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16/07/2024 | FRANCE | N°23VE02283

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 16 juillet 2024, 23VE02283


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par une ordonnance du 3 novembre 2022, le président du tribunal

administratif de Montreuil a transmis la demande de M. B... au tribunal administratif de Cergy-Pon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par une ordonnance du 3 novembre 2022, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis la demande de M. B... au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 2214974 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces enregistrés les 13 octobre et 22 décembre 2023, et les 21 mai et 6 juin 2024, M. B..., représenté par Me Céleste, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et lui délivrer dans l'attente de la décision à intervenir un récépissé portant autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis émis le 29 août 2022 par le collège de médecins de l'OFII est incomplet, dès lors que le médecin rapporteur ne l'a pas examiné et qu'aucune case n'est cochée concernant les éléments ayant permis l'élaboration du rapport ;

- le préfet a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son état de santé, qui a justifié la délivrance d'un premier titre de séjour, n'est pas stabilisé et que les risques de récidive sont très importants ; le risque de cécité emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- le refus de renouvellement de son titre de séjour porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français durant un an n'est pas motivée ;

- elle est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il n'a jamais troublé l'ordre public et qu'il a été autorisé à séjourner en France pendant un an.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des pièces et des observations les 31 mai et 12 juin 2024.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder sa décision sur un moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant un an, qui sont nouvelles en cause d'appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ghanéen né le 25 décembre 1984, est entré en France via les Pays-Bas le 23 novembre 2019, muni d'un visa de court séjour délivré par les autorités néerlandaises, afin de bénéficier d'une prise en charge médicale. Il a été mis en possession d'un titre de séjour du 26 avril 2021 au 25 avril 2022, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il a sollicité le renouvellement le 21 avril 2022. Par l'arrêté contesté du 12 octobre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 14 septembre 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande d'annulation de ces trois décisions.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). "

3. En premier lieu, si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus indique que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin rapporteur ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Il ne ressort pas de ces dispositions que le médecin rapporteur ait l'obligation d'examiner le demandeur pour élaborer le rapport au vu duquel se prononce le collège, qui peut être établi au vu des pièces du dossier. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'instruction de la demande doit être écarté.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une panuvéite bilatérale probablement secondaire à une toxoplasmose, avec une monophtalmie de l'œil gauche, ayant perdu son œil droit en 2019 à la suite d'une infection oculaire. Pour refuser de renouveler le titre de séjour pour motif médical de M. B..., le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII, selon lequel l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des documents médicaux produits et des observations de l'OFII que, si M. B... a présenté plusieurs récidives d'inflammation oculaire ayant nécessité un traitement antiparasitaire et antiinflammatoire, ainsi qu'un suivi ophtalmologique, le risque de perte d'acuité visuelle de l'œil fonctionnel n'était pas avéré à date de l'arrêté contesté. En outre, il n'est pas établi que M. B... ne pourrait pas bénéficier d'un suivi adapté au Ghana. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. B..., dont les deux enfants mineurs résident dans son pays d'origine, se prévaut de la présence en France de sa mère en situation régulière et de sa demi-sœur de nationalité française. Toutefois, il n'établit pas son lien de parenté avec la personne qui l'héberge, alors qu'il a déclaré lors de son hospitalisation en février 2020 être hébergée chez une amie et, lors de sa demande de titre de séjour, avoir pour mère une personne portant un autre nom. Par ailleurs, le titre de séjour pour soins d'un an qu'il a obtenu ne lui donnait pas vocation à demeurer en France à l'issue de sa prise en charge médicale. Dans ces conditions, le refus de séjour opposé à M. B... n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

8. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour étant écartés, le moyen d'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". La décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français n'ayant pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision lui refusant un titre de séjour, qui est suffisamment motivée, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

10. En dernier lieu, dans les circonstances exposées aux points 4 et 6 du présent arrêt, en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal tendaient seulement à l'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Par suite, les conclusions de sa requête d'appel tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, sont nouvelles en cause d'appel et dès lors irrecevables.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juillet 2024.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOL

La greffière,

A. GAUTHIERL

a République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE02283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02283
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CELESTE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;23ve02283 ?
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