Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 13 février 2020 par laquelle le maire de la commune de Rueil-Malmaison a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, de condamner la commune de Rueil-Malmaison à lui verser la somme de 30 899 euros en réparation des préjudices subis dans le cadre de la gestion de sa carrière, et d'enjoindre au maire de la commune de Rueil-Malmaison de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par un jugement n° 2008222 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision du 13 février 2020, a enjoint au maire de la commune de Rueil-Malmaison d'accorder à M. B... le bénéfice de la protection fonctionnelle, a condamné cette commune à lui verser la somme de 2 268 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2019, et a rejeté le surplus des conclusions principales de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 31 mai 2022 et 1er décembre 2023, M. B..., représenté par Me Halpern, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 31 mars 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle pour l'ensemble des agissements qu'il a invoqués, et en tant qu'il a limité l'indemnisation des préjudices subis ;
2°) d'enjoindre à la commune de Rueil-Malmaison de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle pour l'ensemble des agissements qu'il a subis ;
3°) de condamner la commune de Rueil-Malmaison à lui verser la somme supplémentaire de 28 681,61 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2019 ;
4°) et de mettre à la charge de la commune de Rueil-Malmaison la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de reconnaître le caractère discriminatoire de l'ensemble des agissements dont il a été victime de la part de sa hiérarchie du fait de son activité syndicale à compter de l'année 2013 ;
- ces agissements engagent la responsabilité pour faute de la commune de Rueil-Malmaison, qui doit être condamnée à indemniser l'ensemble des préjudices qu'il a subis ;
- il a subi un préjudice professionnel et financier qui doit être évalué à la somme de 3 681,61 euros ;
- le préjudice moral qu'il a subi doit être réparé à hauteur de 25 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2023, la commune de Rueil-Malmaison, représentée par Me Carrère, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle pour l'ensemble des agissements qu'il a invoqués, sont irrecevables, faute d'intérêt à faire appel ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 5 janvier 2023.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984,
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008,
- décret n° 2011-605 du 30 mai 2011,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Halpern, représentant M. B...,
- et les observations de Me Lefebure, représentant la commune de Rueil-Malmaison.
Une note en délibéré a été produite pour M. B... le 16 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., agent titulaire relevant du cadre d'emplois des éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives, a été recruté par la commune de Rueil-Malmaison en juillet 2006, pour exercer les fonctions de maître-nageur sauveteur à la piscine municipale des Closeaux. Estimant être victime d'agissements constitutifs de discrimination syndicale de la part de sa hiérarchie et de l'autorité territoriale, il a demandé au maire de la commune de Rueil-Malmaison, par un courrier du 13 décembre 2019, reçu le 18 décembre 2019, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de réparer les préjudices financier et moral qu'il a subis. Ces demandes ont été rejetées par une décision du 13 février 2020. Par le jugement attaqué du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du maire de Rueil-Malmaison du 13 février 2020, lui a enjoint d'accorder à M. B... le bénéfice de la protection fonctionnelle, a condamné la commune de Rueil-Malmaison à verser à M. B... la somme de 2 268 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2019, et a rejeté le surplus des conclusions principales de la demande. L'appelant demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel :
2. M. B... demande notamment à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 31 mars 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 13 février 2020 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle pour l'ensemble des agissements qu'il a invoqués, et d'enjoindre à la commune de Rueil-Malmaison de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle pour l'ensemble de ces agissements. Toutefois, dans la mesure où l'intérêt à faire appel s'apprécie au regard du dispositif du jugement attaqué et non par rapport à ses motifs, M. B... n'a pas intérêt à présenter les conclusions d'appel précitées, dès lors que le dispositif du jugement lui a donné entièrement satisfaction s'agissant des conclusions en excès de pouvoir et des conclusions à fin d'injonction présentées en première instance. Dans cette mesure, les conclusions d'appel de M. B... doivent donc être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité :
3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions (...) syndicales (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (...) ses convictions, (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".
4. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure ou une pratique a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. En premier lieu, M. B... soutient que ses évaluations professionnelles ont été rédigées en des termes défavorables à partir de 2013, en raison de son engagement syndical à l'automne 2013. Il fait valoir que tous les agents nouvellement syndiqués ont alors eu des évaluations subitement défavorables, et que les appréciations proposées par le chef de bassin de la piscine des Closeaux ont été modifiées, de manière inhabituelle, par le directeur des sports de la commune. Il résulte cependant de l'instruction que les observations défavorables faites à M. B... dans le cadre de ses évaluations professionnelles sont antérieures à la création du syndicat dont il est membre, comme cela ressort notamment d'un courrier du directeur de la piscine du 24 juillet 2013, évoquant les dysfonctionnements au sein de la structure. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les griefs mentionnés dans les évaluations de l'intéressé au titre des années 2013 à 2017 seraient liés à son engagement syndical et non à sa manière de servir. Les éléments avancés par l'appelant ne sauraient donc faire présumer une discrimination liée à l'engagement syndical de l'intéressé s'agissant de ses évaluations professionnelles. La circonstance que d'autres maîtres-nageurs ont reçu des évaluations similaires est à cet égard sans incidence dès lors que les comportements d'opposition systématique reprochés à ces agents étaient de même nature.
6. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions d'avancement d'échelon et de grade de M. B... à partir de l'année 2013, ainsi que la diminution de son taux de prime, seraient liées à son engagement syndical, et non à sa manière de servir, telle que décrite dans le cadre de ses évaluations professionnelles. Ces éléments ne permettent donc pas de laisser présumer une discrimination syndicale à son égard de la part de la commune de Rueil-Malmaison.
7. En troisième lieu, M. B... estime que la modification des conditions de rémunération de ses heures de travail exercées les jours fériés ont pour origine la volonté de la commune de Rueil-Malmaison de réprimer son activité syndicale. Il résulte cependant de l'instruction, notamment d'un compte-rendu du comité technique paritaire du 6 septembre 2013, que la commune a souhaité réorganiser les temps de travail des agents de la piscine des Closeaux afin de faciliter ses conditions de fonctionnement de cette structure, et non en vue d'opérer une discrimination à l'égard des agents ayant eu un engagement syndical à partir de l'automne 2013.
8. En dernier lieu, la seule circonstance qu'une note du directeur de la piscine des Closeaux du 24 février 2017 relève que la gestion de la structure par le biais d'une délégation de service public permettrait notamment d' " exclure les maîtres-nageurs sauveteurs des syndicats de la ville " ne saurait suffire à faire regarder le choix par la collectivité de ce mode de gestion comme constitutif d'un agissement discriminatoire à l'égard de M. B.... Si la commune de Rueil-Malmaison a manqué de diligence dans le cadre de la recherche d'un poste de reclassement pour l'intéressé, qui n'a pas souhaité être employé par la société délégataire, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel manquement aurait été motivé par une discrimination syndicale.
En ce qui concerne les préjudices :
9. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 du présent arrêt que M. B... n'est pas fondé à demander réparation des préjudices financiers qu'il aurait subis du fait d'agissements discriminatoires à son égard autres que les refus illégaux de cumul d'activités qui lui ont été opposés entre 2013 et 2015, et au titre desquels le jugement attaqué a condamné la commune de Rueil-Malmaison à verser à M. B... la somme de 1 768 euros en réparation des préjudices subis.
10. D'autre part, en fixant à 500 euros l'indemnité due à M. B... par la commune de Rueil-Malmaison au titre du préjudice moral qu'il a subi du fait des refus de cumul d'activités illégaux qui lui ont été opposés entre 2013 et 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas procédé à une évaluation insuffisante.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Rueil-Malmaison, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme à la commune de Rueil-Malmaison sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Rueil-Malmaison tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Rueil-Malmaison.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Mornet, présidente assesseure,
- Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.
La rapporteure,
G. MornetLe président,
B. Even
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22VE01335