Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200160 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2023, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Il soutient que son arrêté est régulier et ne viole pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la mère et le beau-père de Mme B... ne sont titulaires que de cartes de séjour temporaires valables jusqu'au 8 mai 2023 et délivrées postérieurement à l'arrêté litigieux, que Mme B... est célibataire et sans charge de famille et que son père réside encore en Tunisie.
Par des mémoires, enregistrés respectivement les 25 avril 2023 et 19 juin 2024, Mme B..., représentée par Me Sow, avocat, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dès la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet du Val-d'Oise ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sow pour Mme B..., en présence de cette dernière.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante tunisienne née en 2000, a sollicité le 11 juin 2021 son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien. Par un arrêté du 9 décembre 2021, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un jugement n° 2200160 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté. Le préfet du Val-d'Oise relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en 2018, à l'âge de 17 ans, munie d'un visa de court séjour valable du 18 avril au 18 mai 2018. Elle a été scolarisée en septembre 2018 en classe de seconde au lycée Voillaume à Aulnay-sous-Bois, puis a été intégrée en classe de première au cours de cette même année scolaire 2018/2019. Au terme de l'année scolaire 2019/2020, elle a obtenu son baccalauréat série scientifique avec la mention assez bien. A la date de l'arrêté attaqué, elle était inscrite en première année de licence informatique de l'université de La Sorbonne. Mme B... vit en France avec sa mère, son beau-père, sa sœur et sa demi-sœur. A la date de l'arrêté attaqué, sa mère et son beau-père n'étaient cependant pas titulaires de titres de séjour. La requérante était célibataire et sans charge de famille et n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, ou résidait encore son père. Eu égard à la durée de son séjour en France et à sa situation familiale, et malgré son parcours scolaire, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté en litige au motif que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la cour.
Sur les autres moyens :
5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme C... D..., adjointe au directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture du Val-d'Oise, qui a reçu délégation à cet effet par arrêté n° 21-038 du 21 octobre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 21 octobre 2021.
6. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué cite les dispositions applicables et détaille la situation familiale et personnelle de Mme B... en indiquant sa date d'entrée en France, qu'elle est célibataire, sans charge de famille et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside son père. Cet arrêté précise également qu'il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle et familiale qu'elle pourrait bénéficier d'une mesure de régularisation à titre humanitaire et exceptionnel et que la décision ne porte pas atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Un tel arrêté est suffisamment motivé.
7. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, l'arrêté litigieux n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article L. 435-1 du même code, ni n'est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 9 décembre 2021. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2200160 du 6 décembre 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B....
Copie sera transmise pour information au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
La rapporteure,
C. PHAM Le président,
F. ETIENVRELa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE00136 2