de remplir à peine d'être déclaré démissionnaire d'office par le tribunal administratif en application de l'article R. 2121-5 de ce code, qu'un conseiller municipal ne peut se soustraire à cette obligation que s'il est en mesure, sous le contrôle du juge administratif, de présenter une excuse valable. Peut être, le cas échéant, regardé comme excipant d'une telle excuse un conseiller municipal qui établit l'existence de manœuvres consistant en les décisions ou comportements d'un maire destinés à provoquer un refus de l'intéressé d'exercer ses fonctions, susceptible de le faire regarder comme s'étant de lui-même placé dans la situation où il peut être déclaré démissionnaire d'office.
9. M. Daff, conseiller municipal de Mantes-la-Jolie, justifie son refus de participer à la tenue d'un bureau de vote de la commune lors des élections européennes du 9 juin 2024 en invoquant un motif médical et les contraintes d'un voyage à l'étranger. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que l'intéressé est affecté par des troubles oculaires qui ont justifié une nouvelle intervention chirurgicale, trois jours après la date du scrutin incriminé à l'hôpital des Quinze-Vingts à Paris. Cependant, ce handicap ne l'empêche pas d'exercer la fonction de conseiller municipal. Et si ces difficultés visuelles importantes ne lui permettent sans doute pas, comme il l'affirme, de vérifier la carte d'identité et la carte électorale des électeurs, ainsi que les numéros et la signature qu'il appose, ces tâches ne sont généralement pas effectivement assumées par le président ou l'assesseur d'un bureau de vote qui est assisté par d'autres personnes. En outre, si M. Daff, qui était ambassadeur itinérant à la Présidence de la République du Sénégal, affirme avoir été tenu d'effectuer un séjour dans ce pays afin d'y rencontrer des personnalités officielles et se voir remettre une récompense pour services rendus avant la cessation de cette fonction, il n'établit pas que ce séjour devait nécessairement se dérouler du 25 mai au 9 juin 2024 au matin alors que le scrutin de ce jour était programmé de longue date. Ces deux circonstances alléguées ne peuvent donc être regardées comme constituant une excuse valable au sens des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales.
10. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction pas que le maire aurait engagé à l'encontre du requérant une procédure de démission d'office pour des motifs étrangers à ceux mentionnés par les dispositions précitées, notamment politiques, et ainsi commis un détournement de pouvoir.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal de la commune de Mantes-la-Jolie. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doivent être rejetées. Par ailleurs, le maire de la commune de Mantes la Jolie, intervenant en défense n'étant pas partie à la présente instance au sens de ces mêmes dispositions, elles font obstacle à ce que soit mis à la charge du requérant le versement de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention du maire de la commune de Mantes-la-Jolie est admise.
Article 2 : La requête de M. Daff est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le maire de la commune de Mantes-la-Jolie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Daff, au ministre de l'intérieur et au maire de la commune de Mantes la Jolie.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente assesseure,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.
Le président-rapporteur,
B. Even
La présidente assesseure,
G. Mornet
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 24VE02011