Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 2002862 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance, réduit les bases des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à la charge de M. et Mme C... au titre des années 2011 et 2012 à hauteur des sommes déchargées aux points 18, 20, 23, 31, 36 et 40 du jugement, prononcé la décharge des impositions correspondantes et rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 septembre 2022 et le 3 octobre 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Hoin, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 18 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le caractère contradictoire de l'examen de leur situation fiscale personnelle a été méconnu ;
- la procédure d'imposition d'office des revenus regardés par le service comme d'origine indéterminée est irrégulière, dès lors qu'ils n'ont pas pu retirer le pli recommandé contenant la demande de justifications du 19 décembre 2014 ;
- la proposition de rectification du 24 février 2015 est insuffisamment motivée, en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée, en ce qu'elle se réfère à la demande de justification qui n'a pas été reçue ;
- les plus-values de cessions mobilières réalisées par M. et Mme C... devaient bénéficier de l'abattement prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts ;
- ils justifient de ce que ne constituent pas des revenus d'origine indéterminée la somme de 32 000 euros qui leur a été prêtée par leur fils, les sommes reçues par chèque à la suite d'une brocante, le crédit de 10 510,45 euros encaissé par erreur et immédiatement reversé à la société PMS Conseil et les crédits de 16 726,35 euros et 76 966,47 euros provenant de la société Pharmacie Biologie Participation qui correspondent au paiement du prix des actions de la société Laboratoire Denel cédées le 15 novembre 2011 et font donc double emploi avec la rectification de la plus-value de cession.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que les conclusions de la requête sont devenues sans objet à hauteur du dégrèvement prononcé et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, au 27 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion ;
- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 et 2012, à l'issue duquel l'administration fiscale a réintégré dans leurs bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, au titre de l'année 2011, selon la procédure contradictoire, une somme de 20 000 euros perçue à titre d'indemnité transactionnelle regardée comme une rémunération, des plus-values de cessions des titres de la société Laboratoire Denel réalisées par M. et Mme C..., le 15 février 2011, pour des montants de 230 367 euros et 50 063 euros, ainsi qu'un crédit d'impôt de 226 euros pour dépenses environnementales et une charge de pension alimentaire de 3 000 non justifiés, et au titre de l'année 2012, selon la procédure contradictoire, une pension alimentaire de 2 400 euros et, selon la procédure de taxation d'office 336 235 euros de revenus d'origine indéterminée. En réponse aux observations du contribuable, le service a abandonné la rectification relative au crédit d'impôt pour dépenses environnementales et réduit à 196 199 euros et 30 901 euros les plus-values de cessions mobilières compte tenu du prix d'acquisition des titres cédés. Les rectifications maintenues ont été soumises à l'appréciation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, du supérieur hiérarchique du vérificateur et de l'interlocuteur départemental sans changement, puis mises en recouvrement. Sur la réclamation présentée par les contribuables le 4 juillet 2019, le service a réduit les revenus d'origine indéterminée à hauteur de 20 593,52 euros. Par le jugement attaqué du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance correspondant à l'abandon de la taxation d'office d'un crédit bancaire de 62 728,06 euros au titre de l'année 2012, déchargé M. et Mme C... des impositions mises à leur charge à raison de notes de frais pour des montants de 2 305,20 euros et de 10 723,55 euros, des pensions alimentaires versées en 2011 et 2012 et de l'indemnité transactionnelle de 20 000 euros, et réduit les revenus d'origine indéterminée des sommes de 18 000 euros et 28 000 euros perçues de la société Pacha Finances et de la somme de 10 002,02 euros perçue sur le prix de vente des actions Laboratoire Denel. M. et Mme C... doivent être regardés comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande de décharge des impositions restant en litige.
Sur l'étendue du litige :
2. Par un avis de dégrèvement du 23 novembre 2022, postérieur à l'introduction de la requête d'appel, l'administration fiscale a accordé aux requérants la décharge des impositions relatives à la plus-value de cession réalisée par M. C... au titre de l'année 2011. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 de ce livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé sur les points qu'il envisage de retenir un dialogue contradictoire avec le contribuable.
4. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a, après un premier rendez-vous fixé le 25 mars 2014 qui a été annulé par la vérificatrice, proposé à M. C... un rendez-vous le 14 avril 2014 auquel il a indiqué le 11 avril 2014 ne pouvoir se présenter. La vérificatrice a ensuite proposé trois rendez-vous successifs les 29 avril, 29 mai et 25 septembre 2014 auxquels M. C... ne s'est pas présenté, les plis ayant été retirés le dernier jour du délai de garde, après la date fixée pour l'entretien. Par un courrier du 20 octobre 2014, le service a de nouveau proposé un rendez-vous le 14 novembre 2014, pour lequel M. C... a indiqué le 5 novembre ne pouvoir se rendre, sans faire mention de sa nouvelle adresse. Dans ce courrier, M. C... proposait de rencontrer la vérificatrice le 1er décembre 2014, à 11 heures. Le courrier du 14 novembre 2014, par lequel la vérificatrice a indiqué qu'elle n'était pas disponible le 1er décembre et a proposé une nouvelle date au 5 décembre 2014 est revenu au service avec la mention " destinataire inconnu à cette adresse ". Bien qu'une copie de ce courrier ait été renvoyée au contribuable le 21 novembre 2014, en lettre simple et par courriel, celui-ci ne s'est présenté ni le 1er ni le 5 décembre 2014. Par un fax du 3 décembre 2014 mentionnant sa nouvelle adresse, M. C... s'est excusé d'avoir oublié le rendez-vous qu'il avait lui-même fixé au 1er décembre, en raison du décès de sa mère, et a proposé une rencontre confirmée par le service, le 19 décembre. M. C... ne s'est pas présenté le 19 décembre 2014, ni le 23 février 2015 lors du dernier rendez-vous auquel il est constant que les intéressés ont été convoqués. Dans ces circonstances, le service doit être regardé comme ayant cherché à engager avec les contribuables un dialogue contradictoire sur les points qu'il envisageait de retenir avant l'envoi des propositions de rectification du 8 décembre 2014 et du 24 février 2015.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. "
6. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a adressé aux contribuables une demande de justifications le 19 décembre 2014, portant sur les crédits financiers apparaissant sur leurs relevés bancaires de l'année 2012 et qu'à défaut de réponse à cette demande de justifications, les revenus d'origine indéterminés ont été taxés d'office sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales. Cependant, si le pli recommandé a été présenté et mis en instance le 20 décembre 2014, puis retourné au service le 6 janvier 2015 avec la mention " pli avisé et non réclamé ", il ressort notamment d'une attestation de la directrice adjointe du bureau de La Poste de Noisy-le-Roi, que le préposé de La Poste a refusé, le 31 décembre 2014, de distribuer la lettre recommandée à la mandataire désignée par M. et Mme C... au motif que celle-ci n'était pas en possession de l'avis de passage. Le défaut de présentation de l'avis de passage n'est pas un motif de refus de distribution. La circonstance que la procuration sur papier libre rédigée par M. et Mme C... comportait une erreur matérielle de date est sans incidence sur la validité de cette procuration, qui mentionne précisément le numéro du recommandé en instance. Dans ces conditions, alors même que les requérants disposaient encore d'un délai de deux jours après le refus de distribution, les vendredi 2 janvier et samedi 3 janvier 2015, pour retirer eux-mêmes le pli ou renouveler le mandat, M. et Mme C... établissent qu'ils ont été empêchés de retirer le courrier qui leur était adressé. Dans ces conditions, la demande de justifications ne peut être regardée comme ayant été régulièrement notifiée aux requérants. Si l'administration fiscale fait valoir que les contribuables n'ont été privés d'aucune des garanties attachées à la procédure contradictoire, elle ne demande pas à la cour de substituer la procédure de rectification contradictoire à la procédure d'évaluation d'office des bases et il n'appartient pas au juge de procéder d'office à cette substitution de base légale. Il s'ensuit que la taxation d'office des revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 2012 est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et que les impositions qui en ont résulté doivent être déchargées.
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
7. L'article 150-0 A du code général des impôts dispose que les gains nets retirés des cessions à titre onéreux de droits sociaux sont soumis à l'impôt sur le revenu. L'article 150-0 D bis du même code prévoyait, dans sa version applicable au litige, un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième. Aux termes de l'article 150-0 D ter de ce même code, dans sa version alors en vigueur : " I -L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique (...) aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : / (...) 2° Le cédant doit : / a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° (...) ". Aux termes de l'article 885 O bis du même code : " Les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : / 1° Être, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions. / (...) ".
8. Il est constant que Mme C... n'exerçait aucune fonction de direction au sein de la société Laboratoire Denel. La plus-value réalisée par Mme C... à l'occasion de la cession des titres qu'elle détenait de la société Laboratoire Denel n'est dès lors pas susceptible de bénéficier de l'abattement pour durée de détention en faveur des chefs d'entreprise qui cessent leur activité, prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 correspondant à des revenus d'origine indéterminée.
Sur les frais de l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme C... à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance.
Article 2 : M. et Mme C... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux correspondant à des revenus d'origine indéterminée mises à leur charge au titre de l'année 2012.
Article 3 : Le jugement du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juillet 2024.
La rapporteure,
O. DORION La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22VE02207