La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/09/2024 | FRANCE | N°23VE02458

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 19 septembre 2024, 23VE02458


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions du 10 janvier 2023 par lesquelles le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 eu

ros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions, et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions du 10 janvier 2023 par lesquelles le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2300967 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2023, M. A..., représenté par Me de Sèze, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfecture de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 à verser à Me de Sèze, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a procédé, sans y avoir été invité par l'administration et sans en avoir informé les parties, à une substitution de motifs qui est, par suite, irrégulière ;

- la décision attaquée et le jugement attaqué sont entachés d'une erreur de fait en ce qu'il n'a jamais fait l'objet d'un précédent refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence d'une appréciation globale de sa situation dès lors que le préfet a fait du sérieux du suivi de la formation un critère prépondérant sans prendre en compte les liens avec le pays d'origine et l'avis de la structure d'accueil ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;

- il remplissait les conditions objectives fixées par cet article ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles en date du 25 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Camenen a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né en 2004, fait appel du jugement du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Essonne du 10 janvier 2023 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. A... soutient que le tribunal administratif a procédé d'office, sans y être invité par l'administration et sans l'en avoir informé, à une substitution de motifs, le tribunal s'étant fondé sur la circonstance qu'il ne justifiait pas suivre une formation depuis au moins six mois alors que le préfet de l'Essonne ne s'est pas fondé, dans sa décision et dans ses écritures, sur cette condition.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée est fondée sur le motif que M. A..., qui est inscrit en 3e UPE2A pour l'année 2021-2022, ne remplit pas les conditions énoncées par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il ne démontre aucun intérêt particulier pour ses études, qu'il n'atteste pas du caractère sérieux du suivi de formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et qu'il n'a pas donné suite au message du bureau du séjour des étrangers du 20 septembre 2022. Si M. A... a notamment fait valoir dans ses écritures de première instance être inscrit en formation de CAP " monteur des installations sanitaires " pour l'année 2022-2023 et a produit un certificat de scolarité en attestant, le tribunal administratif a pu considérer qu'il ne justifiait pas suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle au sens de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans procéder à une substitution de motifs, dès lors que cette formation n'est pas mentionnée dans la décision attaquée.

4. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de fait qu'aurait commise le tribunal pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

6. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions rappelées au point 5 ci-dessus, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

7. En premier lieu, la décision attaquée précise notamment que M. A... n'atteste pas du caractère sérieux du suivi de formation destinée à lui apporter une formation professionnelle. Elle indique également que M. A... ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, cette décision est suffisamment motivée en fait et en droit.

8. En deuxième lieu, cette motivation révèle un examen particulier de la situation de M. A....

9. En troisième lieu, si M. A... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait en ce qu'il n'aurait jamais fait l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une mesure d'éloignement le 24 novembre 2022, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif tiré de ce qu'il ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, si la décision attaquée mentionne principalement l'absence de sérieux du suivi de la formation par le requérant, il ressort de l'ensemble de sa motivation que le préfet a procédé à une appréciation globale de la situation de M. A... conformément aux dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a ainsi pas entaché sa décision d'une erreur de droit.

11. En cinquième lieu, M. A... soutient qu'il remplissait les conditions fixées par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tenant, notamment, à l'inscription, depuis au moins six mois, dans une formation destinée à apporter une qualification professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'au titre de l'année 2021-2022, M. A... n'a suivi qu'une formation en " unité pédagogique pour élèves allophones arrivants " (UPE2A), qui n'est pas une formation destinée à apporter une qualification professionnelle et qu'à la date de la décision attaquée il était inscrit depuis moins de six mois en première année du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " Monteur Installations Sanitaires ". Les stages en entreprises effectués par M. A... au cours des années 2021 et 2022 ne peuvent être regardés comme constituant une formation destinée à apporter une qualification professionnelle à M. A.... Dans ces conditions, nonobstant la circonstance que ces stages ont donné lieu à des appréciations en faveur de M. A..., le préfet n'a ni méconnu les dispositions précitées en refusant de lui délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. M. A... soutient que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui n'est entré en France qu'en octobre 2020, est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas de l'intensité de ses liens personnels et professionnels sur le territoire français. Dans ces conditions, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations précitées et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, le préfet de l'Essonne, qui a visé notamment le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui a rejeté la demande de titre de séjour de M. A... par une décision suffisamment motivée, a suffisamment motivé la décision portant obligation de quitter le territoire français.

15. En deuxième lieu, la motivation de la décision attaquée révèle un examen particulier de la situation de M. A....

16. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour.

17. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que M. A... ne justifie pas de l'intensité de ses liens privés et professionnels en France. Par suite, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

18. En dernier lieu, si M. A... soutient que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte, en tout état de cause, aucun élément de nature à étayer la réalité des traitements inhumains ou dégradants auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, ce moyen doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président-assesseur,

Mme Florent, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le rapporteur,

G. CAMENENLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE02458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02458
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : DE SEZE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;23ve02458 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award